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Idées

La femme serait-elle l’avenir du Patronat ?

Mais qui disait que Meriem Bensalah, candidate à  la présidence de la CGEM, courrait le risque de s’embourber dans la jungle masculine du patronat ?

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Mis à jour le

larabi 2012 05 28

Mais qui disait que Meriem Bensalah, candidate à la présidence de la CGEM, courrait le risque de s’embourber dans la jungle masculine du patronat ? Avez-vous vu l’élégance avec laquelle les autres postulants se sont retirés dès l’annonce de son entrée en scène ? Bien plus, comment, unanimes, ils ont fait campagne pour elle. Imaginez-vous une pareille attitude dans une compétition politique où des candidats RNI se retirent d’une élection en faveur de leurs concurrents socialistes ? J’admets que la comparaison est un peu forcée mais elle n’est pas dénuée de logique. Mme Bensalah a déclaré qu’elle aurait souhaité une élection plus ouverte. Dont acte ! Mais une franche et élégante compétition, avec des enjeux mieux affichés, des programmes différenciés aurait, assurément, mieux servi l’image de la confédération et du milieu patronal. C’est que l’opinion publique est très méfiante sur des élections à candidat unique qui tournent au plébiscite. Elles sont assimilées -à tort ou à raison- à une absence d’autonomie, aux effets des injonctions externes ou à des désistements forcés. Il est vrai que ce n’est pas la première fois que des compétiteurs se retirent en faveur d’un candidat unique. Le même scénario s’est produit dans des pays à tradition démocratique. Mais, chez nous, il n’est pas perçu comme le signe d’une démocratie apaisée, mais plutôt l’expression de tractations qui se font en coulisse. Sauf que dans le cas qui nous concerne, la présence d’une femme candidate unique donne à ce scénario une couleur particulière.

A l’heure où le «deuxième sexe» conquiert le pouvoir dans l’organisation masculine, une question se pose avec acuité : si les femmes prennent le pouvoir, en feront-elles un meilleure usage que les hommes avant elles ? Le débat est vif, ici et ailleurs. En août dernier, The Atlantic, la très sérieuse revue américaine, publiait un article où elle constatait, dans 162 pays, que «plus le pouvoir des femmes était grand, plus florissante était l’économie du pays». La dernière livraison de l’excellent magazine Philosophie a consacré son dossier à un thème provoquant : les femmes sont-elles plus morales que les hommes ? De ce point de vue, la tendance est de considérer que les hommes sont des égoïstes, des violents. N’aiment-ils pas, dès leur jeune âge, la bagarre ? Et ne comptons pas les guerres, qui sont livrées majoritairement par des hommes, ni «les risques inconsidérés pris par des traders shootés à la testostérone qui provoquent les crises économiques». Par contre, les femmes seraient plus sensibles, plus relationnelles ; elles penseraient davantage aux autres qu’à elles-mêmes et tendraient à apaiser les tensions.

Intuitivement, c’est ce que l’on croit.  Mais il se trouve que depuis quelques années, les sciences cognitives se sont emparés du sujet. Quand ce ne sont pas les neurones, ce sont les hormones qui seraient la cause de cette irréductible différence entre les sexes : ocytocine pour les unes, en passe de devenir l’hormone de l’empathie, testostérone pour les autres, hormone de l’agressivité. Sur ce registre, «si Lehman Brothers avaient été Lehman Sisters, ils n’auraient pas fait faillite !», plaisante Catherine Vidal, une scientifique qui s’insurge contre la reproduction de ces vieux stéréotypes par des concepts scientifiques. L’anthropologie, cette discipline humaine, n’avait-elle pas confirmé depuis longtemps le caractère construit (et non pas naturel) de la différence, y compris morale, entre les sexes.
Mais ce qui demeure inscrit dans les têtes, ce sont les oppositions schématiques associées aux deux genres: chaud (masculin)/froid (féminin), courage/patience, compétition/coopération, force/endurance, autorité/souplesse, protection/accueil…

Indépendamment de ces débats sans fin, j’estime, personnellement, que les qualités féminines de Mme Bensalah seraient profitables à notre société en ces temps brutaux, qui voient poindre partout des turbulences économiques, des tensions sociales et des menaces sur les équilibres de notre société. Je suis en droit de les trouver plus bénéfiques pour tout le monde que les vertus viriles… au risque de flageoler l’ego masculin. Tandis que se dessinent de nouvelles politiques publiques, l’empathie, l’attention aux vulnérables et à l’écologie, la coopération, la négociation seraient les valeurs d’avenir. Meriem Bensalah serait-elle l’avenir de la CGEM ? Face aux tourmentes de la crise économique, qui ne lui faciliteront pas la tâche, elle pointe le partenariat comme vecteur de convergence des efforts de tous les acteurs pour une issue favorable à tous: un partenariat économique  avec l’Etat, social avec les syndicats. Avec comme référentiel de comportement : le  patriotisme, le loyalisme et la fermeté. Ne nous y trompons pas, derrière ses grands yeux en sourire, la nouvelle présidente de la CGEM dissimule difficilement son caractère d’acier, voire autoritaire, selon certains.  Première femme à avoir pris la tête du patronat marocain, elle aura à imposer son style. C’est une petite révolution. Qui sera suivie avec beaucoup d’intérêt et de questionnements. Comment s’y prendra-telle, en cette période de chômage, pour mettre l’entreprise au cœur de la société et en faire le moteur de l’insertion sociale ? Quelles initiatives prendra-t-elle pour réajuster les rapports de l’institution au pouvoir politique et à l’Etat, l’ouvrir davantage sur les régions et sur la défense des petites entreprises et des sociétés de service ? Bon vent Mme Bensalah. Un conseil, tout de même, si vous le permettez. Méditez cette phrase de Sénèque : «Il n’est pas de bon vent pour qui ne connaît pas son port».