Idées
C’était beau à voir !
L’histoire de François Hollande président est vraiment celle du vilain petit canard qui se transforme en un beau cygne. Comme d’autres de ses prédécesseurs, l’intéressé s’est mis très tôt en tête d’accéder à cette fonction suprême. Mais cette ambition avait pour effet de déclencher l’amusement des siens. Dans une ancienne interview, sa mère, décédée depuis plusieurs années, racontait ce rêve de son fils. Elle en parlait comme d’une plaisanterie, comme de quelque chose qui ne pouvait avoir aucune chance de survenir. Et pourtant…

Après François Mitterrand, un autre François est devenu président de la République française. C’est le second président socialiste dans l’histoire du pays. Dimanche 6 mai, les Français se sont donc rendus aux urnes pour élire leur chef de l’Etat. Conformément aux prédictions des sondages, le candidat socialiste, François Hollande, a battu le président sortant, Nicolas Sarkozy. Comme il y a trente-et-un an, le «peuple de gauche» est sorti dans la rue pour célébrer dans la liesse sa victoire. A Paris, c’est sur la symbolique place de la Bastille que la fête a eu lieu, 2012 rééditant 1981.
Du Maroc, cette élection a été suivie par de très nombreuses personnes. Parce que c’est la France, certes, et que tant de choses, passées et présentes, continuent à nous lier à ce pays mais, également, parce qu’il est passionnant de voir comment le pouvoir se prend dans une démocratie. D’assister à ce combat des idées à l’issue duquel un homme devient le premier de ses concitoyens, celui à qui revient la charge de conduire, le temps d’un mandat électoral, leur destinée.
A cela s’ajoute, dans le cas de cette élection, ce qui en fait sa particularité, à savoir la victoire d’un anti-héros. D’un homme sur lequel, il y a quelques mois à peine, personne n’aurait misé un kopeck. Cette élection présidentielle française de 2012 a réuni les ingrédients d’un vrai film de fiction. De l’incroyable chute du favori, plébiscité par tous les sondages à l’entrée en jeu, à la lente progression de l’outsider, crédité en début d’année d’un 3% d’intentions de vote. 3%, voilà, en effet, ce que pesait jusqu’à fin 2011 le challenger de Nicolas Sarkozy ! Tant et si bien que les intimes, regroupés autour de lui pour travailler à sa candidature, se riaient d’eux-mêmes en se surnommant «les 3%». Le seul, sans doute, à y croire vraiment, en dépit et contre tout, était celui qui devait devenir, ce 6 mai 2012, le septième président de la Ve République française.
L’histoire de François Hollande président est vraiment celle du vilain petit canard qui se transforme en un beau cygne. Comme d’autres de ses prédécesseurs, l’intéressé s’est mis très tôt en tête d’accéder à cette fonction suprême. Mais cette ambition avait pour effet de déclencher l’amusement des siens. Dans une ancienne interview, sa mère, décédée depuis plusieurs années, racontait ce rêve de son fils. Elle en parlait comme d’une plaisanterie, comme de quelque chose qui ne pouvait avoir aucune chance de survenir. Et pourtant … celui que, y compris dans son propre camp, ses adversaires ont brocardé à satiété, «flanby», «capitaine de pédalo», usant à son égard des qualificatifs les plus insultants, «mou», «nul» ou encore «lâche», a réussi la gageure de battre tout le monde. Lors de la primaire socialiste d’abord (ils étaient six candidats à briguer l’investiture du parti), puis dans le sprint final contre Nicolas Sarkozy. Il y a beau jeu d’affirmer, comme cela a beaucoup été dit, que c’est le rejet du président sortant qui a joué en sa faveur. Certes, cela a, bien entendu, contribué à sa victoire. Mais sa formidable prestation lors du débat de l’entre-deux tours -un éditorialiste a parlé de «l’avènement cathodique du président Hollande»- devait dévoiler à tous et au grand jour les qualités hors pair de l’homme, son intelligence aiguë, sa parfaite maitrise de soi et sa connaissance pointue des dossiers. Celui que Nicolas Sarkozy comptait «exploser» s’est révélé un redoutable duelliste même pour la bête politique qu’est le président sortant. A partir de là, et malgré la fuite éperdue en avant de ce dernier pour séduire les électeurs de l’extrême-droite, les jeux étaient faits.
Alors oui, que cette victoire d’un homme, parti en solitaire à la conquête du pouvoir était belle à voir! Belle pour tout ce qui a été dit précédemment mais belle également pour les idéaux défendus. Dans un contexte de droitisation de la société française, où, pendant cinq ans, les réflexes primaires de stigmatisation et de rejet de l’autre ont été flattés à outrance, François Hollande a axé son discours sur l’égalité et la justice pour tous. Il a remis à l’ordre du jour l’utopie d’une société multiculturelle où chacun est l’égal de l’autre quelle que soit sa couleur, son ethnie ou sa religion. Sur cette place de la Bastille où «le peuple de gauche» est descendu célébrer la victoire de son candidat, les visages qui laissaient éclater leur joie étaient ceux de la diversité. Dixit «l’identité nationale» et les distinctions entre «vrai» et «faux» Français, la France, en cet instant magique, redevenait la patrie de la fraternité et de l’égalité. C’était beau à voir et cela donnait envie.
