Affaires
Le projet de loi bancaire déplafonne la prise de participation des banques dans les assurances
Un arrêté du ministère des Finances, datant de 2000, leur interdisait de détenir plus de 30 % du capital d’une compagnie
En matière d’assurance dommage, elles pourront aussi contourner le Code des assurances en créant leur propre société de courtage.
Après avoir vu leur marge de manœuvre réduite par le Code des assurances, les banques pourraient amorcer un retour en force sur le segment de la bancassurance. Dans sa dernière mouture, le projet de loi bancaire rend caduc l’arrêté du 16 août 2000 du ministère des Finances qui les empêchait jusqu’alors (sauf dérogation spéciale) de détenir plus de 30 % du capital d’une compagnie d’assurance. Cette limitation était due au fait qu’on estimait que les compagnies d’assurance n’exerçaient pas d’activités connexes à celles des banques.
Le déplafonnement des participations concerne aussi les cabinets de courtage. Pour les banques, c’est bien à ce niveau que réside l’intérêt immédiat du projet. Une fois le texte voté et promulgué, elles auront l’opportunité de contourner la disposition du nouveau Code des assurances leur interdisant de toucher des commissions relatives à la distribution des produits d’assurance dommage, qui leur cause un important manque à gagner actuel et potentiel. Si l’on sait que la majorité des établissements ont consenti un effort considérable en formation et en motivation des équipes du réseau pour pousser les feux de la bancassurance, notamment en contrats multirisques à destination des particuliers et des professionnels, les nouveaux aménagements de la loi bancaire ne peuvent qu’être bien accueillis par le secteur.
Les dividendes se substitueront aux commissions potentielles perdues
L’idée consiste donc à créer une «captive d’assurance», qui n’est rien d’autre qu’une filiale exerçant le métier de courtier d’assurance. Les produits distribués aux clients par le réseau le seront au nom de la captive et la banque ne percevra effectivement aucune commission de la part de la compagnie d’assurance. Ce sera donc le courtier qui touchera cette commission. La lettre du code sera ainsi respectée. En revanche, dans les faits, la maison-mère, en l’occurrence la banque, se rattrapera sur les dividendes en cas de distribution totale ou partielle des bénéfices.
Selon des sources fiables, certains établissements sont en train d’échafauder les montages nécessaires pour une telle gymnastique. Apparemment, cela en vaut la peine. En France, par exemple, les bancassureurs ont rapidement atteint plus de 6 % de parts d’un marché qui leur était totalement fermé quelques années auparavant.
Pour une entité telle que Attijari Wafabank qui représentera, dès 2005, un volume d’affaires d’un milliard de DH en bancassurance, on imagine le potentiel de richesse logé dans une captive intermédiaire entre la banque et Wafa Assurance. Cela sans compter les perspectives très prometteuses d’extension de la bancassurance à de nouveaux produits jusqu’alors accaparés par les agents et/ou courtiers tels les contrats d’assurance automobile. Une grosse pointure comme BMCE Bank peut aussi tirer les marrons du feu, avec l’ensemble RMA Wataniya.
En somme, avec les montages qui seront mis en place incessamment, les banques marocaines auront confirmé la théorie selon laquelle l’ingénierie financière se développe en réaction aux réglementations contraignantes qu’elle s’efforce de contourner. Mais bien en amont, le lobbying a été également salutaire.
