Au Royaume
Couper le fil

Explosive, compliquée, voire impossible. Il n’y a pas si longtemps, aucun politique n’aurait osé toucher à cette bombe à retardement qu’était la Caisse de compensation. Pourtant, en cette fin 2014, le budget de l’Etat sera presque définitivement débarrassé d’une grosse partie de ce boulet qui pesait sur les équilibres financiers et sur l’équilibre tout court du Maroc.
Certes, on ne peut pas ne pas mettre cette grande avancée à l’actif de l’actuel gouvernement qui a eu tout de même la chance de profiter d’un heureux concours de circonstances qui ont rendu possible cette réforme. C’est que la situation s’est tellement détériorée que la réforme de la Caisse de compensation est devenue une question de vie ou de mort pour les finances publiques. A cela s’est ajoutée la conjoncture politique, sociale, économique aussi bien nationale qu’internationale qui a fait que les citoyens et les opérateurs économiques, indépendamment du fait qu’ils soient ou non affectés par la suppression des subventions, se sont finalement rendus à l’évidence qu’il valait mieux contribuer au sauvetage qu’à l’effondrement des finances de l’Etat.
Quoi qu’on en dise, la réforme des caisses de retraite n’a pas encore atteint le même stade de maturité et d’urgence et c’est ce qui explique qu’à ce jour les politiques prennent encore le temps de discuter, débattre, négocier…
Mais dans pas longtemps, quand l’Etat se rendra compte qu’il n’aura pas de quoi payer les pensions à la fin du mois, la réforme se fera, dans l’urgence, mais elle se fera à l’image de ce qui s’est fait dans la compensation.
Autant elles peuvent paraître compliquées, ces deux réformes sont pourtant bien plus simples que d’autres qui, elles, n’ont pas encore été attaquées. Car dans le cas des retraites comme dans le cas de la compensation, le compte à rebours est plus rapide et en même temps la mise en place de solutions se traduit le lendemain sur les comptes de l’Etat en milliards de DH. Ce n’est malheureusement pas le cas d’autres réformes.
Le compte à rebours de la bombe de l’enseignement est très lent. Il s’étale sur des générations et, comme les effets sont diffus, mélangés à du social et du politique, il n’y a pas de chiffres qui puissent indiquer avec certitude le moment de l’explosion dont les dégâts peuvent être irréparables. Et de la même manière, la réforme de l’enseignement ne se traduit pas dès le lendemain par des économies sur le budget. Une fois engagée, on devra attendre une voire deux générations pour espérer récolter les premiers fruits si, bien sûr, on ne s’est pas trompé. L’école, et dans une moindre mesure la justice et la santé, sont des réformes où la dimension temps est différente de l’horloge politique faite à base de mandats. L’enseignement est une réforme d’Etat et pas une réforme de gouvernements. La première étape, courageuse, d’une vraie réforme serait justement de la déconnecter du politique…
