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Les détails de la nouvelle stratégie industrielle 2014-2020

Dix mesures phare sont annoncées dont la création d’écosystèmes industriels, la réduction du poids de l’informel, l’encouragement de la compensation industrielle et la création d’un fonds de développement industriel. La nouvelle feuille de route prévoit de porter le PIB industriel à  23% du PIB global et la création de 500 000 emplois. Les industries de substitution aux importations seront soutenues.

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strategie industrielle 2014 04 04

Nouvelle vision pour l’industrie. Portée par le ministère du commerce, de l’industrie, de l’investissement et de l’économie numérique, cette nouvelle stratégie nationale, qui vient d’être présentée au Souverain, ambitionne de transformer le secteur en véritable moteur de la croissance et de l’emploi. Il s’agit plus précisément d’un plan d’accélération industrielle destiné à entretenir la dynamique enclenchée par Emergence et le Plan national pour l’émergence industrielle (PNEI) et, en remontant à 1994, par l’ouverture de l’économie marocaine. En effet, les résultats sur les vingt dernières années sont probants. Depuis la sortie du Programme d’ajustement structurel (PAS) à ce jour, le Maroc a vu son PIB tripler, ses infrastructures renforcées et son insertion mondiale accélérée. Le pays compte aujourd’hui quelque 38 ports, 24 aéroports et un réseau d’autoroutes dépassant les 1 400 km. Les premiers accords de libre-échange concernent déjà 55 pays et permettent de toucher un marché de 1 milliard de consommateurs. Avec la mise en œuvre de différentes stratégies, Emergence et le PNEI notamment, en plus de plusieurs réformes structurelles, le Maroc a gagné en attractivité en enregistrant une progression régulière dans les classements internationaux relatifs aux climats des affaires, capitalisant sur une offre combinant proximité, coûts compétitifs et accès à des marchés grâce à l’ensemble des accords de libre-échange (ALE) signés, d’où le développement constant des IDE notamment avec l’implantation de 200 investisseurs internationaux dans l’automobile et une centaine dans l’aéronautique. Néanmoins, il y a encore beaucoup à faire pour développer davantage le tissu industriel et accélérer sa croissance.

1,3 million de nouveaux actifs sur le marché d’ici 2020

D’après le ministère, le pays continue de faire face à de nombreux défis pour réussir son développement en général et de son industrie plus particulièrement. En premier lieu, la création d’emplois induite par les différents projets entrepris dans l’industrie est en deçà des attentes. En 10 ans, le secteur n’a pu créer que 75 000 emplois, alors que d’ici 2020, le nombre de nouveaux actifs attendus sur le marché de l’emploi dépassera 1,3 million dans un contexte d’essoufflement des grands projets d’infrastructures et de l’immobilier.
Aussi, la part du PIB industriel dans le PIB global reste faible, ne dépassant pas 14%, sachant que l’industrie est un élément pivot pour inverser la courbe de la balance commerciale. En effet, il existe une forte corrélation entre balance commerciale et poids de l’industrie dans le PIB pour les pays émergents dont le ratio PIB industriel/PIB atteint 23% en moyenne.
De même, la capacité exportatrice du Royaume est bridée par la non-compétitivité de l’offre qui continue de pâtir d’une structure de coûts défavorisant le pays vis-à-vis de ses concurrents les plus immédiats. D’après le dernier rapport du World economic forum (WEF), le Maroc a perdu 7 positions et occupe de ce fait la 77e place sur l’indice de compétitivité internationale qui classe 148 pays à travers le monde.
De surcroît, la productivité apparente du travail se tient dans des niveaux moyens en comparaison avec les pays à structures économiques similaires.

Un tissu industriel sous-capitalisé, en manque de profils adaptés et créateur de faible valeur ajoutée

Le ministère du commerce et de l’industrie énumère cinq écueils majeurs qui doivent être démantelés pour atteindre les objectifs arrêtés à l’horizon 2020. En effet, le tissu industriel est majoritairement de petite taille, sous-capitalisé, créateur de faible valeur ajoutée et de ce fait contribue peu à l’export. Ce tissu fait appel à des ressources humaines ne répondant pas aux besoins des métiers de demain. Le déficit d’orientation vers les filières techniques et d’ingénierie est remarquable à ce titre. De plus, le développement des infrastructures industrielles est déséquilibré selon les régions. En 2011, le PIB industriel était encore concentré à hauteur de 33% entre Casablanca et Tanger. Par ailleurs, les infrastructures industrielles ne sont pas suffisamment exploitées. Ainsi, sur Fès Shore, l’on compte à peine deux entreprises installées. Trois sur Tétouan Shore, neuf sur Atlantic free zone et pas plus de 40 à Rabat Technopolis. Le constat est qu’aujourd’hui à peine 3,1% de la superficie prévue des parcs industriels est construite et 1,9% commercialisé.

Dix mesures pour accélérer la transformation industrielle du pays

Le Souverain a décidé que notre industrie doit se transformer et tous les moyens seront mobilisés pour que cela se fasse. Ainsi, la nouvelle vision comprend-elle dix mesures phare pour accélérer la transformation de l’industrie. Il s’agit de relais pour pérenniser et développer les performances des nouveaux secteurs exportateurs lancés par le PNEI, avec l’ambition de garder le cap des plans sectoriels mais en changeant de dimension industrielle.

Constitution d’écosystèmes

Les mesures recommandées par le ministère du commerce et de l’industrie reposent en premier lieu sur la notion d’écosystèmes. Ces derniers étant des regroupements de leaders industriels et de PME dans des zones industrielles dédiées visant à constituer de véritables filières technologiques, autour de programmes ciblés de coopération aboutissant à des contrats de fourniture à long terme et des transferts technologiques. Ainsi, la stratégie insiste sur l’intérêt de favoriser des industriels leaders, locaux ou étrangers, qui sous-traitent à des fournisseurs de premier niveau en leur transférant la technologie et le savoir-faire, qui eux aussi confient une partie du travail à des fournisseurs de deuxième niveau.

Compensation industrielle

La deuxième mesure concerne le mécanisme de compensation industrielle qui vise à optimiser les retombées socio-économiques de la commande publique. Il s’agit d’évaluer et d’analyser le programme national des achats publics en conditionnant l’octroi des marchés publics aux opérateurs étrangers à un transfert de technologie avéré. Le document de la nouvelle stratégie cite en guise d’exemple édifiant la commande d’achat du TGV faite par la Corée du Sud à Alstom sous réserve d’opérer un transfert de technologie comprenant plus de 350000 documents techniques ou encore la commande de la Tunisie à Airbus portant sur 19 avions sous condition de réaliser un projet industriel aéronautique, en l’occurrence Aerolia, à Tunis. L’objectif étant de s’assurer de l’effet d’entraînement que génère la commande publique sur les petits opérateurs locaux.

Faire évoluer l’informel vers le système organisé

Constituant l’un des freins majeurs au développement des filières, l’informel est attaqué de front par la nouvelle vision. A cet effet, un nouveau dispositif d’appui aux TPE est annoncé. Selon le ministère, il s’agit d’un mécanisme proposant l’accompagnement des très petites entreprises, des solutions de financement adaptées et l’informatisation de leur gestion quotidienne pour gagner en productivité et en traçabilité. En plus de l’accès systématique à la couverture sociale : santé, chômage et retraite.  

Formation

Face à la problématique de compétences, le plan de l’accélération industrielle propose de former pour chaque écosystème les techniciens en nombre suffisant et de confier aux industriels leaders de définir les besoins et de concevoir les formations à l’image du programme OCP Skills développé par le groupe phosphatier.

Soutien à la compétitivité des PME

Le nouveau plan prévoit le renforcement des dispositifs de soutien et d’accompagnement pour améliorer la compétitivité des entreprises industrielles, et ce, à travers les subventions à l’investissement (programme Imtiaz). L’idée est de les aider à être plus productives, à s’informatiser et à innover grâce à un crédit impôt recherche.

Financement

Le ministère prévoit la mise en place de mécanismes assis sur le partenariat public-privé. Cela peut prendre la forme d’un fonds de développement industriel destiné, entre autres, au financement du rapprochement d’opérateurs (fusions ou créations de GIE), à l’accompagnement des entreprises sur le marché international et au financement des industries de substitution à l’importation.

Locaux industriels

Pour répondre aux difficultés rencontrées par les entreprises pour trouver du foncier, la nouvelle stratégie consacre le modèle locatif à travers la mise en place d’exploitations avec de petites surfaces, et ce, à proximité des bassins d’emploi et des services de base notamment la restauration, l’habitat et les télécoms. A terme, ces exploitations seront partie intégrante de la ville.

Mieux exploiter les ALE

Pour rehausser l’ouverture de l’économie, l’accent est mis sur les vertus des ALE qui peuvent être un important facteur de compétitivité coûts au service de l’industrie nationale en facilitant l’accès aux marchés, l’approvisionnement en intrants, l’accès aux biens d’équipement et en renforçant l’intégration industrielle et les chaînes de valeur. Dans le même registre, le plan inclut l’ouverture des lignes directes de transport pour intéresser davantage les investisseurs.
Un accent particulier est mis parallèlement sur le renforcement prioritaire des actions de soutien et les plans de développement à l’export des secteurs à fort potentiel. Il n’est cependant pas question de signer des accords à tout-va. Par conséquent, il est impératif de protéger l’économie nationale contre la concurrence déloyale, renforcer la régulation des importations et consolider les actions de soutien aux secteurs exportateurs. En outre, les négociations devraient être mieux menées et les accords mieux suivis de par l’institutionnalisation de l’instance en charge de la négociation et de la mise en œuvre des ALE et la réalisation d’études d’impact des ALE en amont des négociations commerciales.

Encourager les IDE

Cela consiste à instaurer la culture du «deal making». Il s’agit d’impliquer des professionnels de l’intermédiation (banques d’affaires et experts dédiés) en s’inspirant du modèle chinois.

Amplification de la vocation africaine

Ceci passera par l’accompagnement pour l’installation des industriels en Afrique, et l’assistance pour l’obtention de projets d’investissement sur le continent. La stratégie consacre dans ce sens Casa Finance City en tant que point d’entrée unique pour les investisseurs en Afrique.

Un Fonds d’investissement industriel doté  de 20 milliards de DH pour porter la stratégie

A travers cette batterie de mesures opérationnelles, la stratégie déployée vise une transformation de l’industrie nationale, dans la continuité des plans sectoriels entrepris précédemment. Sur un horizon de 7 ans (2014-2020), cette stratégie vise à porter le PIB industriel à environ 23% du PIB national, et créer 500000 emplois dont une moitié proviendrait du tissu industriel local et l’autre des investissements étrangers. Ceci avec la mise en location de quelque 1000 hectares du foncier public pour les industriels.
Pour réaliser ces objectifs, un fonds d’investissement industriel sera créé pour financer l’ensemble des actions de la stratégie. Il sera doté de 20 milliards de DH à l’horizon 2020. La stratégie comprend également la refonte de la charte de l’investissement, et celle du système de garantie publique aux PME. La mise en œuvre de l’ensemble sera pilotée par un comité interministériel. De plus, un noyau stratégique de promotion sera créé pour la mise en convergence des actions des différents intervenants dans la promotion de l’offre Maroc (AMDI, OFEC, Maroc Taswiq, CMPE). Aussi, un guichet unique sera mis en place pour les investisseurs au niveau des parcs industriels.
En parallèle, une équipe dédiée d’experts sectoriels de haut niveau en charge de l’animation des écosystèmes industriels sera formée pour suivre les actions et  conseiller les décideurs.

Une trentaine de conventions pour le déploiement opérationnel de la stratégie

En tant que préalable à la mise en œuvre de la nouvelle stratégie industrielle nationale, vingt neuf conventions ont été signées par les différentes parties prenantes concernées.
– La première concerne la mise en place du Fonds d’investissement industriel. Elle vise en effet à mobiliser les financements nécessaires pour accompagner les chantiers de la stratégie industrielle.
– La deuxième porte sur la mobilisation du foncier industriel locatif. Elle définit les conditions et les modalités de la mise à la disposition par l’Etat d’une assiette foncière de 1 000 ha (terrains domaniaux et collectifs) destinés à accompagner la stratégie de développement des parcs industriels locatifs au niveau du Royaume ainsi que les conditions et modalités de réhabilitation des espaces d’accueil industriels existants.
– Dans le même sens, un protocole d’accord relatif à la mobilisation du foncier pour la réalisation d’un parc industriel intégré à Casablanca a été signé. Il définit les modalités et les engagements des parties pour l’aménagement, le développement, la promotion, la commercialisation et la gestion du Parc industriel locatif intégré de Casablanca sur une superficie de 143 ha.
– Par ailleurs, des conventions de partenariats pour le développement d’écosystèmes autour de l’OCP, en tant qu’industriel leader, ont été également émargées.
– S’agissant du financement, les banques se sont engagées vis-à-vis des entreprises industrielles à travers un protocole qui fixe des conditions préférentielles pour le renforcement de la compétitivité industrielle à long terme, et ce, en mettant en place une offre intégrée de financement de l’investissement, de l’exploitation, de l’internationalisation et de la transmission des entreprises ayant une activité à caractère industriel totalement ou partiellement. Parallèlement, un dispositif de cofinancement et de garantie dédié à l’industrie et plus particulièrement à la TPE a été mis en place.

– Par ailleurs, une autre convention porte sur la mise en place d’une stratégie de compensation industrielle dont l’objectif est de mobiliser les partenaires concernés ainsi que les ressources nécessaires et de mettre en place un mécanisme de pilotage et de suivi pour évaluer les réalisations découlant de l’application de la stratégie.
– Côté formation, un protocole de partenariat a été conclu pour l’amélioration de l’adéquation entre l’offre de formation et les besoins du marché de l’emploi en compétences industrielles et pour accompagner les stratégies de développement des secteurs industriels, à travers la formation professionnelle initiale et continue, l’appui à la création d’entreprise, et le développement de la formation aux soft skills.
– Cela dit, et pour mieux intégrer le Royaume à l’international et rendre l’offre exportable plus compétitive, un partenariat visant à institutionnaliser la concertation entre le gouvernement et les représentants du secteur privé a été conclu, en matière de négociations, de gestion, de suivi et de mise en œuvre des accords préférentiels et accords de libre-échange. Il définit le cadre d’intervention des parties en vue de répondre aux besoins de l’économie nationale en termes d’importation et d’exportation, d’optimisation des accords préférentiels et des accords de libre-échange et de réduction du déficit de la balance commerciale.

– Dans le même registre, une autre convention porte sur le développement et la promotion des exportations. Elle définit les engagements de l’Etat et de l’ASMEX sur la période 2014-2018 en matière de développement et de promotion des exportations.  
– Les conventions signées comportent un accord cadre de mise en œuvre du dispositif de soutien à la TPE. Ce dernier définit les modalités de la nouvelle feuille de route au profit de cette catégorie d’entreprises et un nouveau dispositif de soutien direct aux TPE.
– Pour encourager les entités de l’informel à basculer vers l’économie organisée, le statut de l’auto-Entreprener est mis en place grâce à une convention qui récapitule les conditions et les modalités de son déploiement opérationnel.
– Par ailleurs, une dizaine de conventions ont porté sur la définition de mesures de compétitivité industrielle propres à chaque secteur pris séparément, notamment l’agroalimentaire, le textile-habillement, la chimie-parachimie, l’industrie pharmaceutique, les industries mécaniques et métallurgique, l’offshoring ainsi que l’automobile.

– Le reste des conventions consiste en un soutien financier pour des industriels qui vont s’implanter au Maroc, équivalent à 20% du montant de leurs investissements. Il s’agit de la société Paris Texas qui exerce dans le finissage, impression et teinture dont l’enveloppe d’investissement avoisine 100 MDH. Le même montant d’investissement est annoncé par Sefita qui évolue dans le même secteur que Paris Texas. Pour sa part, Plastima bénéficiera d’une subvention de 16 MDH avec un investissement de 80 MDH dans la filière du textile pour usage technique. De même, Maroc Quality Knitting qui évolue dans la même filière se verra attribuer une subvention d’environ 10 MDH pour un investissement de 50 MDH.
Exerçant dans le tricotage, la société Tintcolor a également signé une convention d’investissement avec le ministère pour un projet portant sur quelque 17 MDH.