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Le nombre de fonctionnaires surendettés a baissé de 98% en dix ans
Il est passé de 80 000 en 1998 à 1 500 à fin 2008, dernière donnée disponible chez l’APSF. Le relèvement du salaire minimum préservé à 1 500 DH explique en partie cette amélioration, en plus du resserrement des conditions d’octroi du crédit aux employés de l’Etat.

Les fonctionnaires sont de moins en moins surendettés. En effet, selon une enquête menée par l’Association professionnelle des sociétés de financement (APSF) et publiée récemment sur la situation des employés de l’Etat en matière de crédit, le nombre des fonctionnaires surendettés est passé de 80 000 en 1998 à 37 000 en 2000. A fin 2008, dernière donnée disponible chez l’APSF, il s’est amélioré davantage pour baisser à 1 500, soit un recul de 98% en dix ans.
Il faut dire que l’une des raisons principales qui a permis la réduction du nombre de surendettés dans la fonction publique est relative au relèvement du niveau du salaire minimum préservé. Ainsi, de 1994 à 1999, un employé étatique pouvait demander autant de crédits dont il exprimait le besoin, à la seule condition qu’un montant minimum de 500 DH soit préservé du salaire global, hors allocations familiales et indemnités représentatives de frais. Mis à part cette condition instituée dans une convention signée entre la Trésorerie générale du Royaume (TGR) et la société de financement Eqdom, spécialisée à l’époque dans le crédit à la consommation destiné au secteur public (elle a été créée par l’Etat en 1974), aucun autre mécanisme de suivi de l’endettement des fonctionnaires n’existait.
Constatant que ce minimum préservé ne suffisait pas à maintenir un niveau de vie décent, les sociétés de financement, sous la houlette de l’APSF et en concertation avec la TGR, ont relevé ce seuil en 1999 à 1 000 DH puis à 1 500 DH en 2009. Notons que la baisse du nombre de fonctionnaires surendettés aurait été plus importante étant donné que la base de calcul en 1999 tient compte d’un salaire préservé de 500 DH et celle de 2009 est calculée avec un salaire préservé de 1 000 DH.
La baisse du niveau de surendettement des employés de l’Etat peut aussi être expliquée par la stratégie des sociétés de financement de resserrer les conditions d’octroi des crédits, même si ces clients bénéficient de la garantie étatique, dans un contexte d’augmentation du nombre des crédits accordés aux fonctionnaires et de dégradation de la situation des trésoreries des établissements de crédit. Par ailleurs, la convention signée entre la TGR et les sociétés de crédit en 1999 a mis fin à la possibilité offerte aux fonctionnaires de contracter des crédits auprès de plusieurs sociétés de financement à la fois, ce qui a inévitablement contribué à la baisse du nombre de fonctionnaires surendettés.
Cela étant dit, les fonctionnaires restent toujours prisés par les sociétés de financement. Celles-ci, par exemple, en accordant des crédits aux employés du secteur privé, veillent à ce que leur capacité d’endettement ne dépasse pas 45% du salaire mensuel, même si ce dernier est confortable. Ceci n’est pas le cas des fonctionnaires, comme expliqué auparavant. Cela tient au fait que les fonctionnaires, aussi endettés soient-ils, sont moins risqués en terme de remboursement que les salariés du privé, en raison du prélèvement à la source effectué directement à l’arrivée de l’échéance au niveau du Centre national des traitements. Preuve que cette clientèle est toujours courtisée : la part des agents employés par l’Etat dans le portefeuille clientèle des sociétés de crédit est de 42% à fin 2011 contre 36% pour les salariés du secteur privé.
Cette part, historiquement élevée depuis l’apparition du crédit à la consommation pendant les année 1930, étant donné que l’Etat était le principal employeur du pays, a d’autant plus augmenté avec la création durant les années 1980 de plusieurs opérateurs sur le marché du crédit à la consommation, car seule Eqdom existait pendant les années 1970. De plus, avec la levée de l’encadrement du crédit par Bank Al-Maghrib en 1993, les prêts accordés aux fonctionnaires ont enregistré un net accroissement, d’autant plus que ces fonctionnaires avaient la possibilité de s’adresser à plusieurs sociétés de crédit à la fois. Et avec la multiplication des offres de crédits du fait de la forte concurrence à laquelle se sont livrées les différentes sociétés de financement, conjuguée à l’absence de communication sectorielle de l’état d’endettement de tel ou tel client, le phénomène de surendettement des fonctionnaires a pris progressivement de l’ampleur, favorisé par la signature de conventions entre les sociétés de crédit et la TGR, semblables à celle conclue avec Eqdom à sa création.
En tout cas, compte tenu de la tendance enclenchée depuis 1999, le nombre de fonctionnaires surendettés est appelé à baisser davantage durant les années à venir. A ce propos, la montée du coût du risque des sociétés de financement couplée au manque de liquidité sur le marché pousserait les opérateurs du secteur à limiter leur politique d’octroi du crédit à tout-venant en vue de gagner des parts de marché. Par ces temps de crise, les sociétés du secteur sont amenées à changer leur stratégie pour l’orienter plutôt vers le recouvrement des créances.
