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Affaires

L’expertise automobile en quête d’une meilleure organisation

Une dizaine de grands cabinets contrôle plus de la moitié du marché et fait le gros de leur business avec les assureurs. L’expertise automobile, pointue et technique, reste régie par la loi 45-00, texte général qui encadre l’expertise judiciaire dans son ensemble. L’inexistence de frontière entre l’expertise assermentée et l’expertise amiable peut entraîner des conflits d’intérêts.

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expertise automobile 2015 05 07

Les experts automobiles ne chôment pas. Avec plus de 120 000 sinistres par an, leurs prestations sont très sollicitées. Selon les praticiens sondés, plus de la moitié du marché est actuellement contrôlée par une dizaine de grands cabinets nationaux qui jouissent d’une réputation de professionnalisme surtout auprès des compagnies d’assurance. Le reste, plus atomisé, revient à des opérateurs plus petits avec des structures moins consistantes en termes de moyens et d’effectifs. Ces derniers exercent surtout au niveau de l’expertise assermentée près les tribunaux.

A l’opposé, les grands cabinets réalisent le gros de leur chiffre d’affaires avec des compagnies d’assurance, en instruisant des dossiers d’expertise amiable. «Nous faisons plus de 60% de notre activité avec les assureurs, 15% avec les tribunaux, et le reste avec les professionnels, notamment les concessionnaires et les loueurs longue durée ainsi que les particuliers dans une moindre mesure. Cette ventilation est plus ou moins la même chez l’ensemble des grands cabinets», affirme un opérateur qui pèse environ 15% du marché.

En effet, il faut savoir que le métier de l’expertise assermentée est régi par la loi 45-00 qui réglemente l’expertise judiciaire dont l’expertise automobile fait partie. Selon ce texte, il est formellement interdit d’exercer cette activité sans être inscrit sur l’une des listes d’experts judiciaires dans les différents tribunaux du pays. Pour ce faire, l’expert candidat doit avoir 10 ans d’expérience et préparer un dossier comprenant essentiellement les diplômes et certificats justifiant ses connaissances techniques dans le métier de l’automobile.

La loi régit donc l’expertise judiciaire sous toutes ses formes (automobile, immobilier…) en définissant l’expert comme un spécialiste chargé par les juridictions d’instruire des points à caractère technique sans faire de distinction entre les différentes spécialisations. Or, comme l’estiment plusieurs intervenants dans le secteur, l’expertise automobile de par son caractère pointu et technique doit être régie par un texte qui lui est spécifique.

La possibilité offerte à un expert assermenté d’instruire des dossiers d’expertise amiable est aussi considérée comme une limite par quelques professionnels. Ils craignent un grand risque d’abus vu la situation d’incompatibilité dans laquelle se trouverait un expert payé par une compagnie privée et qui est, en même temps, investi d’une mission auprès du tribunal. «En France, par exemple, l’expert automobile une fois assermenté ne peut plus faire de l’expertise amiable», précise un opérateur. Cela dit, c’est surtout la loi du marché qui prévaut dans l’expertise amiable. En effet, de plus en plus de donneurs d’ordre optent pour des prestataires en fonction de leur diplôme, leur compétence, leur réputation et de la capacité d’exécution de leur mission. La rémunération se fait à travers des barèmes conventionnés par chaque compagnie d’assurance.

Trois grands opérateurs étrangers annoncés

En dépit des problèmes d’incompatibilité soulevés, les opérateurs sont unanimes à dire que le secteur se modernise à grands pas et fait de plus en plus appel à des moyens technologiques. De plus, les avancées que connaît le secteur automobile rendent les connaissances très vite obsolètes à défaut d’être mises à jour. C’est justement pour parer à cela qu’un arrêté du ministère de l’équipement oblige, depuis mai 2013, les experts à suivre chaque année une formation continue dont la durée ne peut être inférieure à 18 heures.

Cette formation est axée sur les avancées technologiques dans le secteur automobile et le développement des méthodes de traitement des véhicules gravement accidentés.
Une idée judicieuse, car une grande redistribution des cartes se prépare dans le secteur. D’après des opérateurs bien informés, des géants mondiaux lorgnent déjà le marché marocain et comptent sérieusement s’y installer. L’on parle d’un grand cabinet américain qui peut aspirer la moitié du marché, d’un cabinet espagnol et d’un français dont la division visite technique est déjà présente dans le pays. L’arrivée de ces opérateurs pourrait bousculer plusieurs locaux aux moyens techniques et humains encore limités et aux connaissances pas toujours mises à jour.