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« Avec un taux de pénétration d’Internet de 6%, difficile de parler de société de l’information »
Pour que les technologies de l’information jouent pleinement leur rôle, il faut les ancrer dans les usages, moderniser les PME et faciliter l’accès à l’informatique et l’internet.

Vous venez d’être élu président de l’Apebi. Entre l’association d’autrefois représentant les professionnels de la bureautique et l’informatique et l’Apebi d’aujourd’hui, qu’est-ce qui a changé ?
Le premier changement qui a été opéré il y a quelques années au niveau de l’Apebi a été l’ajout de manière explicite de l’offshoring en tant que secteur membre à part entière. L’Apebi tire sa légitimité de par son historique mais également parce qu’elle se veut fédératrice de l’ensemble des acteurs des nouvelles technologies au Maroc.
C’est dans cette optique que nous avons conçu avec l’équipe du bureau une nouvelle organisation avec des commissions transverses qui traiteraient des sujets communs à tous les acteurs tels que la question des Ressources humaines, de l’export, de l’innovation… et des comités sectoriels pour représenter la profession. A cet effet, nous intégrons deux nouveaux secteurs dans cette organisation : le Conseil et la Formation.
Que brasse le secteur comme chiffre d’affaires aujourd’hui ?
Plus de 42 milliards de dirhams pour 35 000 personnes employées. Le plus gros contributeur au chiffre d’affaires reste évidemment le secteur des télécoms à plus de 80%. Notre ambition est de faire émerger une industrie des technologies de l’information (TI) plus forte.
Quel regard jetez-vous sur le degré de pénétration des technologies de l’information au Maroc ?
Nous avons vécu ces dernières années une progression fulgurante de l’équipement en téléphonie et particulièrement en téléphonie mobile. Plusieurs projets ont été mis en place pour favoriser l’équipement et l’adoption des technologies de l’information mais cela reste insuffisant. Avec un taux de pénétration d’Internet de seulement 6%, il est difficile de parler de société de l’information.
Pour que les TI jouent pleinement leur rôle de facteur de développement, nous devons répondre à trois problématiques : moderniser le tissu entrepreneurial, notamment les PME ; favoriser l’accès pour les citoyens à l’équipement informatique et à Internet et ancrer l’utilisation des TI dans les usages. Cela passe par exemple par l’introduction des TI dès la scolarité ou encore par la dématérialisation des services publics offerts aux citoyens. Le challenge est de faire vite et de manière étendue.
Des programmes comme E-gov apportent-ils réellement un plus à la profession ?
Les programmes E-gov ont une portée double. C’est un enjeu capital pour les administrations pour l’amélioration de leur efficacité, du service offert aux citoyens et pour la réduction de leurs coûts.
Pour les acteurs TI, il s’agit clairement d’un marché important. Le tout est de trouver la bonne approche et de favoriser la participation à la fois des entreprises marocaines et multinationales.
Une de nos priorités sur les projets E-gov est d’ailleurs que l’Apebi soit impliquée en amont dans leur définition.
Votre feuille de route pour l’Apebi s’articule autour de quels axes ?
Quatre axes stratégiques : les Marchés tant en interne qu’à l’export; les Offres avec un focus sur la spécialisation et la montée en valeur de nos prestations ; les Ressources humaines pour répondre à la problématique de l’adéquation de la formation et de la disponibilité des ressources et enfin l’axe Financement et les problèmes d’accès et d’accompagnement des bénéficiaires éventuels. Chacun de ces axes sera décliné en des priorités clairement identifiées qui constitueront notre feuille de route 2012-2013. Par exemple, sur l’axe Marchés, la commande publique constitue un potentiel d’affaires pouvant booster un grand nombre de nos PME mais il présente plusieurs obstacles. Il faut lever les freins administratifs et «libérer» la Commande publique en la rendant plus transparente, simple et accessible. L’axe Offre recommande une stratégie de spécialisation pour nos PME ; on ne peut pas être petit et généraliste. L’objectif sera de les accompagner dans ce sens. La compétitivité du Maroc à l’international est aussi un autre cheval de bataille. Les mesures incitatives de l’Etat concernant l’offshore atteignent leur limite et doivent être revues. Nous ferons des propositions à ce sujet et également pour faire bénéficier les entreprises marocaines de certaines d’entre elles.
Allez-vous défendre l’idée de donner la préférence nationale aux entreprises marocaines dans le cadre des marchés publics ?
Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes dans un marché concurrentiel et que favoriser la préférence national doit s’organiser en amont sur deux axes. Le premier est le lotissement des appels d’offres de sorte que la taille des marchés soit accessible aux entreprises marocaines de petite ou moyenne taille. Le second est une sorte d’obligation des acteurs internationaux ou nationaux à coopérer avec des acteurs plus petits en sous-traitant un volume minimal d’activité au même titre que ce qui a été fait pour la réalisation de certaines autoroutes. Mais cela exige que les entreprises nationales respectent des normes de qualité et des critères de gouvernance pour pouvoir être candidat à ce type de modèle.
Que pensez-vous de la disponibilité de ressources humaines qualifiées dans le domaine des TIC ? Avez-vous un plan dans ce sens ?
De prime abord, il faut distinguer deux types de profils : les juniors et les experts. Dans le premier cas, les ressources sont disponibles en nombre. Le pacte pour l’émergence industrielle a porté ses fruits. Le problème se situe plus au niveau de l’adéquation entre les besoins immédiats des entreprises et les compétences à la sortie d’école et université car aujourd’hui les entreprises sont amenées à développer leurs propres programmes de formation et de montée en compétence pour pallier ce problème. Au niveau des profils plus seniors, la difficulté est de trouver des expertises pointues. Généralement, ces compétences sont recherchées à l’étranger.
Comme première mesure sur cet axe, nous ferons un bilan de la situation ainsi qu’une enquête pour identifier les besoins du secteur aussi bien en nombre qu’au niveau du type de compétences recherchées.
