Affaires
Nouvelle loi bancaire : les amendements de la Commission des finances
La commission propose une TVA de 5% sur les produits bancaires islamiques. Elle suggère également d’obliger les banques à réinjecter sous forme de crédits une partie des ressources collectées au niveau des régions pauvres. Les établissements poussés à assurer un service bancaire universel en créant une agence pour chaque 15 000 habitants.

La Commission des finances de la chambre des représentants n’a pas perdu de temps dans l’examen du projet de loi bancaire. Alors qu’elle a entamé les travaux il y a tout juste quelques semaines, ses propositions d’amendements sont presque finalisées. Au train où vont les choses, le texte devrait bientôt attaquer la phase de l’examen par les deux Chambres du Parlement.
Dans la liste des amendements proposés par la commission, que La Vie éco a pu consulter en exclusivité, plusieurs points retiennent l’attention. Un premier lot de propositions concerne les banques islamiques, appelées officiellement participatives. Un amendement phare proposé par les équipes de la majorité au sein de la Commission des finances consiste à accorder des avantages fiscaux à ces établissements. Il s’agit d’abord d’un taux de TVA préférentiel de 5% réservé aux produits participatifs. Viennent ensuite des incitations fiscales prévues pour les banques privées étrangères qui investiraient dans des banques halal au Maroc. Plus généralement, il est proposé que les établissements participatifs bénéficient d’un régime fiscal incitatif s’ils consacrent 10% de leur chiffre d’affaires au financement de TPME. Vraisemblablement, ces dispositions nécessiteront d’être explicitées dans une Loi de finances avant de pouvoir être mises en œuvre.
Outre ces avantages fiscaux, il est aussi proposé de consacrer un compartiment à la Bourse de Casablanca aux produits participatifs et aux transactions qui les concernent. Les amendements formulés par les membres de la Commission des finances ajustent aussi les mécanismes de réglementation du segment participatif. Une proposition importante dans ce sens concerne la tarification de ces produits qui, manifestement, peut donner lieu à des dérapages, notamment pour ce qui est du contrat Mourabaha.
Les banques poussées à s’impliquer dans le chantier de la régionalisation avancée
Les établissements participatifs pourraient en effet baisser exagérément leurs marges sur ces produits, en l’absence d’un seuil minimal, ce qui peut être nocif pour le système bancaire conventionnel. Pour parer à cela, il est proposé que des minimums et maximums de marge bénéficiaire pour les contrats Mourabaha soient établis.
D’autres amendements visent à pousser les banques, de manière générale, à s’impliquer dans le chantier national de la régionalisation avancée. Une proposition d’amendement introduit l’obligation pour les banques de réinjecter une partie des dépôts collectés au sein d’une région donnée sous forme de crédits à cette même région. La part précise à réinjecter est à arrêter par décret après consultation de Bank Al-Maghrib (BAM) de toutes les parties concernées. L’idée derrière ce mécanisme, inspiré du modèle de pays d’Asie Orientale, est de répartir plus équitablement les ressources collectées par les banques sur tout le territoire national. «Les réseaux bancaires dans les régions marginalisées collectent des dépôts qui sont transférés vers leurs sièges centraux à Casablanca. Ces derniers, à leur tour, redistribuent ces ressources sous forme de crédits accordés dans les régions les plus dynamiques sur le plan économique. Au final, les régions défavorisées en ressortent grandes perdantes alors qu’elles ont le plus besoin de capitaux pour développer des activités génératrices de revenus», justifie-t-on auprès de la Commission des finances. Précisons à ce titre que Casablanca et Rabat captent à elles seules plus de 70% des crédits distribués au niveau national, selon les statistiques de BAM. Reste que les banques pourraient juger ce mécanisme inapplicable du fait d’une rareté des projets et des investisseurs à financer au niveau des régions les plus pauvres. Qu’à cela ne tienne, l’amendement proposé par la commission prévoit une alternative. A défaut de redistribuer une partie des dépôts collectés au niveau d’une région sous forme de crédits, les banques devront contribuer à une caisse nationale destinée à financer les petites entreprises dans les provinces pauvres, dont la gestion serait confiée à la Caisse Centrale de Garantie.
Un autre amendement pensé dans la logique de la régionalisation avancée ouvre la possibilité de créer des banques régionales. A l’inverse des banques existantes, qu’il s’agirait de qualifier de nationales, les établissements à échelle régionale ne proposeraient leurs services qu’au niveau des provinces où elles se trouvent. En outre, au vu de leur moindre taille, ces banques devraient être soumises à des exigences de fonds propres moins importantes.
Dans la même veine, un autre amendement propose que BAM engage les banques à établir au moins une agence bancaire pour chaque 15 000 habitants à une date à déterminer, dans l’objectif de garantir une sorte de service bancaire minimum au niveau national. Naturellement, cet effort induira pour les banques des pertes sur certaines agences ne drainant pas d’importants flux, notamment en milieu rural. Et pour couvrir ces pertes, les membres de la commission proposent la création d’un fonds dédié qui devra être alimenté de manière solidaire par tout le secteur bancaire.
Un autre lot d’amendements proposé par la Commission des finances vise à mieux défendre les intérêts des clients de banques.
Les élus veulent que BAM unifie les tarifs de certaines prestations bancaires
Une première proposition plutôt audacieuse suggère que les frais et commissions concernant l’ouverture et la tenue de comptes soient officiellement déterminés par une circulaire du wali de BAM mise à la disposition des clients de banques. Naturellement, cela suppose au préalable que BAM unifie les tarifs de ces prestations au niveau de tout le secteur bancaire, ce qui constitue un défi de taille au vu des différences entre les grilles tarifaires des établissements de la place. Sur le même registre de protection des intérêts des clients, la commission propose un amendement qui impose aux banques de séparer leurs opérations de spéculation de leurs services traditionnels en consolidant ces opérations et en les isolant au sein de branches distinctes. L’idée derrière cette proposition, soufflée par le marasme des marchés financiers mondiaux sur les dernières années, est de pouvoir contenir les risques issus des opérations de spéculation et de protéger les dépôts des clients de banques contre les faillites qui peuvent s’en suivre.
Un dernier ensemble d’amendements porte sur des ajustements touchant les prérogatives de BAM. Une première proposition concerne la procédure d’agrément de nouveaux établissements de crédit. Il est suggéré de préciser clairement par décret les documents et les informations requises dans le cadre de ces demandes alors qu’aucune liste de ce genre n’est établie jusqu’à présent. L’idée étant bien sûr de gagner en transparence au niveau de cette procédure. Dans la foulée, les membres de la commission souhaitent ramener le délai dont dispose BAM pour statuer sur une demande d’agrément de 4 à 2 mois.
Aussi, la Commission des finances souhaite introduire la possibilité de faire opposition ou appel d’un jugement émanant de BAM concernant l’acquisition ou la prise de participation des établissements de crédit dans des entreprises. «La banque centrale, tout en étant autonome, demeure une composante de l’organe exécutif et c’est la justice qui doit avoir le dernier mot», justifie-t-on auprès de la commission.
