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Affaires

Fonds de solidarité : tout le monde passera à  la caisse ?

Au lieu d’une contribution limitée à  quelques secteurs comme les banques et les assurances, il serait question de l’étendre à  toutes les entreprises. Dans son ancienne version, le fonds ne devait rapporter qu’un faible montant par rapport à  la charge de compensation.

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Nizar Baraka 2012 03 02

On ne parle désormais que de ça : «Quand la Loi de finances verra-t-elle enfin le jour ?». Même si le fonctionnement normal de l’Etat ne semble pas du tout entravé par l’absence, durant deux mois maintenant, d’un cadre juridique (nouveau) pour l’exécution des dépenses et la collecte de l’impôt, tout le monde s’impatiente de voir se formaliser dans le document de la Loi de finances la vision de la nouvelle équipe gouvernementale. Surtout, dans cet acte législatif des plus solennels, tout le monde a à cœur de connaître la manière avec laquelle un gouvernement dirigé par un parti de tendance islamiste va devoir affronter les difficultés liées à la crise économique internationale et son impact sur le Maroc, notamment sur les échanges extérieurs et les finances publiques.
Mais derrière cette impatience et ces interrogations, somme toute légitimes, ce qui se dessine en creux, ce sont les attentes en matière fiscale, car, finalement, c’est par ce biais principalement qu’un gouvernement oriente sa politique dans un sens ou dans un autre. Et à ce propos justement, de nombreuses sources au sein de l’Exécutif ont déjà annoncé, sans en préciser les contours, la création d’un fonds de solidarité nationale, version amendée du projet de fonds envisagé par le gouvernement précédent, mais curieusement retiré du circuit à la dernière minute. Ce projet, s’il était concrétisé, apparaîtrait alors comme la marque distinctive du nouvel Exécutif, qui entend ainsi réactiver la solidarité nationale au bénéfice des nécessiteux ; l’Etat, dans le contexte particulier d’aujourd’hui ne pouvant, à lui seul, prendre en charge la totalité des besoins qui s’expriment dans le pays. D’autant que ce même Etat intervient déjà massivement pour éviter d’infliger aux consommateurs les retombées financières du renchérissement des cours des matières premières agricoles et énergétiques : 52 milliards de compensation au titre de 2011 ! Toute la question est de savoir comment le financer.

42 milliards de compensation en 2012 ? peut-être davantage…

Dans l’ancien projet, rappelons-le, de nombreuses mesures devaient accompagner la création dudit fonds : taxation du chiffre d’affaires de certaines entreprises du secteur financier notamment, relèvement du tarif de la tranche supérieure de consommation électrique, hausse de la taxe spéciale automobile et des droits d’enregistrement pour une catégorie de véhicules… Est-ce que ces mesures seront reconduites dans le projet du nouveau gouvernement ? Nul ne le sait vraiment à l’heure qu’il est. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que nécessairement des mesures doivent être prises pour financer le fonds de solidarité que l’on veut créer.
Selon ce qui se murmure à Rabat, la contribution du secteur financier (4,5% du chiffre d’affaires) retenue, entre autres (il y a aussi les télécoms et le tabac) dans l’ancienne version du projet, aurait été transformée en une sorte de taxe généralisée pour toutes les entreprises, mais avec un taux plus réduit. Et au lieu de l’asseoir sur le chiffre d’affaires, elle serait prélevée cette fois sur le résultat avant impôt. Ça ressemble à une hausse de l’impôt sur les sociétés, au moment où les entreprises souhaitent voir ramener le taux d’imposition qui les concerne de 30% à 25% ! Mais ça ressemble aussi à la fameuse PSN (participation pour la solidarité nationale), abrogée au début de la décennie 2000.
Est-ce que cela ne va pas inciter les contribuables à maquiller leur bilan, comme certains, pour ne pas dire beaucoup, le font aujourd’hui afin de déclarer des résultats nuls ou même déficitaires ? Logiquement, en matière de solidarité nationale, surtout si la promesse d’une bonne gouvernance en général et celle dudit fonds en particulier était tenue, les contribuables ne devraient pas s’y dérober.
Il faut préciser maintenant que l’idée d’un fonds de solidarité, à l’origine, était de récupérer au moins une partie de la subvention qui devient de moins en moins supportable par le Budget de l’Etat. A vrai dire, la somme que l’on avait escompté drainer à travers l’ensemble des mesures envisagées ne dépassait pas 2 milliards de DH.
Des broutilles, au regard des charges de compensation de ces dernières années. Et même pour 2012, on parle d’une enveloppe de compensation de 42 milliards de DH. Vu les mauvaises conditions qui entourent la campagne agricole et si la situation sur le marché internationale de l’énergie reste tendue, cette enveloppe pourrait aller au delà de ce montant. Sachant par ailleurs, selon des indiscrétions, que le niveau de l’investissement ne sera pas révisé à la baisse, et qu’une volonté existerait de donner un petit coup de pousse à certaines catégories de fonctionnaires et de pensionnés, il faut s’attendre à un déficit budgétaire assez élevé : -5% du PIB, selon les prévisions les moins pessimistes.