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Idées

L’émergence du consom’acteur

Le nombre des associations de protection du consommateur a connu une hausse remarquable. Près d’une centaine d’associations couvrent diverses régions du Maroc, et deux fédérations se sont constituées à  l’échelle nationale.

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Larabi Jaidi 2015 02 24 2015 03 16

Chaque année en cette période, le Maroc fête la Journée internationale du consommateur. Le droit national de la consommation  a été renforcé par l’adoption, en 2011, de la loi 31-08 qui a établi des procédures pour la défense des consommateurs et favorisé l’émergence d’un mouvement consumériste. Le cadre juridique prévoit la création d’organes (Conseil consultatif supérieur de la consommation, Fonds d’appui aux associations de consommateurs) qui garantiraient l’opérationnalité des dispositifs de la loi et, en conséquence, l’effectivité de la règle de droit. Ces instances n’ont pas encore vu le jour. L’habillage institutionnel n’étant pas encore achevé qu’il devient déjà trop étroit pour réguler la réalité d’un mouvement de plus en plus étendu dans son implantation et plus engagé dans ses revendications. Mais nous sommes encore loin de la naissance d’un consom’acteur marocain, concept imaginé, dans les pays dotés d’une culture consumériste, pour désigner la capacité des consommateurs à être des acteurs réels dans la défense de leurs intérêts. Pourtant, deux préoccupations majeures rendent la protection du consommateur plus impérative que jamais. La première se rapporte aux changements  des habitudes de consommation et aux risques liés à la circulation des produits induits par l’ouverture du marché national. La deuxième concerne le rôle important que peut jouer un mouvement consumériste crédible, indépendant et doté du savoir-faire nécessaire.

Les consommateurs se trouvent confrontés à des risques multiples, notamment : les produits défectueux et peu sûrs, l’indication partielle ou incomplète des produits, la mauvaise qualité des services, les flous inhérents aux contrats de vente et de fournitures de services… De manière générale, le cadre juridique prévoit des dispositions relatives à l’obligation générale de sécurité de produits et services, à la responsabilisation des professionnels par l’obligation d’information, à l’instauration du délai de rétractation pour le consommateur et enfin à la protection de ses intérêts économiques à travers l’interdiction des clauses abusives. Par ailleurs, la loi a introduit des mesures pour le renforcement du rôle des associations de consommateurs. Ce renforcement procède d’une approche dont l’objectif consiste à accroître la pression sur les entrepreneurs et sur l’Etat en vue de conférer davantage d’importance à la santé des citoyens.

Le nombre des associations de protection du consommateur a connu une hausse remarquable. Près d’une centaine d’associations couvrent diverses régions du Maroc, et deux fédérations se sont constituées à l’échelle nationale. Ce réseau ne constitue pas une force puissante pour stimuler des réponses adéquates aux atteintes à la protection du consommateur. La plupart de ces associations sont peu organisées et mènent des actions sporadiques ; elles souffrent d’un manque de ressources nécessaires à la mise en place de structures actives, pérennes et efficaces. Ne bénéficiant pas du statut d’utilité publique , nombre de ces associations ne peuvent exercer une action civile devant les juridictions pénales et demander la réparation de préjudices subis par les consommateurs. Pour l’instant, l’action des consommateurs organisés n’a provoqué aucun changement en profondeur de la stratégie des producteurs et des distributeurs. On assiste, dans le meilleur des cas, à des actions ponctuelles.

Aujourd’hui, le «consom’acteur» marocain dont le profil a commencé à se dessiner depuis le début des années 2000 n’est pas encore parvenu à émerger comme figure marquante dans le paysage des acteurs économiques et sociaux. Pour formaliser sa mutation et renforcer ses pouvoirs, il paraît nécessaire de réorganiser son environnement institutionnel et associatif. La loi 31-08 a besoin d’une refonte qui permettrait de rééquilibrer les pouvoirs entre les consommateurs et les professionnels sur divers volets notamment : le délai de rétractation du consommateur, les conditions de résiliation des contrats, l’action de groupe, le renforcement des sanctions appliquées aux entreprises pour fraudes économiques.

Aujourd’hui, des consommateurs s’intéressent de plus en plus à de nouvelles façons de «consommer autrement». L’usage est valorisé au détriment de la propriété : achats d’occasion ou groupés, financement participatif de projets (crowdfunding), covoiturage… Plus qu’une mode, nous assistons à la naissance de nouvelles pratiques de consommation. Les associations de consommateurs les plus représentatives devraient prétendre à une seconde reconnaissance, une «reconnaissance spécifique». Celle-ci leur accorderait des droits plus importants que l’agrément «classique», notamment en matière de représentation au sein du futur Conseil consultatif supérieur de la consommation. En outre, le paysage institutionnel de la consommation a besoin d’une institution qui constituerait une plateforme de concertation et de médiation entre le mouvement consumériste, le secteur privé et les pouvoirs publics et développerait des services à valeur ajoutée dans le domaine de la protection des consommateurs. Le Centre marocain de la consommation dont l’annonce de la création a précédé l’adoption de la loi semble être passé à la trappe. C’est de ce dispositif rénové et renforcé que pourrait naître  ce nouveau «consom’acteur» marocain, plus averti et plus efficace dans ses actions. Ainsi, se déploierait les leviers pertinents pour l’amélioration de la protection des consommateurs et  la sanction des entreprises qui abusent de leur pouvoir n