Affaires
La bombe à retardement des retraites
Un dossier qui piétine depuis 2003, faute de courage politique..
Le dossier des retraites est une bombe à retardement par excellence : si elle n’est pas désamorcée à temps, elle explosera à la figure de tous. Cela est surtout vrai dans un régime de répartition (cas du Maroc) où la solidarité (entre les générations) constitue un principe cardinal. Or, aujourd’hui, et toutes les études actuarielles l’ont montré, le rapport démographique, c’est-à-dire l’évolution de l’effectif des cotisants et des retraités, se dégrade progressivement. C’est la conséquence à la fois de la baisse de la fécondité, de l’entrée de plus en plus tardive (pour raison d’études notamment) dans la vie active, de l’insuffisance des emplois créés, surtout des emplois stables et bien rémunérés, et enfin de l’allongement de l’espérance de vie. Il y a là une évolution qui n’est pas propre au Maroc, il faut bien le dire. Illustration de la dégradation du rapport démographique, il y a aujourd’hui, en moyenne et tous régimes confondus, 3,5 cotisants pour un retraité. On est bien loin des 7 cotisants pour un retraité d’il y a une dizaine d’années. A la CMR, c’est 2,8 cotisants pour un retraité (régime civil) et en 2060, il n’ y aura plus que 1,37 cotisant pour un retraité. Dans ces conditions, et compte tenu du niveau des pensions servies, c’est dans quelques mois (en 2012) que la CMR connaîtra son premier déficit. Et même en recourant aux réserves, celles-ci ne tiendront pas au delà de 2019, c’est-à-dire demain.
Le RCAR n’est pas mieux loti : 1,93 cotisant pour un retraité en 2010 au lieu de 7,5 cotisants pour un retraité en 2001 et…56,67 cotisants pour un retraité en 1980. C’est dire la dégradation à l’œuvre dans les régimes de retraite depuis quelques années. Le RCAR verra la totalité de ses réserves épuisée en 2049. La CNSS, en revanche, est dans une situation plutôt confortable : les cotisants sont encore nombreux à financer les retraités (8,4 cotisants pour un retraité en 2007) et ce rapport est même appelé à s’améliorer (12,6 cotisants pour un retraité en 2010) avant de décliner pour atteindre près de 4 cotisants pour un retraité en 2059. Mais le premier déficit apparaîtra en 2027 et ses réserves seront épuisées dix ans plus tard. Et ces horizons, malgré tout, ne sont pas si loin que cela. La CNSS, elle, paraît mieux lotie, mais de quelques maigres années seulement. Or, une réforme des retraites est une vision pour trente ans et plus on tarde plus l’addition sera lourde. La commission technique des retraites avait depuis l’automne dernier soumis un scénario de réforme, basé sur des ajustements paramétriques comme la hausse du taux de cotisation et l’élévation de l’âge de départ à la retraite, avant de procéder à une réforme systémique (régime de base unifié + régimes complémentaires), le tout devant être échelonné entre 2012 et 2016. Depuis c’est le statu quo… car les retombées sociales sont négatives pour tout gouvernerment.
