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Carrière

Comment rester productif durant ramadan : Avis de Jamal Amrani DG du cabinet Jadh

Il faut aménager les horaires de travail et surtout bien exploiter les matinées.

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Ramadan, dans une période de grande chaleur, risque d’être éprouvant , mais pas pour tout le monde. Jamal Amrani, consultant RH et DG du Cabinet Jadh, estime qu’il y aura moins de problèmes pour les services, surtout si les locaux sont équipés de climatiseurs ou de ventilateurs. En revanche, pour  des métiers comme les BTP, les entreprises devraient aménager les horaires pour permettre aux collaborateurs de travailler dans de bonnes conditions. Mais quel que soit le climat, la pression de la concurrence ne laisse aucun choix aux entreprises. Il faudra qu’elles soient aussi performantes que pendant une période normale.

Pensez-vous que travailler pendant le Ramadan sera plus difficile cette année en raison de la chaleur ?
Oui, certainement. S’il continue à faire chaud, il sera plus difficile pour ceux qui seront au travail et plus particulièrement pour ceux qui travaillent à l’extérieur comme les ouvriers en bâtiment, par exemple. C’est d’ailleurs la soif qui est le moins supportable. Il faut donc savoir gérer cette composante le plus intelligemment et efficacement possible. Le corps humain sait s’adapter à ces contraintes, il suffit donc d’adopter certaines habitudes et réflexes : éviter l’exposition pendant les heures de grandes chaleurs et les efforts physiques inutiles, optimiser ses déplacements, etc.
En entreprise, cela dépendra de la nature de l’activité. Je ne pense pas, par exemple, que cette période de grande chaleur influence particulièrement le rendement de ceux qui travaillent dans des bureaux ou des agences comme les banques, les télécoms et les services de manière générale.  Un minimum d’équipement (climatisation, ventilateurs, fontaines d’eau, rideaux…) suffit pour travailler confortablement. En revanche, dans le BTP ou le transport, les entreprises devront essayer d’aménager les horaires de façon à ce que le travail se fasse aux heures les moins chaudes. Ce n’est pas toujours facile, d’autant que la vie nocturne que l’on connaît pendant Ramadan rend le réveil très dur.

Les avis sont partagés sur l’effet réelle du jeûne sur la productivité au travail. Quel est votre avis ?
On constate effectivement que pendant Ramadan la productivité baisse et qu’il est souvent difficile de continuer à assurer le même rythme et le même rendement au-delà de 14 h. Certaines personnes n’hésitent pas à prendre Ramadan comme prétexte pour baisser de régime et lever le pied. En réalité, tout dépend du modèle managérial qui règne au sein de l’entreprise et de l’engagement de son personnel et de ses dirigeants. Quand on est impliqué et qu’on a des convictions, il est plus aisé d’avoir des attitudes et des comportements positifs et d’éviter ainsi de porter préjudice à son entreprise. Ce phénomène peut être constaté au sein de certaines PME où la proximité des dirigeants et des équipes favorise la prise de conscience des enjeux et contribue au maintien de la productivité. Les engagements en termes de délais de livraison ou encore la pression de la concurrence ne laissent souvent pas vraiment le choix. Ils imposent le rythme et ne pas le suivre peut parfois coûter très cher. En ce qui concerne les cadres, Ramadan ne doit pas impacter leur productivité et nuire à leurs engagements, comme ils fonctionnent en mode projet et donc par objectif de résultat et de délai. Ils se montrent donc plus disponibles et savent s’organiser. Ils leur arrive aussi de revenir au bureau le soir après le ftour pour poursuivre leur travail. La difficulté, dans ce cas-là, réside dans leur degré d’autonomie ou de leur dépendance à d’autres services transversaux !

Quels sont vos astuces et conseils pour rester efficace durant cette période ?
Le premier conseil serait bien évidemment d’essayer de mener un train de vie le plus sain possible, c’est-à-dire éviter les excès alimentaires que l’on ne connaît, hélas, que trop (et de plus en plus) et éviter de trop veiller après la rupture du jeûne. Au travail, c’est souvent une question d’organisation et de gestion du temps. Le matin, je me consacre, par exemple, aux traitements des UI, c’est-à-dire les tâches les plus Urgentes et les plus Importantes. On peut aussi réserver ses matinées aux travaux de réflexion et de conception. Les réunions sont plus efficaces le matin, mais elles doivent être de courte durée afin d’aller à l’essentiel. Sinon c’est le piège pour lâcher prise ! Faire travailler les gens en équipe peut également être un mode de fonctionnement assez efficace, mais à la condition que ce soit structuré et organisé : définition des objectifs et des résultats attendus, répartition des tâches, délais, validation des résultats intermédiaires…. Je recommanderais également l’aménagement du temps du travail en favorisant, lorsque cela est possible, l’horaire continu qui permet de concentrer l’effort au travail sur une courte période.

La dernière fois que Ramadan a coïncidé avec le mois d’août remonte à 1979, pensez-vous que l’état d’esprit au travail en entreprise est identique  à cette époque ?
Non, je ne crois pas. Nous avons traversé plusieurs étapes dans nos rapports avec la productivité ou l’efficacité au travail. N’oubliez pas qu’à cette époque, on considérait souvent que le mieux qui pouvait vous arriver était de décrocher un poste de fonctionnaire ! Il signifiait la stabilité et la sécurité de l’emploi. Il était même le symbole de la réussite sociale d’un individu. La notion d’efficacité était assez relative à cette époque et n’était pas une préoccupation majeure aux yeux du personnel. Aujourd’hui, nombre de jeunes optent volontiers (et souvent spontanément) pour des modes de reconnaissance qui prennent en considération leur productivité et leur efficacité, au prix parfois d’une vulnérabilité et d’une instabilité de l’emploi. Ils sont de plus en plus à la recherche d’un environnement qui favorise ce que j’appellerais «la discrimination positive», celle qui gratifie l’effort, et les entreprises se prêtent également de plus en plus à ce jeu. Il n’y a pas que l’entreprise qui a changé, le monde également et il change de plus en plus vite. Cet état de fait génère en chacun de nous de plus en plus d’audace et de prise de risque car pour subsister, il faut avancer et pour avancer il faut être créatif et productif. Ceci dit, il existe bel et bien un décalage entre les coutumes bien ancrées dans la population (invitations, festivités ramadanesques, repas multiples et copieux, jeux…) auxquels ni jeunes ni vieux n’ont envie de renoncer et cette nécessité de performance qu’implique la vie moderne. L’évolution ne se fait pas dans tous les domaines à la même vitesse.