Au Royaume
Le présent dans le rétroviseur du passé
Pour la première fois, on assiste à de vraies alliances préélectorales. Mais, au-delà du programme, il faut donner réellement corps à ces alliances, parler d’une seule voix, avec un seul slogan, s’effacer au profit du collectif.

Quel est le point commun entre des libéraux, des militants de gauche, des écolos et des islamistes ? A priori rien. Leurs idéologies étant forcément divergentes, on pense forcément à un méli-mélo et leurs adversaires politiques, et notamment de la Koutla, s’en sont donné à cœur joie, glosant sur l’opportunisme électoral de l’Alliance pour la démocratie, cet OVNI politique.
Pour autant, il faut relire l’histoire et se rappeler de la création de cette Koutla démocratique, revivifiée au début des années 90, dans le but de constituer un front commun pour négocier, avec le Palais, le retour de l’opposition au pouvoir. Dans le lot, des socialistes (USFP, UNFP), des militants d’extrême gauche (OADP), des ex-communistes (PPS) et des conservateurs, islamistes avant l’heure, (Istiqlal). Convergence idéologique ? Très peu. Et pourtant depuis son accession aux commandes de l’exécutif, en 1998, la Koutla a été de tous les gouvernements (trois) et son combat s’est transformé en… opportunisme électoral. La Koutla a-t-elle échoué dans sa gestion des affaires du pays en raison de l’éventail idéologique de ses membres ? Personnellement, je ne pense pas.
C’est à l’aune de l’histoire qu’il faut lire le présent. Et le présent du mois à venir s’appelle élections, alliances et surtout programmes. Car au-delà des idéologies, ce que demande le citoyen aujourd’hui c’est des programmes chiffrés et une visibilité du champ politique. En ce sens, et pour la première fois au Maroc, on assiste à ce que tous les partis ont appelé de leurs vœux, mais n’ont pas su réaliser, en raison des egos de leurs troïkas : l’alliance avant les élections (voir page 40). On gagne ou on coule ensemble.
Jeudi 19 octobre, l’Alliance pour la démocratie présentait un programme électoral commun. La Koutla devrait suivre avec sa plateforme et le PJD, lui, peaufine des propositions. Mais pour que ces alliances aient un sens aux yeux des électeurs, il faut leur donner corps, ne plus parler au nom d’un seul parti, communiquer avec une identité visuelle unifiée, un slogan pour tous, s’effacer au profit du collectif. Les partis arriveront-ils à dépasser ces clivages ? Tout dépend de leurs leaders. L’histoire politique du Maroc regorge de ces grains de sable qui ont coincé des engrenages : l’ego des hommes, ce «je» d’enfant, a souvent déconstruit ce de quoi les belles idées collectives ont accouché.
