Au Royaume
Les bars du gouvernement PJD
Voir dans la fermeture d’un bar la main invisible du PJD est injuste envers ce parti. En revanche, l’exécutif devrait se pencher sérieusement sur cette hypocrisie, fortement génératrice de corruption.

L’histoire a fait la une de plusieurs journaux : un propriétaire de bar est devant la justice au motif de vente de boissons alcoolisées à des musulmans. Et la presse de voir dans cette mésaventure un certain effet PJD : buveurs on vous surveille désormais.
Une explication tirée par les cheveux. Le PJD a bon dos. Les cas de détenteurs de licence de vente d’alcool, pris à partie par la justice, dès qu’une rixe intervient dans leurs locaux, sont légion et nos bons juges n’ont pas attendu le nouvel Exécutif pour condamner les mis en cause. Classiquement, un incident éclate, la police s’en mêle, le dossier va chez les juges qui découvrent soudain que dans ce pays on vend de l’alcool aux musulmans et font appliquer la loi. Le propriétaire de bar perd sa licence, son gagne-pain.
A l’heure où un vent nouveau souffle sur le Maroc, où l’on parle de lutte contre la corruption, de transparence, il serait peut être bon de s’arrêter sur quelques constats. Chaque année, il se vend au Maroc, 321 millions de bouteilles de bière, 39 millions de bouteilles de vin, 1,14 million de vodka, 1 million de whisky, 351 000 de champagne, 500 000 de mahia. Des milliers de bars sont ouverts au vu et au su de tous, des millions de personnes achètent ou boivent sur place chez le commerce autorisé par les représentants de l’Etat.
Au Maroc aussi, la loi dit que la vente de boissons alcoolisées est interdite aux musulmans. Ce qui implique que l’on ne peut légalement pas en acheter, ni consommer, ni transporter dans son cabas ou dans sa voiture. Entre la réalité du terrain et la loi, ce sont donc des millions de personnes qui sont en infraction chaque jour, de celui qui vend à celui qui consomme en passant par la police qui regarde… et le gouvernement qui sait.
Qu’est-ce que cela crée ? Tout simplement de l’arbitraire à tous les échelons. Et quand l’arbitraire est là, la corruption n’est jamais loin. Aujourd’hui, de véritables réseaux de remontée d’argent se sont constitués au sein des corps en uniforme afin de garantir la tranquillité de tous, de fermer les yeux.
Alors peut-être serait-il temps qu’une loi inapplicable se mette en phase avec la réalité. De la même manière qu’on a toléré, avec hypocrisie, pendant 50 ans, le fait que des musulmans boivent, on peut tolérer- avec certainement moins d’hypocrisie – un simple changement dans la loi : ne pas autoriser mais ne pas interdire non plus, continuer à réprimer l’ivresse publique, prendre à bras-le-corps les problèmes d’alcoolisme, renforcer la répression envers la vente aux mineurs… Bref, traiter cela comme un vrai problème de société.
