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Croissance ou pas, le taux de chômage au Maroc stagne à  9% depuis 5 ans

Le gouvernement s’est fixé comme objectif de ramener le taux de chômage à  8% de la population active sur la période 2012-2016. Les créations d’emplois sont insuffisantes par rapport à  la population qui entre chaque année dans le marché du travail.

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maroc chomage 2014 01 02

Dans son programme présenté en janvier 2012 devant le Parlement, le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, s’était fixé comme objectif de réduire le chômage de 1 point, à 8% sur la période 2012-2016 (au lieu d’une baisse de 2 points à 7%, annoncée dans le programme électoral du PJD). Cet objectif –commun aux partis composant la coalition gouvernementale– le ministre de l’emploi et des affaires sociales, Abdeslam Seddiki, vient de le rappeler à l’occasion des travaux du conseil supérieur de la promotion de l’emploi (CSPE) tenus en début de semaine à Rabat. Mais fixer un objectif est une chose, avoir les moyens de le réaliser en est une autre. François Hollande, pour prendre le cas français, promet depuis son accession à la présidence d’infléchir la courbe du chômage, et régulièrement ses services annoncent que bientôt se sera le cas. Mais rien n’y fait. Le chômage a même légèrement augmenté au troisième trimestre de 2013 à 10,9% de la population active, soit le niveau le plus élevé depuis 1997.

Ceci pour dire que l’emploi –comme la croissance– ne se décrète pas. En particulier dans le contexte d’économies où les Etats, de façon plus ou moins prononcée, se sont désengagés de la sphère économique pour jouer un rôle d’impulsion, de régulation.

Avant Benkirane, Abbas El Fassi avait promis, dans son programme gouvernemental de créer 250 000 emplois par an, soit 1,25 million sur la législature. Au bout, c’est moins de la moitié des 250 000 emplois qui ont été créés chaque année (116 000 exactement par an)! Et encore, M. El Fassi a dû augmenter la cadence des recrutements dans la fonction publique pour atteindre ce résultat : en moyenne 17000 emplois par an dans la fonction publique, contre 7 000 postes auparavant.

Un taux d’activité très bas contribue au maintien d’un faible taux de chômage

Est-ce à dire que les partis en compétition pour l’accès au pouvoir ne doivent plus rien promettre de peur de décevoir leurs électeurs ? C’est compter sans la versatilité des opinions publiques, voire sans l’amnésie des électeurs auxquels il arrive de revoter pour ceux-là mêmes qui les avaient déçus par le passé. L’alternance au pouvoir de deux partis politiques en France – pour rester sur l’exemple français – est édifiant à cet égard.
Cela dit, au Maroc, le chômage a beaucoup baissé sur la période 1999-2008, passant de 13,8% à 9,6%, avec pratiquement des baisses chaque année. Mais depuis 2008, il stagne autour de 9%, quelle qu’ait pu être la conjoncture économique. Encore cette année, au troisième trimestre, dernier chiffre disponible, le taux de chômage s’établissait à 9,1%. Et pour l’ensemble de l’année 2013, ça ne devrait pas varier significativement.
En 2012, alors que seulement mille emplois, en terme de solde net, ont été créés, le taux de chômage est resté à son niveau de l’année précédente (9%), celle de 2011 où précisément 105 000 postes de travail avaient été créés. Tout se passe donc comme si entre croissance économique, création d’emplois et taux de chômage la corrélation demeure encore assez faible. Ce n’est pas propre au Maroc, soit dit en passant, c’est le cas pratiquement de l’ensemble des pays du sud de la Méditerranée.

Une des explications possibles de ce phénomène, au Maroc en tout cas, tient tout à la fois au contenu faible en emplois de la croissance économique, et l’arrivée, de plus en plus massive, sur le marché du travail de jeunes porteurs de diplômes, rechignant à exercer dans des activités peu rémunératrices. Par le passé, le travail non rémunéré, cantonné pour l’essentiel en milieu rural, contribuait fortement aux créations d’emplois, lesquelles, certaines années, atteignaient plus de 400 000 postes de travail (comme en 2003, par exemple). Aujourd’hui, la jeunesse, très légitimement, recherche des emplois plutôt stables, avec rémunération correcte, et les chômeurs diplômés battant régulièrement le pavé à Rabat, à proximité du Parlement, pour réclamer leur insertion dans la fonction publique en est l’exemple typique.
Mais tout ceci n’épuise pas la question de la stagnation du taux de chômage autour de 9% depuis pratiquement cinq ans. L’évolution de la population active y est sans doute aussi pour quelque chose. En une douzaine d’années, le taux d’activité a baissé de 6 points en se situant à 48,5% à fin septembre 2013 au lieu de 54,5% en 1999. Ailleurs, en Europe, par exemple, les taux d’activité sont très élevés : 80% en Suède, 79% au Danemark, 77% en Allemagne et 71% dans l’Union européenne (à 27 pays).

Trois phénomènes semblent être à l’origine de la baisse du taux d’activité. Un, l’allongement de la durée des études ; deux, la faible participation de la femme (26-27% de la population active) et la renonciation à rechercher un emploi par découragement. Sans cela, le taux de chômage, compte tenu de l’évolution des créations d’emplois, aurait été certainement plus élevé…