Carrière
Le règlement intérieur ou le pouvoir réglementaire de l’employeur
Les entreprises ayant moins de dix salariés sont exemptées de produire un règlement intérieur. Des clauses interdites dans le règlement intérieur peuvent figurer dans un contrat de travail. Ne pas confondre le règlement intérieur, l’acte unilatéral de l’employeur et la convention collective.

Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur a l’autorité de contrôler, de surveiller, de recruter et de licencier les membres du personnel, ainsi que de réorganiser son entreprise. Il dispose ainsi d’un pouvoir réglementaire qui se manifeste en général dans les notes de service, les circulaires internes et, en particulier, dans le règlement intérieur. Celui-ci est un document écrit qui définit l’ensemble des règles générales et permanentes s’imposant aussi bien au personnel qu’à l’employeur, et portant sur l’embauchage, le mode de licenciement, les horaires de travail, les modalités de la paie, les mesures en matière d’hygiène et de sécurité, les mesures disciplinaires…
Le règlement intérieur concerne toutes les entreprises ou établissements industriels, commerciaux ou agricoles, les professions libérales, les sociétés civiles, les associations et les syndicats, ayant au moins dix salariés. En revanche, il est facultatif pour les établissements ayant moins de dix salariés.
En application de l’article 138 du code du travail, les entreprises éligibles doivent, dans les deux années suivant leur création, établir un règlement intérieur après l’avoir communiqué (pour avis, pas accord) aux délégués des salariés et aux représentants syndicaux, s’ils existent. Ils doivent ensuite le soumettre à l’approbation de l’autorité gouvernementale chargée du travail.
En effet, le pouvoir réglementaire de l’employeur n’est pas absolu, il trouve ses limites dans la loi qui prévoit des normes et des règles à respecter par l’employeur lors de l’établissement du règlement intérieur. La même procédure est applicable pour toute modification d’une clause du règlement.
Ce que contient le règlement intérieur
Le code du travail prévoit (à titre indicatif, pas à titre limitatif)des normes ou des règles qui doivent s’insérer dans le règlement intérieur, à condition de ne pas contredire les lois, les contrats de travail ainsi que les conventions collectives. Ces éléments sont :
– l’objet : le règlement fixe les droits et les obligations de l’employeur et ses salariés en vue d’assurer le bon fonctionnement de l’entreprise ;
– le champ d’application : il s’applique à l’ensemble du personnel de la société (cadres, ouvriers, employées), permanents, temporaire et intérimaire, notamment en matières d’hygiène et de sécurité ;
– les conditions d’embauche : il fixe toutes les dispositions à respecter pour le recrutement, et indique les catégories du personnel (cadres, techniciens, ouvriers, employées), les périodes d’essais à respecter, le transport du personnel, ainsi que la tenue du travail qui varie selon la nature de l’activité ;
– l’organisation du travail : il prévoit tout ce qui concerne l’accès à l’entreprise et le respect des horaires du travail (l’entrée et sortie ou le pointage), le respect de la durée du travail (article 184 du code du travail), les heures supplémentaires, le repos hebdomadaire, les modes de rémunération, les absences autorisées ou justifiées (pour maladies ou événements familiaux), les congés annuels, la maternité, l’usage du matériel, des données et des équipements informatiques ;
– l’hygiène et sécurité : il comprend toutes les mesures des protections collectives (préventions des accidents du travail et des maladies professionnelles) et les protections individuelles (chaussures, lunettes, gants, casques…) ainsi que toutes les dispositions communes (cigarette, boisson, drogue, repas, vestiaires…) ;
– la gestion de la discipline : il fixe les règles générales relatives à la discipline (article 37 du code du travail), la nature et l’échelle de la sanction (avertissement, blâme, mise à pieds, transfert…) ainsi que la procédure à suivre. Cependant, il ne faut pas confondre des faits objectifs qui donnent lieu à des sanctions disciplinaires telles que l’insuffisance professionnelle (la non-réalisation des objectifs), et des faits subjectifs qui ne constituent pas des motifs valables pour justifier une sanction ou un licenciement tel que la perte de confiance ou la mésentente ;
– la rupture de contrat : il définit les règles et les procédures générales relatives à la démission, au licenciement (personnel ou économique), l’abandon de poste, la résiliation conventionnelle, la retraite, le départ volontaire…) ;
– les institutions représentatives du personnel : il fixe les règles générales concernant l’élection des délégués du personnel (obligatoire à partir de 10 salariés), l’établissement et le fonctionnement du comité d’entreprise (obligatoire à partir de 50 salariés), et le comité de sécurité et d’hygiène (obligatoire à partir de 50 salariés) ;
– les dispositions générales : il doit être affiché dans l’entreprise au lieu de passage habituel des salariés et sur les panneaux prévus à cet effet. Tout salarié est en droit de recevoir une copie du présent règlement intérieur.
– la date d’entrée en vigueur : il est applicable à compter de la date de son approbation. Il faut indiquer dans le règlement que tout ce qui n’a pas été prévu est régi par les articles du code du travail.
La limitation du pouvoir réglementaire de l’employeur
En application du principe de faveur (qui trouve son origine dans la jurisprudence), l’employeur peut insérer d’autres clauses dans le règlement intérieur, à condition qu’elles soient plus avantageuses et plus favorables pour les salariés.
A ce titre, il ne faut pas inclure dans le règlement intérieur des clauses contraires aux lois et règlements ainsi qu’aux dispositions des conventions collectives et aux contrats du travail. Parmi les clauses interdites figure, par exemple, celle qui indique que les salariés sont tenus de présenter leurs réclamations par la voie hiérarchique car elle porte atteinte aux prérogatives des délégués du salarié.
Le règlement ne doit pas non plus porter atteinte aux libertés individuelles. Dans ce cadre, la clause qui prévoit l’interdiction des salariés de se marier entre eux sous peine de licenciement (la clause de célibat) est proscrite. En revanche, les clauses interdites dans le règlement intérieur peuvent figurer dans un contrat de travail, par exemple la clause de mobilité qui exige l’accord du salarié.
Le document peut par ailleurs comporter des dispositions rappelant les droits de la défense des salariés en cas de sanction à l’encontre d’un membre de l’entreprise (article 141 du code du travail).
Attention, l’employeur peut insérer dans le règlement des fautes graves qui ne sont pas prévues par l’article 39 du code du travail, car ces fautes sont indiquées à titre indicatif, pas limitatif. Par exemple, la condamnation du salarié à une peine de prison.
En pratique, il n’existe pas un modèle de règlement intérieur applicable à toutes les entreprises, son contenu diffère selon le secteur d’activité. Ainsi, lors de l’établissement du règlement intérieur, il faut prendre en considération les spécificités de chaque entreprise. Par exemple, l’industrie pharmaceutique n’est pas l’industrie alimentaire.
Notons que le règlement intérieur s’impose à tous les salariés, quelle que soit la date de leur embauche. Aucun consentement personnel n’est requis. Il s’impose aussi aux salariés temporaires ou intérimaires, notamment en matière de sécurité et d’hygiène et de discipline dans l’exécution du travail. Cependant, les dispositions relatives aux mesures disciplinaires (avertissement, blâme, mise à pieds, mutation) ne concernent que les salariés liés à l’employeur par un contrat de travail.
Enfin, il ne faut pas confondre le règlement intérieur, l’acte unilatéral de l’employeur et la convention collective, contrat régissant les relations collectives de travail conclues, d’une part, entre les représentants d’une ou plusieurs organisations syndicales des salariés les plus représentatives ou leurs unions et, d’autre part, soit entre un ou plusieurs employeurs contractant à titre personnel, soit entre les représentants d’une ou de plusieurs organisations professionnelles des employeurs (article 104 du code du travail).
Comment le mettre en place
Le projet du règlement intérieur doit être établi, dans un premier temps, en langue arabe. Cependant, rien n’empêche de le traduire en français ou en d’autres langues.
L’employeur doit le soumettre à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du salarié et au comité d’hygiène et de sécurité pour les matières relevant de sa compétence. Il est transmis, avec l’avis du comité ou délégués du salarié, en double exemplaire, à l’autorité gouvernementale chargée du travail pour approbation. Cependant, les entreprises qui envisagent d’établir un règlement intérieur et qui n’ont pas de délégués des salariés, doivent en premier lieu organiser les élections des délégués du personnel. Ensuite, elles doivent le présenter pour approbation à la délégation de l’emploi dans laquelle est située l’entreprise ou l’établissement, accompagné des avis des délégués du salarié ou d’un procès-verbal de carence, ainsi que d’une fiche technique de l’entreprise. Dans ce cas, l’inspecteur du travail doit effectuer une enquête en vue de vérifier si l’employeur a respecté les procédures de l’élection des délégués des salariés.
Les sanctions
Sont punis d’une amende de 2 000 à 5 000 DH :
– le non-établissement du règlement intérieur dans le délai prévu par l’article 138 ;
– le défaut de porter le règlement à la connaissance des salariés ou le défaut d’affichage ;
– le défaut de fixation par l’employeur du jour où il reçoit chaque salarié dans les conditions fixées par l’article 141 du code du travail.
