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Affaires

L’Etat veut freiner les importations

Le ministère du commerce et de l’industrie compte renforcer le contrôle sur les importations de produits industriels et actionner le mécanisme de la défense commerciale. D’autres pistes sont au stade de réflexion; l’Etat veut user de tous les moyens possibles pour réduire le déficit commercial.

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Conteneurs Maroc Export 2012 09 18

Le problème économique numéro un au Maroc aujourd’hui, c’est moins la croissance du PIB, qui se maintient à un niveau relativement correct eu égard à la sévérité de la crise, que le déficit de plus en plus croissant des comptes extérieurs. Ce constat s’apparente d’ailleurs presque à une évidence, vu l’ampleur du déficit commercial, responsable du déficit du compte courant et, au bout, de la fonte vertigineuse des réserves de changes.

Le gouvernement en est pleinement conscient ; il est même en train d’examiner les moyens de limiter cette croissance effrénée des importations, dans le respect bien sûr des règles du commerce international et des engagements du Maroc vis-à-vis de ses partenaires étrangers. Quels sont ces moyens ? Il y a d’abord les mesures prévues par la loi 15-09 sur la défense commerciale que le gouvernement compte actionner à la demande des opérateurs économiques : celles destinées à lutter contre des manœuvres déloyales, comme le dumping et les subventions, d’une part, et celles dites de sauvegarde déclenchées pour freiner un accroissement massif et brusque des importations d’un produit donné, de nature à faire subir un grave dommage à la branche nationale qui fabrique le même produit, d’autre part.

Une enquête est en cours sur l’importation de PVC des Etats-Unis

Lorsque, après enquête, ces situations (dumping, subvention, accroissement massif des importations d’un produit) sont avérées, la riposte prend généralement la forme d’un relèvement des droits de douane appliqués aux produits concernés.

Le département du commerce extérieur, rappelle son secrétaire général, Elaid Mahsoussi, a dû, dans un passé récent, mettre en branle ces mesures pour, par exemple, lutter contre l’importation massive de produits de la céramique, et ce, pendant cinq ans.

Récemment encore, une mesure anti-dumping a été appliquée à l’importation de contreplaqué en provenance de Chine, et une enquête est en cours sur l’importation de PVC des Etats-Unis. Mais, précise M. Mahsoussi, d’une part, ces mesures ne sont pas de nature à s’éterniser, elles sont forcément temporaires, et, d’autre part, leur mise en œuvre nécessite à chaque fois une requête des producteurs nationaux qui s’estiment lésés par des importations réalisées à des prix de dumping ou subventionnées ou qui subissent un dommage à la suite d’un accroissement massif des importations d’un produit donné. C’est seulement à la suite de cette requête qu’une enquête du département du commerce extérieur est déclenchée.

Les autres possibilités existantes pour «contrôler» les importations, c’est l’arsenal juridique et réglementaire relatif au contrôle de qualité et de conformité (la récente loi 24-09 sur la sécurité des produits et des services, entrée en vigueur le 22 mars 2012, la loi 12-06 sur la normalisation, la certification et l’accréditation de février 2010, la loi 13-83 d’octobre 1984 sur la répression des fraudes sur les marchandises, etc.). La loi 24-09, en particulier, est venue combler un vide juridique en matière de contrôle des produits industriels importés ou produits localement. Tout le monde a sans doute eu connaissance, au cours de son existence, d’un décès ou d’un accident dû à un chauffe-eau défectueux ou à un court-circuit causé par des prises ou des câbles non conformes. C’est donc à la fois une loi qui protège les consommateurs et qui permet d’éviter que le marché ne soit inondé par des produits de mauvaise qualité alors même que leur acquisition a généré des sorties substantielles de devises. Mais encore faut-il que des moyens humains et matériels de contrôle soient disponibles pour une application effective de ce texte.

La tôle désormais soumise à contrôle

Dans tous les cas, la volonté existe de sévir à ce niveau et le directeur de la qualité et de la surveillance des marchés au ministère du commerce et de l’industrie, Abdellah Nejjar, confie que son département est en train de renforcer les contrôles sur les produits de sidérurgie, dont les volume importés augmentent sensiblement en raison de la crise qui frappe le secteur, générant un bradage des prix à l’importation. M. Nejjar précise par la même occasion que le ministre de l’industrie a récemment pris un arrêté complétant la liste des produits sidérurgiques soumis au contrôle et dans laquelle sont désormais intégrées les tôles, qui en étaient jusque-là exclues. Plus généralement, et pour un contrôle encore plus poussé des produits industriels importés ou fabriqués localement, le ministère prépare un texte pour des réglementations spécifiques et détaillées par familles de produits.

Est-ce que cela suffira cependant à donner un sérieux coup de frein aux importations et donc à limiter l’hémorragie de devises qui en résulte ? Sans doute pas, même si ce travail de contrôle, à la fois par les mesures de défense commerciale et de conformité, est évidemment absolument nécessaire.

En fait, le gouvernement ne compte pas s’arrêter là, il veut utiliser toutes les possibilités qui s’offrent à lui pour réduire un tant soi peu les importations (voir encadré).
La situation urge, en effet. A fin juillet de cette année, le déficit de la balance des biens et services s’est aggravé de 14,6%, à -74,7 milliards de DH (voir tableau). Celui du compte courant, lui, a atteint -19,6 milliards sur le seul premier trimestre (les chiffres du deuxième trimestre n’étant pas arrêtés), soit une aggravation de 17,5% par rapport au même trimestre de 2011 (voir graphe).

Le problème est que cette situation de déficit dure depuis 2007 pour le compte courant, tandis qu’elle est structurelle s’agissant des échanges de biens et services. Et si par le passé le compte des transactions courantes est resté longtemps excédentaire –depuis le début 2000– c’est parce que les services, notamment le tourisme, et les transferts courants, ceux des MRE en particulier, parvenaient à couvrir le déficit de la balance des biens et même à dégager des excédents. Avec le renchérissement des matières premières énergétiques et agricoles, d’un côté, et la crise économique mondiale qui a réduit la demande adressée à l’économie marocaine, de l’autre, la situation s’est complètement retournée, obligeant d’ailleurs le gouvernement précédent à lever un emprunt de 11 milliards de DH sur le marché international, en octobre 2010.

L’actuel gouvernement n’a pas le choix, lui aussi, puisqu’il s’apprête à lever un emprunt à l’international, comme cela est du reste attendu par tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu à ce dossier. Et cet emprunt, on le sait, n’est pas destiné à financer le déficit budgétaire, mais bien à oxygéner le circuit financier, éviter que les réserves de devises ne baissent en dessous de trois mois d’importations, seuil d’alerte retenu par les institutions financières internationales.

En parallèle aux mesures existantes ou à «inventer» et ayant pour objectif de tailler un peu dans les importations, les chantiers de modernisation des entreprises et de développement de l’offre exportable continue. Et c’est par la réussite des plans sectoriels qui sont maintenant bien connus (Emergence industrielle, Maroc Vert, Maroc export, Vision 2020) que la demande interne pourra être satisfaite par une offre domestique, alors qu’aujourd’hui elle est essentiellement nourrie par des importations, et que les produits à l’export gagneront en compétitivité. Mais ceci n’empêche pas cela, d’autant que la compétitivité ne se décrète pas, c’est un processus long. Or, les comptes extérieurs sont dans un état tel que seules des mesures rapides et de court terme peuvent en atténuer la dégringolade…