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Centres d’appel : les profils maîtrisant la langue française se raréfient

Chaque année, 10 000 personnes sont nécessaires pour faire face aux commandes. Des opérateurs ont dû reporter l’extension de certaines activités, faute de ressources humaines. La seule Call Académie ne peut fournir les 75 000 profils nécessaires que d’ici 2015.

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Centre Appels Maroc 2011 06 01

Parmi les six nouveaux métiers mondiaux du Maroc recensés par le Pacte national pour l’émergence industrielle, l’offshoring est l’un des plus aboutis et des plus prometteurs. Le pays est d’ailleurs devenu la destination numéro 1 de l’offshoring francophone. Et si l’on s’attarde sur les chiffres, l’activité des centres d’appel se porte bien.
En 2010, 35 000 personnes y étaient employées, soit 6 000 de plus qu’en 2009. Le chiffre d’affaires à l’export, qui s’est établi à 4,1 milliards de DH pour l’année 2010, est en croissance de 20%. Seul ombre au tableau, le secteur peine à trouver les ressources humaines nécessaires à son développement. Alors qu’ils ambitionnent de recruter pas moins de 10 000 personnes chaque année pour faire face à une demande accrue, les professionnels de la relation client sont unanimes : les ressources manquent. Pour un secteur où les flux d’activité sont aussi rapides, «la problématique du recrutement est un enjeu majeur» , confirme Youssef Chraïbi, président de l’Association marocaine de la relation client (AMRC) et DG d’Outsourcia.
L’enjeu est d’autant plus important que la demande augmente. Les téléopérateurs marocains se sont même vus prendre le relais de centres d’appel tunisiens lorsque ceux-ci ne pouvaient assurer le service pendant la révolution du Jasmin.

Le niveau d’exigence est plus élevé pour les appels sortants

Pourtant, alors que le Pacte national pour l’émergence a prévu de garantir la disponibilité de 75 000 profils d’ici 2015, la grande majorité des candidats ne présentent pas les compétences nécessaires. «Nous avons de grandes difficultés à trouver des profils qui sont à la fois de bons vendeurs et parfaitement francophones pour nos positions en appels sortants», précise Dirk Van Leeuwen, DG de Webhelp Maroc, dont 70% de l’activité porte sur les appels sortants. Même son de cloche chez Accolade, dont le DRH, Ahmed Haddari, explique : «Pour les appels entrants, le besoin est prédéfini. Nous ne rencontrons pas de réelles difficultés à trouver les profils nécessaires. En revanche, les appels sortants demandent un niveau d’exigence plus élevé. Même si le téléopérateur dispose d’un script, il doit être capable de répondre aux questions et de s’adapter aux différentes situations. Pour ces positions-là, nous rencontrons des difficultés à recruter de bons commerciaux dont le niveau de français est suffisant».
Autrement dit, le bassin d’emploi est loin de progresser proportionnellement au secteur. «Deux problèmes se posent. D’un côté, nous avons un grand nombre de diplômés chômeurs qui n’ont pas la volonté de démarrer leur carrière dans un centre d’appel, et de l’autre, nous avons un décalage entre les compétences et la demande», décortique M. Van Leeuwen. «Le système éducatif est sous pression. Mais nous avons encore de la marge pour les 5 prochaines années» , rassure Jérôme Duron, DGA de Phone Group. Rassurer, il le faut, car les donneurs d’ordre commencent à se poser des questions. «Nous avons été obligés de reporter certaines activités nouvelles de nos clients par manque de ressources nécessaires», s’inquiète M. Van Leeuwen.

La plupart des candidats ont un niveau de français inférieur au minimum requis

Concrètement, les centres d’appel utilisent le cadre européen commun de référence pour les langues et recrutent des profils disposant d’un niveau dit B2, soit un niveau avancé ou indépendant. «Or, la plupart des candidatures que nous recevons présentent un niveau A2», précise M. Chraïbi. Pour pallier ces carences, la Call Academie, née d’un partenariat entre l’ANAPEC et l’AMRC, accueille les candidats dont les CV ont été communiqués par les professionnels et dont le niveau est presque satisfaisant. Ils bénéficient alors d’une formation de 3 mois, dont 400 heures de français. 350 personnes ont déjà bénéficié de ce cycle de formation. A la sortie, plus de la majorité ont intégré un centre d’appel. Accolade est d’ailleurs l’un des plus grands bénéficiaires de la Call Académie. Difficile toutefois d’imaginer que la seule Call Académie pourra permettre, comme annoncé, la formation de 75 000 profils d’ici 2015. «L’intention est bonne. Nous aimerions pouvoir compter sur elle mais le processus peine à être exécuté et les candidats formés restent insuffisants», s’inquiète M. Van Leeuwen. En attendant, les centres d’appel font appel aux cabinets de recrutement et mettent en place des outils de fidélisation de leurs employés. Car, l’autre facteur qui a commencé à faire son apparition est que les profils, parfois surdiplômés, eu égard aux tâches demandées, utilisent les centres d’appel comme tremplin pour entrer dans  le monde du travail. Le turnover dans le secteur est d’ailleurs relativement élevé (voir encadré).