SUIVEZ-NOUS

Affaires

Transport maritime : l’Etat en panne d’idées pour la relance du pavillon national

Les mesures prises par l’Exécutif ont permis d’améliorer les conditions de la traversée, mais ne sont pas en mesure de relancer le pavillon national.

Publié le


Mis à jour le

Transport maritime 2015 10 07

Le bilan de l’opération Marhaba est officiel. Le nombre de Marocains ayant regagné le pays pour les vacances, entre le 5 juin et le 15 septembre, a augmenté de 4,56% par rapport à la même période de 2014, à 2 474 348 personnes. Près de la moitié (1 021 053) est passée par les ports, marquant une hausse de 10,56%. Cette évolution peut surprendre plus d’un en raison du contexte difficile que vit le secteur maritime. Cela veut-il dire que les mesures prises par les pouvoirs publics en vue d’améliorer les conditions de la traversée et relancer le secteur maritime national ont été fructueuses ? Rien n’est moins sûr, même s’il est vrai qu’il y a unanimité sur le fait que la traversée s’est déroulée dans de meilleures conditions qu’en 2014. Ce constat est partagé par le ministère des MRE, l’Association professionnelle des armateurs (APCOM), qui reconnaît que «de nettes améliorations, notamment en termes de délais de transit et du niveau des prix, ont été constatées», et FRS Maroc dont le DG, Moritz Bruns, relève «une meilleure répartition du trafic, une meilleure coordination entre les opérateurs et les autorités portuaires». C’est ce qui a justement fait diminuer les temps d’attente pour permettre une fluidité dans la circulation les jours de pointe.

Cela n’est cependant pas suffisant pour rassurer la communauté maritime sur l’avenir du secteur. Car, il faut bien le rappeler, bien des problèmes restent à résoudre. Le premier concerne les prix de la traversée durant l’opération de transit. Bien qu’ils aient été en dessous des records atteints en 2014, les tarifs sont toujours exorbitants pour nombre de passagers. Les opérateurs eux-mêmes reconnaissent qu’il existe des solutions, notamment l’installation d’un système de billettique fermée. «Tant que le taux d’occupation moyen de tous les navires, en dehors de l’opération Marhaba, ne dépasse pas les 30%, il n’y aura absolument aucune marge pour baisser les prix», explique-t-on auprès de FRS. La billetterie fermée permet justement d’optimiser les capacités et d’améliorer le contrôle du taux d’occupation des navires tout au long de l’année, ce qui se reflétera indéniablement sur les prix de la traversée.

Hormis la problématique des tarifs, celle du «quasi-monopole» des navires battant pavillon étranger est encore plus urgente à régler. Depuis 2012 (et les déboires des compagnies maritimes marocaines), ce sont principalement les compagnies étrangères qui assurent la traversée. Cette année, les pouvoirs publics ont fait des efforts en accordant des licences à deux nouvelles compagnies avec l’objectif de relancer le pavillon national. Force est de constater que si cela a permis une légère amélioration de l’offre proposée, aucune des deux compagnies n’a pu proposer un navire battant pavillon national. «Ces entreprises sont des opérateurs maritimes et non des compagnies maritimes. Elles se contentent d’affréter des navires. Cela ne permet donc pas de développer un pavillon marocain», explique un membre de l’association des armateurs. «Même quand elles ont des autorisations définitives d’exploitation d’une ligne, elles n’osent pas acquérir leur propre navire», ajoute un expert du secteur maritime. Pour ce dernier, cela s’explique non seulement par les faibles capacités financières de ces entreprises, mais également par un manque de visibilité dans le secteur qui n’encourage pas un investissement aussi important que l’achat d’un navire. «Finalement, on se retrouve avec une compagnie qui dépense en affrètement, en trois ou quatre ans, des sommes qui lui auraient permis d’obtenir un navire», ajoute la même source.

Les banques peu disposées à s’engager dans un secteur aussi risqué

Pourquoi alors opter pour ce schéma ? «C’est tout simplement parce qu’avec une stratégie de relance promise par les pouvoirs publics depuis des années et toujours pas élaborée, nul ne peut prévoir comment évoluera le secteur», ajoute l’expert. De plus, affréter un navire et payer les redevances en plusieurs tranches est plus facile que de convaincre un banquier à s’engager dans un secteur fortement risqué. Cette situation est d’autant plus problématique que, selon les professionnels, pour rivaliser avec les compagnies étrangères qui opèrent dans les lignes desservant les ports marocains, il ne suffira pas d’avoir un seul navire, mais trois ou quatre au minimum. «Aucune entreprise privée ne peut, dans le contexte actuel, se le permettre. Seul l’Etat a les moyens de le faire», souligne notre source auprès de l’association des armateurs. La stratégie annoncée par le ministère de l’équipement et des transports le prévoira-t-elle ? L’Etat peut-il réellement prendre le risque de lancer une compagnie nationale publique ? Les réponses à ces questions devront certainement attendre, tant la tutelle reste muette sur ses intentions. En dehors des déclarations sur la relance du pavillon national dans «les deux à trois ans à venir (ndlr: 2015, 2016 ou 2017)», rien ne filtre sur la fameuse stratégie.