Affaires
Ce qui va changer avec le nouveau statut de Bank Al-Maghrib
Bank Al-Maghrib devient seul maître à bord pour arrêter la politique monétaire alors qu’elle est tenue actuellement de se concerter avec les Finances en la matière. L’institution est explicitement placée sous le contrôle du Parlement. Plus que le contrôle des établissements de crédit, elle aura désormais pour mission de préserver la stabilité de tout le système financier.

Bank Al-Maghrib change de visage. Le nouveau statut de l’institution, dont La Vie éco a pu avoir la primeur, revoit en profondeur ses missions. La première grande nouveauté consiste à accorder une indépendance totale à BAM dans la conception de la politique monétaire. Actuellement, la banque centrale n’a entièrement la main que sur les instruments de cette politique. En effet, l’institut d’émission a le libre choix des outils à mettre en œuvre pour injecter ou retirer des liquidités des marchés monétaires dans le but d’assurer la stabilité des prix. Le changement majeur, dont il est question à présent, est que BAM soit aussi seul maître à bord pour ce qui est d’arrêter la politique monétaire, alors qu’elle est tenue de se concerter actuellement avec le ministre chargé des finances pour cela. A vrai dire, ce n’est pas encore tout à fait gagné pour BAM, car «les négociations sont toujours en cours avec les Finances pour éclaircir quelques points d’arbitrage», apprend-on de sources proches du dossier. L’on se doute bien que le département de Mohamed Boussaïd ne se laissera pas facilement convaincre de lâcher du lest. «Mais il s’agit là du dernier obstacle et une fois qu’il sera levé, le nouveau statut, qui est finalisé par ailleurs, pourra être versé dans le circuit d’adoption», précise-t-on.
Quelle que soit l’issue de ces ultimes négociations, «l’idée d’accorder plus d’autonomie à BAM intervient dans la lignée des recommandations internationales», explique-t-on au sein de l’institution. En effet, une abondante littérature défend l’intérêt de faire des banques centrales des entités complètement autonomes. La théorie veut que le manque d’indépendance d’une banque centrale réduit sa crédibilité auprès des marchés financiers internationaux. Surtout, l’autonomisation des banques centrales vise à leur permettre d’éviter l’influence du pouvoir politique. Ce dernier accorde plus d’importance au court terme aux dépens du long terme, ce qui peut entraîner des effets inflationnistes et rendre la politique monétaire inefficace.
Ne pas en déduire pour autant qu’avec sa nouvelle autonomie, BAM devrait aller à contre-courant de l’action gouvernementale. Le nouveau statut précise bien à ce titre que la banque accomplit sa mission dans le cadre de la politique économique et financière du gouvernement, comme cela a déjà cours actuellement. La question se pose toutefois, au vu du pouvoir renforcé de BAM, de savoir qui contrôlera l’institution? Pas de mystère, ce sera simplement le Parlement, explique-t-on auprès de l’organe. «L’article 70 de la Constitution dispose que le Parlement évalue les politiques publiques, ce dont relève l’action de BAM. Ce principe sera explicité dans le nouveau statut», assure-t-on.
Nouveaux mécanismes de contrôle du système financier
Une deuxième grande nouveauté du futur cadre consiste à attribuer à BAM une mission de préservation de la stabilité financière. Rien de neuf, pourrait-on penser a priori, puisque dans l’actuel statut déjà, «la banque s’assure du bon fonctionnement du système bancaire et veille à l’application des dispositions relatives à l’exercice et au contrôle de l’activité des établissements de crédit». Dans ce sillage, la loi bancaire en vigueur prévoit plusieurs mécanismes tels que l’administration provisoire ou la liquidation permettant de solutionner les cas d’établissements en difficulté. «Mais ces outils ne permettent d’intervenir que sur la situation individuelle de chaque établissement», relativise une source au sein de BAM. Or, la conjoncture internationale de ces dernières années a prouvé qu’un seul évènement peut entraîner à lui seul tout un système bancaire. «Une grande banque fortement endettée sur le marché interbancaire qui n’aurait plus de disponibilités pour faire face à ses engagements peut mettre à genoux du jour au lendemain le secteur entier», illustrent des experts au sein de la banque centrale. Plus que cela, les banques peuvent se retrouver en difficulté du fait de risques provenant d’autres compartiments du marché financier. «Cela peut être par exemple le cas d’une banque dont la maison mère est une compagnie d’assurance confrontée à une activité compromise», indique-
t-on au sein de BAM.
Autant de risques systémiques qui nécessitent de nouveaux outils d’intervention. Ceux-ci ont à vrai dire déjà été introduits par la nouvelle loi bancaire actuellement en voie d’adoption. Il s’agit, par exemple, du comité de risques systémiques qui sonde la situation de tout le marché financier, tous secteurs confondus, pour avoir une vision d’ensemble et anticiper les problèmes. A citer également les nouveaux mécanismes de cantonnement et de «Bad Bank», prévus par la loi, qui permettent de faire face aux crises d’ampleur au niveau du système bancaire. Seulement, même si ces nouveaux outils sont aujourd’hui définis, Bank Al-Maghrib ne peut en faire l’usage que si une nouvelle mission de garantie de la stabilité financière lui est explicitement attribuée. Ce dont s’assure donc le nouveau statut de l’institution.
Les systèmes de paiement devront être agréés
Une dernière nouveauté et non des moindres du futur statut porte sur le renforcement des attributions de BAM en matière de contrôle des systèmes de paiement (Centre monétique interbancaire, Maroclear…). Dans l’actuel cadre, l’institution a pour seule mission de prendre «toutes les mesures visant à faciliter le transfert de fonds et de veiller au bon fonctionnement et à la sécurité des systèmes de paiement». Cette mission généraliste n’est par ailleurs accompagnée d’aucun instrument réglementaire de contrôle. Du fait de cette lacune, les systèmes de paiement existants sont contrôlés sur une simple base conventionnelle et non réglementaire comme le voudrait la règle, et les nouveaux systèmes ne sont pas du tout encadrés. Pour y remédier, le nouveau statut, appuyé par des mécanismes prévus dans la nouvelle loi bancaire, impose que tout système de paiement soit désormais agréé par BAM, ce qui est de nature à renforcer la sécurité et l’efficience de ces systèmes. Les mêmes contraintes s’imposent pour les nouveaux systèmes.
Reda Harmak
