Culture
Né quelque part, entre deux patries
«Né quelque part» est depuis le 3 juillet en salle marocaine !
Le dernier opus de Mohamed Hamidi est une comédie dramatique avec de sérieux problèmes en toile de fond, mais surtout du rire avec des vannes inattendues.

«On n’est jamais trop curieux quand il s’agit de sa propre histoire». Au début du film, Farid Hadji (interprété par Taoufik Jallab) a fait cette déduction après un périple truffé d’embûches. Du lien avec l’Algérie, pays de ses parents, il n’a que sa petite famille. Il n’en connaît que l’image occasionnellement retransmise à la télévision. Il n’y a jamais été et ne parle pas l’arabe. Son père s’est installé en France, du temps du Protectorat. C’est ainsi qu’il y a vu le jour. Mais le père de Farid tombe malade, et, de l’autre côté de la Méditerranée, une expropriation grandeur nature se prépare dans le village d’origine. Un gazoduc devrait être relié à l’Espagne et le projet défigurera sauvagement le paysage paisible des montagnes. La maison familiale doit être sauvée d’une destruction inévitable, au risque d’y passer, dans le cadre du même projet. Dans le rôle du fils aîné, Farid prend donc l’avion pour l’Algérie. Il devait y séjourner pour quelques jours, le temps de régler ce pépin. Il y est resté des semaines car tout a basculé en cours de chemin.
En Algérie, Farid Hadji rencontre son cousin expert en magouilles et contrebande (interprété par Jamal Debbouze). Il vit de près la désillusion résignée des jeunes de son âge. A 26 ans, Farid est étudiant en droit. En Algérie, ses compères sont au chômage, fauchés comme le blé. Ils ne rêvent que de fuir ailleurs, quitte à traverser clandestinement la Méditerranée. Farid aussi voudrait bien quitter l’Algérie avec le moins de dégâts possibles. Il s’est fait piller par son cousin qui a disparu avec passeport, papiers et argent. Quelques jours plus tard, Farid apprend que son cousin est en France et qu’il se fait passer pour lui. Il découvre aussi que le faux Farid Hadji est recherché en France pour violence à l’encontre d’agents de police.
Les événements sont enchaînés en maillons et tout y passe : paradoxes, problèmes d’immigration, tiraillement identitaire de la troisième génération des émigrés algériens en France, sclérose administrative de systèmes politiques obtus… Les vannes sont également bien ficelées tout au long du scénario. On y ressent le naturel des comédiens habitués au one-man-show, tels qu’Abdelkader Secteur ou Malik Bentalha, qu’on voit dans le film. Le casting ne fait pas de grandes révélations de nouveaux visages, mais la présence d’initiés dans le film ne fait pas non plus l’ombre à de plus jeunes talents (de feu Mohamed Majd à Taoufik Jallab). Le travail de montage est également bien ressenti. Les prises de vues stables laissent remarquer un travail d’images remarquable.
Mais ce qui laisse les spectateurs sur leur faim, c’est cette fin tronquée. Elle fait joliment dans la poésie en reprenant la première réplique de Farid Hadji : «On n’est jamais trop curieux quand il s’agit de sa propre histoire». Il y a un fond de vérité, de sincérité, mais surtout de vécu de la part de Mohamed Hamidi et de Taoufik Jallab. Mais l’effet est faussé par un goût d’inachevé ou de précipité. La fin est venue rapidement après des aventures entremêlées. Au cours de l’histoire, l’image de la femme est restée dans ce principe de bonne fille obéissante à son père, interprété par Zineb Obeid. Elle s’est mise dans la peau de Samira. Belle, gracieuse, peu parleuse, discrète, tous les jeunes du village rêvent de l’épouser. Mais l’interprétation des acteurs et leur fidélité aux caractères des personnages a été la réussite d’un film que l’on voudrait facilement revoir, raconter, en relater les multiples situations comiques…
