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Entreprises et salariés manifestent peu d’intérêt pour la retraite anticipée

La CNSS a liquidé à peine 3 494 dossiers de 2010 à novembre 2015. La charge à supporter pour un départ à 55 ans décourage les entreprises. Sur l’année 2014, les départs sont plus nombreux à la CIMR mais les salariés craignent les pertes potentielles de revenus.

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Les salariés ne se bousculent pas pour prendre une retraite anticipée. C’est ce que révèlent les statistiques de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) au titre des cinq dernières années. En effet, durant la période 2010-2015, ce sont à peine 3 494 salariés (chiffres arrêtés au 23 novembre 2015) qui ont bénéficié du dispositif. Le pic a été enregistré en 2013 avec 823 départs. Pour l’année en cours, ce sont 807 dossiers qui ont été liquidés au 23 novembre, soit 300 de plus par rapport à l’année précédente. A la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite (CIMR), les départs à la retraite anticipée ont représenté 36,25% du total en 2014, soit 3 177.

A la lecture des chiffres 2014, on remarque que les deux régimes sont déconnectés. Ce déphasage est normal car le régime CIMR étant complémentaire, un salarié qui en est bénéficiaire peut liquider sa retraite à partir de 50 ans, à condition d’avoir cumulé 5 ans de cotisation, tout en continuant à travailler et donc cotiser au régime de base de la CNSS jusqu’à 60 ans, âge légal de départ à la retraite. Il y a cependant des conditions. L’article VI bis, alinéas 3 et 4, du texte réglementant la CIMR prévoit qu’en «vue d’éviter les abus résultant de cessation fictive d’activité dans la dernière entreprise, au cas où le bénéficiaire reprendrait dans celle-ci postérieurement à sa retraite, les mêmes fonctions ou des fonctions équivalentes, le service des allocations pourrait être suspendu par décision du conseil d’administration. Il en est de même dans le cas où le bénéficiaire prendrait des fonctions équivalentes dans une autre entreprise dans le délai d’un an après l’entrée en jouissance de sa retraite».

Si la retraite anticipée a toujours existé dans le régime complémentaire, sa mise en place dans le régime de base n’a été instituée qu’en 2005 à la demande du patronat. Elle devait permettre aux entreprises désirant se restructurer ou rajeunir leurs effectifs de disposer d’une marge de manœuvre plus large. Très peu en ont fait usage. Preuve en est le nombre de bénéficiaires rapporté à la population potentiellement concernée par la retraite anticipée estimée au départ à 30 000 personnes.

A la CNSS, l’entreprise peut payer jusqu’à 230 000 DH pour un départ à 55 ans

Chiffre surévalué ? Dispositif peu intéressant pour les entreprises ? Refus des salariés ? Plusieurs interrogations peuvent être soulevées pour tenter de comprendre l’écart. «Le mécanisme que nous avons conçu est neutre pour le régime. Pour en sauvegarder l’équilibre, les employeurs doivent payer les cotisations dues au titre des cinq années restant jusqu’à l’âge de la retraite. Les entreprises jugent aujourd’hui que la prime est importante et refusent de la verser», explique un cadre de la CNSS. Ce même argument est repris par des responsables syndicaux qui estiment que «les employeurs préfèrent continuer à payer un salaire pendant une année ou deux plutôt que de payer la prime due au titre de la retraite anticipée».

En vertu de l’article 53 bis de la loi relative à la réforme des statuts de la CNSS, la retraite anticipée est soumise à des conditions précises dont l’accord de l’employeur sur le principe et pour le paiement de la prime qui équivaut au montant des pensions à payer pour les cinq années restantes. Le versement de la prime, calculée par les services de la CNSS, se fait en une seule fois. Déterminée en fonction d’un barème fixé sur la base du nombre de mois restant à travailler jusqu’à l’âge de 60 ans et d’un taux technique de valorisation de 3,5%, cette prime est plafonnée à 230 000 DH. Toujours selon le même article, les postulants doivent avoir cotisé pendant 3 240 jours continus ou discontinus. Ce qui équivaut à une durée de travail de 10 ans et 6 mois à raison de 26 jours par mois. Les assurés doivent bien sûr être âgés de 55 ans et plus.

La tendance est le rallongement de l’âge de départ à la retraite

A la CIMR, les affiliés qui choisissent de liquider leur retraire dès l’âge de 50 ans ne pourront toucher qu’une partie de leur pension en fonction du nombre d’années non travaillées. «C’est pourquoi le départ anticipé n’est pas avantageux puisque l’assuré recevra une petite pension. Les abattements appliqués ne sont pas du tout encourageants pour les salariés», commente Hicham Zouanat, directeur général associé du Cabinet Partenaires Conseil. En effet, en cas d’un départ anticipé à 50 ans, l’assuré ne percevra que 40% de l’ensemble des points cumulés. Toutefois, cette caisse a mis en place «la retraite à 55 ans sans anticipation». Cette clause qui doit être intégrée dans le contrat permet à l’assuré de bénéficier d’une retraite pleine. Cependant, les cotisations globales (patronales et salariales) sont majorées de 38,89%. Cette majoration peut être supportée par le salarié tout seul ou avec son employeur. Malgré tout, l’assuré peut ne pas percevoir 100% de la pension normalement perçue à 60 ans du fait de la réduction liée au paiement par anticipation.

Pour le régime de base comme pour le complémentaire, le salarié peut être appelé à faire un choix difficile. Le risque financier -perte de revenu- à moyen terme incite ainsi à la prudence. Le même facteur financier peut être évoqué si l’on se situe du côté de l’employeur. «Une entreprise en restructuration, normalement en difficulté financière, ne peut se permettre de supporter en plus le coût de départ de ses employés», analyse M. Zouanat selon qui la retraite anticipée est à rebours «de la tendance qui est le rallongement de l’âge de départ à la retraite». Un avis partagé par Jawad Tadlaoui, directeur du département communication et relations avec les clients à la CIMR qui souligne qu’«au niveau mondial et aussi au Maroc, l’amélioration de l’espérance de vie et le rallongement de l’âge légal de la retraite font que très peu de salariés formulent le souhait de partir à la retraite avant 60 ans».