Affaires
Assises nationales du tourisme : la réforme au milieu du gué
Les chantiers avancent mais de manière inégale
Le système financier marocain fortement critiqué
Les structures de concertation et de pilotage de la loi-cadre ne fonctionnent pas toujours comme souhaité.

Marquer un temps d’arrêt pour mesurer le chemin parcouru par la Vision 2010 d’abord, et adopter une position commune pour présenter un front uni aux Assises internationales du tourisme, qui auront lieu à la mi janvier 2005 à Ouarzazate, ensuite. Tels étaient les objectifs des deuxièmes Assises nationales du tourisme qui ont drainé une foule de professionnels et d’officiels, samedi 11 décembre 2004, à Marrakech.
Que faut-il retenir de cette rencontre entre les professionnels du tourisme et leur ministre, liés, rappelons-le, par un contrat précis : arriver à drainer 10 millions de touristes à l’horizon 2010 ? La Vision 2010 avance sur toutes ses pattes, même si certaines d’entre elles sont à la traîne. En d’autres termes, la destination Maroc se consolide, mais elle n’est pas encore suffisamment compétitive, même si les chiffres 2004 sont jugés bons. A fin octobre, les arrivées aux frontières totalisent 4,7 millions de touristes. Adil Douiri, ministre du Tourisme, affirme même que l’année 2004 sera clôturée à au moins 5,2 millions d’arrivées.
Cependant, les chantiers de l’accord-cadre n’avancent pas au même rythme ni de manière synchronisée, ce qui donne prétexte à toutes les critiques de la part des professionnels, insatisfaits, parfois à juste titre et parfois tout juste par réflexe. Le petit monde du tourisme est ainsi : on se critique sévèrement dans le dos et on se complimente autour de la même table. Il est donc inutile de s’attarder sur la polémique puisque, à l’issue de la réunion, les professionnels et leur ministre regardaient, malgré quelques échanges de piques, dans la même direction.
L’aérien n’est plus regardé comme un obstacle
Notons que c’était à Amyn Alami, président du directoire de CFG Group, un des initiateurs de la stratégie du secteur, qu’était revenu naturellement la tâche de présenter un bilan d’étape, à la veille de l’année 2005, qui sera une année charnière pour la réalisation des objectifs de l’accord-cadre. Rappel utile : la Vision 2010 est fondée sur une nouvelle offre touristique, compétitive et rentable. Ceci dans le contexte de l’année 1999 où le Maroc accueillait 2 millions de touristes seulement. Le tourisme apparaît dans ce contexte comme un secteur prometteur mais artisanal, sous-exploité, essoufflé, alors que ses potentialités naturelles sont énormes. La stratégie déclinée dans l’accord-cadre visait donc à transformer ce secteur transversal en vecteur de développement, ce qui sous-entend d’ouvrir simultanément des chantiers sur trois fronts.
Premier point, le commercial. Il s’agit d’améliorer l’offre produit, en agissant sur le prix de l’aérien, la promotion et la professionnalisation des métiers du tourisme. Sur ce volet, il semble que l’on avance bien, du moins quantitativement, dans la mesure où le pari sur le balnéaire, le plan Azur, est en marche et que la plupart des stations sont concédées ou en passe de l’être. De même, l’aérien n’est plus cet obstacle tant dénoncé. A ce jour, il y a plus de 60 dessertes supplémentaires sur des destinations nationales ; Royal Air Maroc a créé sa compagnie low-cost et la dynamique de l’ouverture du ciel est largement entamée. Quant à la promotion, si tout le monde s’accorde à dire que son budget est insuffisant, le ministre a clairement affirmé que la politique suivie en ce domaine par l’ONMT vise avant tout l’efficacité, avec une promotion sélective sur certains marchés émetteurs, selon les moyens de l’office.
Pour les métiers du tourisme, un grand effort reste à faire au niveau de la formation des ressources humaines ou de la création d’opérateurs touristiques de taille, notamment pour l’organisation du tourisme intérieur, qui reste largement dans la sphère informelle.
Marrakech attend encore son plan de développement régional
Sur le chapitre industriel et financier, deuxième point, si tout le monde se réjouit que le problème du foncier, qui constituait un frein à l’investissement, soit aujourd’hui entièrement résolu et que le système fiscal reste, malgré quelques déceptions au niveau de la fiscalité locale, globalement cohérent, il n’en est pas de même pour le financement des projets. Le système financier marocain, fait-on remarquer ici, en présence de nombreux banquiers, «n’est pas construit pour concéder des prêts à long terme et pour renforcer les entreprises en fonds propres».
Enfin, c’est le volet institutionnel et politique qui semble susciter quelques inquiétudes. On assiste à un essoufflement des convictions dans certains départements ministériels, et les structures de concertation et de pilotage de la loi-cadre ne fonctionnent pas toujours bien. Ainsi du Comité stratégique du tourisme (CST) et des CRT (conseils régionaux du tourisme) dont la mission devra être, de l’avis générale, revue. L’une des missions des CRT étant de concevoir des Plans de développements régionaux (PDR), beaucoup de questions sont posées à ce sujet. La destination phare, Marrakech, n’a pas de PDR et Casablanca, qui en a un, peine à le financer. La Vision 2010 reste à mi-chemin sur tous les plans.
