Affaires
Frais de scolarité : les écoles privées appliquent une nouvelle hausse de 5 à 10%
L’augmentation annuelle traditionnelle de 100 à 150 DH passe à 400 DH du fait de l’arrivée de nouveaux opérateurs pratiquant des prix élevés. Les associations de parents d’élèves dénoncent ces hausses excessives que les écoles justifient par les salaires élevés des enseignants de qualité. La tutelle n’exerce aucun contrôle sur les prix, encore moins sur la qualité de l’enseignement des écoles privées.

Les prix dans l’enseignement augmentent à un rythme annuel moyen de 5%, selon l’indice des prix à la consommation du Haut commissariat au plan. C’est de loin l’inflation la plus élevée de tous les produits et services analysés par cette institution. En effet, les ménages, qui ont opté pour l’enseignement privé, supportent chaque année une hausse des frais de scolarité mensuels ainsi que des frais d’inscription annuels. Globalement, les écoles sont sensibles au niveau du pouvoir d’achat des parents et n’augmentent traditionnellement leurs frais que de 100 à 150 DH par an. Pour les petites écoles de quartiers, les révisions de tarifs se situent entre 50 et 60 DH. Mais cette tendance coutumière a connu une exception cette année. Selon Abderrahmane Lahlou, expert et consultant en éducation, «l’arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché a poussé les grandes écoles à décider des augmentations plus importantes de l’ordre de 300 à 400 DH. Ce qui représente une hausse de 5 à 10%». Ces écoles ne peuvent certes pas s’aligner sur la concurrence (la Mission belge et l’Ecole turque qui développe son réseau facturent respectivement 90 000 et 40 000 DH de frais par an) mais optent pour des hausses conséquentes. Une pilule dure à avaler pour les familles qui disent ne pas comprendre la hausse mais ne peuvent que la subir du fait de la défaillance de l’école publique. «Les écoles privées sont devenues mercantiles et profitent de la défaillance du secteur public pour faire payer aux parents, recherchant un enseignement de qualité, le prix fort», dit-on dans une association des parents d’élèves.
Si les parents ne trouvent pas de justification à la hausse soutenue des frais de scolarité, les écoles, de leur côté, mettent en avant la nécessité de garantir un enseignement et un encadrement de qualité. «Et cela a un coût notamment en matière de ressources humaines compétentes. Celles-ci représentent 60 à 70% des charges de fonctionnement des établissements privés», explique M. Lahlou. Et d’ajouter qu’actuellement il y a une rareté des compétences qui pousse les écoles privées à «s’arracher» les bons profils et à leur proposer des salaires substantiels. En moyenne, le salaire d’un enseignant varie de 10000 DH à Rabat à 12 000 DH à Casablanca. Et pour recruter de bons enseignants, les écoles n’hésitent pas à proposer une revalorisation de 20 à 40%.
Les experts recommandent un partenariat public/privé
Certaines écoles n’hésitent pas à bâtir leur politique d’image sur leurs enseignants afin d’attirer les parents. «Ces établissements recrutent au prix fort deux ou trois professeurs stars, très connus dans le milieu, pour les matières scientifiques et le français avec des rémunérations atteignant les 20 000 DH par mois. Ce qui pèse sur leur budget de fonctionnement et justifie des augmentations régulières de frais. L’idéal serait de procéder à une normalisation des salaires, mais l’on n’est pas encore à ce stade…», précise M. Lahlou qui ne manque pas d’ajouter que «cette normalisation ne peut se faire sans un contrôle du ministère de l’enseignement et de l’éducation nationale». Il est à préciser que ce département n’exerce aucun contrôle sur la politique tarifaire des établissements scolaires privés. Son rôle se limite à la délivrance des autorisations alors que certains experts estiment qu’il devrait s’étendre à la qualité de l’enseignement et au fonctionnement global des établissements.
En l’absence de ce contrôle, il est clair qu’actuellement les frais de scolarité obéissent à la loi de l’offre et de la demande. Et aujourd’hui, l’on assiste, face à la défaillance de l’école publique, à une montée en puissance du secteur privé qui est de plus en plus sollicité par les parents soucieux de garantir un enseignement de qualité à leur progéniture. Ceci étant, la cherté du coût de scolarité n’implique pas forcément l’excellence de l’enseignement. Que faire alors pour freiner ou du moins réguler ce rythme de croissance continue? Les experts recommandent la mise en place d’un partenariat public/privé. Ainsi, le Maroc adopterait, à l’instar d’autres pays développés et émergents, le système de subvention. «L’Etat pourrait alors octroyer des subventions aux familles souhaitant inscrire leurs enfants dans le privé afin d’alléger leurs dépenses. Ce qui lui reviendrait moins cher que la prise en charge des élèves dans les établissements publics qui souffrent d’une mauvaise gestion et de gaspillages importants», déduit Abderrahmane Lahlou. Une piste que devrait peut-être étudier le ministère en charge de l’enseignement afin de remédier aux failles de l’enseignement. Soulignons que le même projet de partenariat est très avancé dans le secteur de la santé qui est, au moins, aussi souffrant.
