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Le «papier» Maroc plébiscité

400 millions de dollars ont été levés à  un taux de 5,24 %, prime de risque comprise.

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Fathallah Oualalou, ministre des Finances, est aux anges, et il a toutes les raisons de l’être : le Maroc vient de réussir sa sortie inaugurale (puisque c’est la première que le Royaume a effectuée sans présenter de garanties) sur le marché international des capitaux, celui de Londres, où il a levé un emprunt obligataire de 400 millions d’euros – pour une maturité de 5 ans.
Au-delà du taux d’intérêt obtenu (5,24%, prime de risque comprise), qui est de toute façon celui du marché au moment de la conclusion de l’émission, l’essentiel dans ce type d’opération se trouve au niveau du spread (ou prime de risque) appliqué à l’emprunt. Et là, soulignent les experts, le Maroc en a obtenu un bon: 215 points, soit beaucoup mieux que la Tunisie, par exemple, avec 295 points. Autrement dit, la réaction des investisseurs (du Moyen-Orient, de l’Europe et des Etats-Unis) par rapport au «papier» Maroc a été satisfaisante. C’est tout l’enjeu de cette émission, dont on n’a cessé de parler depuis quatre ans.
Il faut savoir en effet que cet emprunt n’est motivé par aucun besoin de financement : non seulement le marché domestique, auquel on a recours à travers les adjudications de bons du Trésor, offre des conditions intéressantes en termes de taux d’intérêt (de l’ordre de 5 % pour les courtes et moyennes maturités), mais de plus, les revenus des privatisations et, plus généralement, le niveau relativement satisfaisant de la croissance, donc des recettes fiscales, ont créé une sorte d’aisance de la trésorerie. Il se trouve justement que lorsqu’il s’agit d’un emprunt sans garantie, lancé qui plus est pour la première fois, «il vaut mieux, disent les spécialistes, y aller quand on est à l’aise en termes de financement», comme c’est le cas du Maroc, aujourd’hui. Cela permet de mieux négocier et, le cas échéant, de surseoir à l’opération sans subir quelque dommage que ce soit.
Le moment est donc bien choisi. «Il y a trois ou quatre ans, le spread appliqué au Maroc était, tenez-vous bien, de 500 points. Si on avait lancé l’emprunt à ce moment-là, il se serait passé dans des conditions assez difficiles», confie un responsable du ministère des Finances. Le moment est bien choisi également parce que, il faut le dire, l’émission du Maroc intervient dans une conjoncture où les marchés, selon l’expression d’un banquier, «connaissent un certain passage à vide». «La sortie du Maroc, poursuit ce banquier, tombe à pic, car bientôt les marchés vont connaître une grande effervescence du fait qu’ils seront intensément sollicités pour la reconstruction de l’Irak».
Reste que, intervenant au lendemain des événements dramatiques qu’a connus Casablanca le 16 mai dernier, on aurait pu craindre quelques réticences à l’égard du Maroc. Il n’en fut rien ; bien au contraire. «Il y eut un tel engouement pour l’opération qu’on aurait pu obtenir davantage que ce qu’on a demandé. Aurait-on sollicité un milliard d’euros qu’on l’aurait facilement obtenu», raconte-t-on au ministère des Finances.
De 2001 à 2002, le stock de la dette extérieure publique a baissé de 12 %
Venant immédiatement (une semaine, pratiquement) après l’exceptionnelle réussite de la privatisation de la Régie des Tabacs, cet emprunt obligataire et les conditions de son obtention soulignent la confiance qu’ont les investisseurs (privés, qui plus est) à l’égard de la destination Maroc.
Que va faire Oualalou des 400 millions de dollars obtenus ? Le marché interne regorgeant de liquidités, à des taux intéressants comme déjà souligné, et sans aucun risque de change, l’emprunt servira exclusivement à rembourser les dettes (externes) onéreuses : il s’agit cette fois des dettes contractées auprès de la Banque islamique de développement (BID) et de la Banque africaine de développement (BAD). Cela participe, comme on sait, de la politique de maîtrise de l’endettement extérieur, mise en place depuis quelques années: remboursement anticipé des dettes onéreuses, conversion des dettes en investissements et recours systématique au marché domestique pour les besoins de financement.
De cette politique, il résulte que la dette extérieure publique a diminué sensiblement : uniquement entre 2001 et 2002, son stock a baissé de 12%, passant de 163,1 milliards à 142,1 milliards de dirhams (ou 13,9 milliards de dollars). Par rapport au PIB, le taux d’endettement extérieur a reculé de 42,6 % à 34,7 % entre 2001 et 2002, soit un gain de 8 points