Affaires
Le Maroc fait un pas de plus dans la libéralisation de son marché des changes
Les importateurs et affréteurs désormais dispensés de l’accord de l’Office des changes pour le transfert des indemnités de retard. Entre 2007 et 2010, de grandes avancées ont été réalisées en matière d’ouverture des comptes courant et de capital.

Un nouveau pas vient d’être franchi dans le sens de la libéralisation du marché des changes. Le 3 avril courant, l’Office des changes publie en effet une circulaire (n° 05/2013) par laquelle il autorise les affréteurs et les importateurs à transférer, sans son accord préalable, les indemnités de retard (surestaries) dues aux armateurs ou aux fournisseurs étrangers. Une vieille doléance des opérateurs économiques à laquelle a répondu favorablement l’office.
Ainsi, et suivant une «approche graduelle et pragmatique», pour reprendre l’expression d’un responsable à l’office, les opérations courantes sont aujourd’hui presque en totalité libéralisées. Les opérations en capital, elles, sont totalement libres pour les non-résidents (les étrangers). Elles restent assez encadrées pour les nationaux, mais pour un pays comme le Maroc, dont les finances extérieures sont à intervalles réguliers mises à mal (c’est le cas aujourd’hui), beaucoup a été fait sur ce chapitre. C’est que le Maroc a, plus généralement, entamé la libéralisation de son commerce extérieur depuis le début des années 80, suite à la mise en place de la politique d’ajustement structurel, qui visait à rétablir les équilibres internes et externes, rompus notamment à la suite de la chute brutale des cours des phosphates alors que d’énormes investissements avaient été engagés durant la décennie 70, précisément en raison du renchérissement des prix de cette matière première.
Cette orientation devait être renforcée avec l’adhésion du Maroc d’abord au GATT en 1987, au statut du FMI en 1993, puis à l’OMC (qui succède au GATT) en 1994. La conclusion de l’accord d’association avec l’Union européenne puis d’une multitude d’accords de libre-échange (Maroc-Etats-Unis, Maroc-Turquie, Maroc-pays arabes…) viendra conforter cette stratégie d’ouverture et de libéralisation.
C’est dans ce contexte que, progressivement et par touches successives, les opérations courantes et le compte de capital ont commencé à bénéficier d’assouplissement en matière de contrôle des changes. On se souvient, par exemple, qu’en mai 2002 une circulaire de l’Office des changes autorisait les banques à acquérir des titres souverains et des titres émis par les institutions financières multilatérales ; elles pouvaient même effectuer des placements en devises à l’étranger. Auparavant, la seule possibilité offerte aux banques par la circulaire de 1996 instituant le marché monétaire en devises se limitait aux opérations de prêts-emprunts interbancaires ou de placement de leurs excédents en devises auprès de la banque centrale.
Le Royaume a avancé plus rapidement que de nombreux pays
Tout cela est bien loin. Mais il faut dire, tout de même, qu’entre-temps, outre la volonté de s’arrimer à l’économie mondiale et bien sûr de respecter les engagements pris, la balance des paiements a connu plusieurs années d’excédents, ce qui permettait d’envisager une ouverture encore plus grande du marché des changes.
C’est ainsi que durant l’été 2007, l’Office des changes et sa tutelle, le ministère de l’économie et des finances, annonçaient toute une panoplie de mesures destinées à ouvrir un peu plus à la fois le compte de capital et celui des opérations courantes. L’idée sous-jacente était de renforcer l’intégration économique et financière du Maroc à l’économie mondiale et, ce faisant, de permettre aux entreprises d’en saisir les opportunités. Ainsi, les entreprises pouvaient investir à l’étranger à concurrence de 30 MDH par an ; les banques, les entreprises d’assurances et de réassurances, les organismes de retraités et les OPCVM étaient, pour leur part, autorisés à effectuer des placements en devises à l’étranger sous forme de dépôts bancaires, d’acquisition de titres de créances et/ou d’instruments financiers cotés ou négociés sur les marchés réglementés. Bien évidemment, et compte tenu des possibilités financières du pays, ces placements autorisés étaient limités : 5% de leurs actifs pour les sociétés d’assurances et de réassurances, 5% de leurs réserves pour les organismes de retraite et 10% de leurs actifs pour les OPVCM. La situation va s’améliorer en 2010 pour les entreprises qui souhaitent investir à l’étranger, puisqu’une nouvelle circulaire de l’Office des changes va leur permettre cette fois de porter le montant de l’investissement de 30 millions à 50 MDH par an (et à 100 millions par an pour celles qui choisissent d’investir en Afrique).
Parallèlement, de nombreuses mesures d’assouplissement du compte des opérations courantes ont été introduites en 2007, 2009 et en 2010 (voir encadré).
Très clairement, en matière de libéralisation du marché des changes, le Maroc a franchi de grandes étapes et on peut même dire que sur ce point, il dépasse de nombreux pays autrement plus à l’aise en matière de balance des paiements. Le problème est qu’aujourd’hui la conjoncture a tourné et il est à se demander si le pays peut faire plus et même… s’il n’a pas fait trop !
