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Sociétés cotées : jusqu’à 60% de marge en pleine crise !
Les marges de la majorité des sociétés ont baissé mais certaines demeurent à des niveaux très confortables.CMT, SMI, Lafarge, Maroc Telecom, Addoha… dégagent des marges supérieures à 20%. La moyenne du marché est de 9,7%, en baisse de 1,6 point par rapport à 2011. Les déficits de la Samir, Sonasid et la Snep l’ont tiré vers le bas.

Après un léger recul de 0,8% en 2011, la masse bénéficiaire des sociétés cotées a chuté de 10% l’année dernière pour atteindre 26,7 milliards de DH. De fait, plusieurs secteurs de la cote évoluaient dans une conjoncture difficile et ne pouvaient que dégager une rentabilité en baisse. A titre d’exemple, la recrudescence de la concurrence a plombé les résultats de Maroc Telecom, au même titre que la montée des risques d’impayés pour les sociétés financières et la chute du marché boursier pour les compagnies d’assurance. Le secteur des matériaux de construction a également pâti du ralentissement des investissements dans le BTP et de la montée de la concurrence.
Ce retrait de la capacité bénéficiaire aurait pu être de moindre ampleur si certaines sociétés qui comptent pour beaucoup dans la formation des résultats de la cote n’avaient pas réalisé des résultats déficitaires, à l’instar de la Samir dont le poids de son endettement pèse sur ses performances, la Snep qui souffre toujours des importations de PVC des Etats-Unis à des prix jugés dumping, ou encore le sidérurgiste Sonasid qui a subi la volatilité des matières premières à l’international.
Il faut préciser toutefois que le recul des bénéfices n’est pas induit par la baisse du niveau d’activité. Au contraire, les sociétés cotées ont généré un chiffre d’affaires agrégé de 274 milliards de DH, en progression de 4,5% par rapport à 2011 grâce notamment à la hausse des revenus des secteurs énergétique, minier et bancaire. Par conséquent, la marge nette globale (rapport entre la masse bénéficiaire et le chiffre d’affaires) a perdu 1,6 point pour atteindre 9,7%, sachant qu’elle avait perdu 1,2 point en 2011, à 11,3%.
Néanmoins, certains secteurs continuent de dégager des marges confortables. A leur tête se positionne celui des télécoms qui réalise la marge nette la plus élevée bien qu’en baisse continue depuis trois ans. Elle culmine ainsi à 22,5%, en perte de près de 4 points sur l’année. En cause, une contraction du résultat net de Maroc Telecom de 17,5%, à 6,7 milliards de DH contre une baisse limitée à 3,2% de son chiffre d’affaires, à 29,8 milliards de DH.
En deuxième place, on trouve le secteur minier qui garde le même positionnement qu’en 2011. A 22%, la marge moyenne des trois sociétés du secteur a baissé de près de 3 points. Cela s’explique surtout par le renversement de tendance des cours des métaux de base, notamment l’argent. En tout cas, CMT affiche la marge la plus élevée de la cote avec 60%, en hausse de 3,6 points. Elle est directement suivie par la SMI avec une marge qui s’est améliorée de 1,8 point pour s’établir à 45,5%, et ce, malgré le conflit social qu’a enduré la société et qui a engendré une baisse de la production. Sa société mère, par contre, a dégagé une marge en baisse de 5,5 points, à 7,7%, soit le niveau le plus faible du secteur. La cause en est la régression de son bénéfice net de 33%, à 271 MDH en raison principalement de la non-récurrence de certaines couvertures de changes avantageuses dont avait profité le groupe en 2011.
L’immobilier arrive en troisième position avec une marge nette de 18,8%. Le secteur a réussi à stabiliser sa marge au même niveau qu’en 2011 après avoir enregistré un repli de 2,7 points par rapport à 2010. Cette quasi-stagnation (+1 point de base) est redevable à l’amélioration de la marge d’Alliances de 2,7 points, à 21,9% et dans une moindre mesure d’Addoha avec 3 points de base, à 20%. A titre de rappel, les deux promoteurs étaient presque au même niveau de marge une année auparavant. Néanmoins, ce redressement a été limité par la chute de la marge de la CGI de 3,6 points, à 10,5% suite essentiellement aux résultats de sa filiale Immolog qui ressortent en dégradation.
Le secteur des matériaux de construction s’adjuge la quatrième position avec une marge bénéficiaire de 13,3%, en chute de 3,7 points par rapport à 2011. Lafarge continue de dégager la marge nette la plus confortable. Bien qu’en baisse de 4,8 points, elle a atteint 25% contre 18,2% pour Ciments du Maroc (-6,4 points) et 14,8% pour Holcim (-1,7 point). Si les cimenteries ont gardé un bon niveau d’activité en 2011, ce n’est pas le cas cette année. La baisse de la demande nationale de ciment couplée à la montée en puissance de Ciments de l’Atlas n’ont pas manqué d’affecter et l’activité et la rentabilité des sociétés. Le chiffre d’affaires des trois industriels se sont contractés de 8,1%, à 12 milliards de DH au moment où leur résultat agrégé a chuté de 25%, à 2,4 milliards de DH.
Le secteur bancaire maintient sa place malgré la montée des risques
La cinquième place revient au secteur bancaire qui transforme 13% de son chiffre d’affaires (produits d’exploitation bancaire) en bénéfices. Cette marge a perdu seulement 7 points de base sur une année en dépit d’un contexte d’accroissement des risques induisant la constitution d’importantes provisions. Cela a été contrecarré par une activité croissante marquée par des réalisations commerciales favorables. Ainsi, les marges bénéficiaires d’Attijariwafa bank et de la BCP se sont délestées de 1 point, à 15,6% et 11,9% respectivement. En revanche, le CIH a sauvé la mise en dégageant une marge de 19,2%, soit la meilleure du secteur bancaire coté, en croissance de 2,5 points, et ce, en raison notamment d’un résultat net part du groupe en hausse de 32,3% à 487,3 MDH, boosté par l’acquisition de la société de financement Sofac Crédit. La BMCI n’est pas en reste puisqu’elle affiche une marge de 18,2%, en léger repli par rapport à 2011. Parallèlement, BMCE Bank a réussi à consolider sa marge à 6,5%, quoique, notons-le, c’est cette dernière qui tire la marge nette sectorielle vers le bas.
Pour leur part, les compagnies d’assurances de la cote affichent une marge en baisse de près de 2 points, à 8,3%. Elle a été affaiblie par Atlanta qui a lâché 2,6 points, à 3,7% et par Wafa Assurance qui a transformé 12,8% de son chiffre d’affaires en marge, contre 15,3 une année auparavant. CNIA, quant à elle, a réalisé une marge de 3,1%, en amélioration de 4 points de base. Il faut dire que la dépréciation de la marge nette sectorielle a été induite par une progression de l’activité agrégée de 8,4%, à 11,8 milliards de DH, alors que la situation du marché boursier a plombé les plus-values de placement des compagnies, ce qui a affecté leur rentabilité (988 MDH, en baisse de 11,4%).
Les industriels de l’agroalimentaire améliorent leurs marges
Le secteur agroalimentaire s’est quant à lui démarqué en relevant le niveau de sa marge de 6 points de base, à 7,3%. Une performance à laquelle Cosumar contribue pour beaucoup. Malgré des conditions climatiques peu favorables, la société a réussi à hisser son taux de marge de 2 points, à 12,2%. Centrale Laitière a également relevé le niveau de sa marge à 7,1% au moment où Dari Couspate l’a établi à 4,3%. En revanche, la marge bénéficiaire des Brasseries du Maroc a régressé de 1,2 point, à 13,8% suite à la baisse de ses bénéfices de 6,2% en raison de la non-répercussion immédiate du relèvement de la TIC sur les prix de vente. Cela étant, cette marge reste la plus élevée du secteur agroalimentaire.
En résumé, malgré une conjoncture difficile, nombre de sociétés continuent d’afficher des taux de marge intéressants. Surtout que ces niveaux de rentabilité sont le plus souvent dégagés malgré des dépenses d’investissement conséquentes. Pour Maroc Telecom par exemple, ses dotations aux amortissements ont augmenté de 5,2% en vue de moderniser les réseaux tant sur le plan national qu’international. Les compagnies minières qui dégagent la deuxième plus grande marge de la cote ont, elles, réservé une part non négligeable de leur budget à la recherche et développement et à la mise à niveau de l’infrastructure minière. Managem, par exemple, a consacré 1,5 milliard de DH en 2012 au titre des investissements dont 767,4 MDH au développement de nouveaux projets à l’instar de l’extension de la mine d’Imiter ainsi qu’au développement de la mine d’or au Gabon.
Du fait que les projets immobiliers soient également capitalistiques, les promoteurs affectent aussi une importante enveloppe budgétaire tant à l’acquisition de terrains qu’à la construction de logements. A ce titre, la CGI a engagé un montant de 4,5 milliards de DH en 2012 et s’est également engagée à investir annuellement 1 milliard de DH pour accroître sa réserve foncière.
Enfin, les cimenteries, dans le but de contrecarrer la concurrence qui devient de plus en plus rude, se sont engagées dans de vastes programmes d’extension de capacité ou de construction de nouvelles usines pour une enveloppe budgétaire avoisinant 3 milliards de DH chacune. Lafarge ciments, par exemple, compte mettre en place une nouvelle usine dans la région d’Aït Baha d’une capacité de production de 1,2 million de tonnes de capacité pour un investissement global de 2,8 milliards de DH.
Bref, les niveaux de marges des plus grosses sociétés de la cote leur permettent à la fois d’investir et de bien rémunérer les actionnaires en dépit de la conjoncture actuelle. Il faut préciser à ce titre que les dividendes que vont distribuer les sociétés cotées représentent les deux tiers de leurs bénéfices de 2012. Ils totalisent 18,9 milliards de DH, en baisse de 2% seulement par rapport à 2011 alors que les résultats ont chuté de 10%.
