Affaires
Médicaments : la détention des AMM divise les laboratoires nationaux et les multinationales
Les multinationales conditionnent leur développement local à la reprise des AMM détenues par les fabricants sous licence. Les laboratoires nationaux accusent les firmes étrangères de n’avoir aucune stratégie de développement dans le pays.

«L’Ecosystème pharmaceutique», ou la nouvelle vision stratégique de l’industrie pharmaceutique, présentée en juin dernier par les professionnels du secteur au ministère de la santé et à celui du commerce et de l’industrie, crée des remous. Les laboratoires nationaux et multinationaux ne semblent plus être sur la même longueur d’onde. Même si l’objectif des industriels membres des trois associations professionnelles (Association marocaine de l’industrie pharmaceutique -AMIP-, Association marocaine du médicament générique -AMG- et Maroc Innovation Santé -MIS-) de «créer, à l’horizon 2020, autour de l’industrie pharmaceutique, un environnement auto générateur de croissance pour le secteur» est commun, des divergences liées à des intérêts des uns et des autres apparaissent et ont même, selon des sources proches du dossier, «ralenti le rythme d’avancement des travaux». Selon ces sources, les industriels, nationaux et étrangers, sont effectivement d’accord sur les deux volets de la stratégie que sont la biotechnique et les essais cliniques, mais s’opposent sur le volet des autorisations de mise sur le marché (AMM).
La loi 17-04 réglementant l’exercice de la profession dispose que l’obtention d’une AMM est conditionnée par l’existence d’un site industriel. Autrement dit, le laboratoire doit bien fabriquer ses produits au Maroc. Aujourd’hui, sur les dix-sept multinationales présentes au Maroc, huit sont directement implantés. Les autres fabriquent sous licence auprès de laboratoires nationaux. Ces derniers sont, conformément à la loi 17-04, détenteurs des AMM ; lesquelles sont octroyées en vertu de contrats signés avec le ministère de la santé.
Pour le MIS, aucun opérateur n’est lésé
Appelés à investir et contribuer au développement du marché pharmaceutique dont ils détiennent déjà 60%, selon les chiffres de leur groupement Maroc innovation santé, les multinationales veulent reprendre les AMM relatives à leurs produits, et insistent sur le fait que «les fabricants sous licence ne peuvent pas détenir indéfiniment ces AMM».
Pour les opérateurs nationaux, regroupés au niveau de l’AMIP et de l’AMG, «la reprise des AMM pourrait être un préalable à la délocalisation de ces laboratoires vers d’autres pays avant de réexporter au Maroc. Ce qui va à l’encontre de l’un des objectifs de la vision sectorielle qui vise la réduction des importations et le développement de la production locale». Et les laboratoires nationaux d’ajouter : «Aujourd’hui, les maisons mères des laboratoires étrangers n’ont aucune stratégie de développement sur le marché marocain, ce qui explique que plusieurs d’entre eux procèdent à des restructurations dans les filiales marocaines, avec suppression de postes et même de lignes de production».
Le MIS réfute ces allégations et avance que «cinq laboratoires sont prêts à investir au Maroc dans des unités de production». Ses responsables précisent que «si certains opérateurs ont cédé leurs unités au Maroc, les laboratoires locaux, notamment les fabricants de génériques, en ont tiré profit». Ils soulignent en substance que les deux intervenants sur ce marché ont toujours cohabité sereinement pour le développement du marché du médicament et doivent continuer à opérer ainsi en vue de mettre en place cette nouvelle vision stratégique. «Il serait dommage que le Maroc ne puisse pas bénéficier des molécules innovantes développées par les multinationales !», se plaignent-ils.
Le cabinet Valyans prépare une deuxième note de synthèse sur l’écosystème
Par ailleurs, le MIS réclame des mesures d’accompagnement, sachant que les multinationales ont été très touchées par la baisse des prix du médicament décidée en 2014 par le ministère de la santé. «La baisse des prix est nécessaire pour une meilleure accessibilité aux soins certes, mais il faut également accompagner les opérateurs face à ses implications, en particulier, et la mise en place de la stratégie sectorielle de façon plus globale». L’accompagnement pourrait se faire via une libéralisation des produits «over the counter» ( OTC) ou «produits de comptoir sans prescription médicale», et l’intégration de certains produits sur la liste des médicaments remboursables.
Du côté du ministère de la santé, on avance que «le dossier de l’écosystème pharmaceutique se poursuit et que l’on essaie de tenir compte des intérêts de toutes les parties concernées». Cette semaine, le cabinet d’études Valyans doit présenter sa deuxième note de synthèse aux professionnels. Il faut noter que le MIS a contesté une première note livrée, il y a quelques semaines, par le cabinet, arguant que celui-ci n’avait pas contacté l’ensemble des multinationales. Depuis, des rendez-vous ont été pris avec les laboratoires intéressés pour cerner davantage la problématique. Les conclusions de cette étude seront présentées et discutées dans des séances de travail avec les ministères concernées.
