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Affaires

Alerte sur les finances publiques : le déficit budgétaire triple en un mois seulement !

Les impôts directs en forte baisse, tandis que les impôts indirects se sont bien comportés.
Les dépenses de compensation en hausse de 422,4% à  8,7 milliards de DH.
Les dépenses du personnel sont en stagnation.

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Après les années 2007 et 2008 au cours desquelles le Maroc a affiché une relative satisfaction budgétaire et une année 2009 marquée par une maîtrise du déficit, l’exercice 2010 risque bien de connaître une sérieuse dégradation des finances publiques. Les chiffres qui viennent de «tomber» semblent corroborer l’inquiétude, exprimée ici même il y a moins d’un mois, sur la probabilité que le déficit budgétaire pour cet exercice dépassera les 4% prévus. Ainsi, en l’espace d’un mois seulement, le solde déficitaire du budget est passé de 4,545 milliards de DH, à fin mars, à  12,521 milliards de DH, à fin avril 2010, soit une aggravation de 175,5 % ! A la même période de 2009, le budget était au contraire excédentaire de 7,9 milliards de DH, selon les indications de la direction du Trésor et des finances extérieures (DTFE). En tenant compte des arriérés de paiement d’un montant de 775 MDH, le besoin de financement monte à 13,3 milliards.
Cette situation est à la fois la résultante d’une hausse de dépenses, mais également d’une baisse des recettes. Plus particulièrement, il s’agit de la baisse des recettes fiscales, dont les impôts directs, au moment où les engagements de dépenses, eux, sont en augmentation, notamment la facture liée aux charges de compensation. En effet, les recettes fiscales, établies à 52,3 milliards de DH, sont en baisse de 5,6%. Cette baisse recouvre une forte chute des recettes de l’impôt sur les sociétés (IS) qui perdent 4,75 milliards de DH par rapport à fin avril 2009 en s’établissant à 13,37 milliards (- 26,2%). L’impôt sur le revenu (IR), également, a baissé de 13,2% à 8,2 milliards de DH, en liaison bien sûr avec les réaménagements qui ont affecté cet impôt dans la Loi de finances 2010 (baisse des taux d’imposition et révision des tranches).

La TVA en hausse de 18,2 %

Les impôts indirects, en revanche, se sont relativement bien comportés ; ils ont progressé de 13,2 % à 21,94 milliards de DH. Cette progression est le fait de la TVA dont les recettes ont atteint 15,33 milliards de DH (+18,2%) et de la Taxe intérieure de consommation (TIC) avec une recette de 6,61 milliards de DH (+2,9%). Les droits de douane pour leur part ont augmenté de 15% à 4,1 milliards de DH. En revanche, les droits d’enregistrement et de timbre ont baissé de 2% à 4,06 milliards.
Cette évolution des recettes fiscales, et ce sera de plus en plus le cas, reflète assez fidèlement le niveau de l’activité économique. Si l’IS a enregistré une baisse aussi forte, c’est parce que, ne l’oublions pas, la valeur ajoutée hors agriculture, c’est-à-dire la source de cet impôt (l’agriculture étant exonérée) s’est fortement rétractée en 2009 -pas plus de 1%, contre environ 5% en moyenne les années précédentes.
La TVA, par contre, étant assise sur la consommation, sa hausse est presque dans l’ordre des choses, en particulier dans le contexte, comme celui du Maroc, d’une inflation réduite à sa plus simple expression : entre avril et mai 2010, l’inflation a tout simplement stagné ; et entre mars et avril, elle avait même baissé de 0,7%. Pour donner une idée sur le poids de la consommation des ménages, il faut savoir qu’en 2009 cette variable a représenté 57% du PIB, soit 419,4 milliards de DH.
S’agissant des droits de douane, ils ont certes augmenté de 15%, mais cela ne fait, en réalité, que 533 MDH en plus ! Quant aux droits d’enregistrement et de timbre, leur baisse (-2,9%) est, là encore, «conforme» (!) à la situation de morosité du marché de l’immobilier, notamment.
Au vu de ce comportement des recettes fiscales, ce n’est pas la hausse (+20,1% à 3,9 milliards de DH) des recettes non fiscales qui pouvait renverser la situation. D’autant que les dépenses totales (ordinaires et d’investissement), elles, ont augmenté de 13,4% à 76,12 milliards de DH, sous l’effet de l’envolée des dépenses de compensation (+422,4% à 8,71 milliards de DH) et de la hausse de 25,2% à 17,66 milliards de DH des dépenses des autres biens services. Le déficit du budget aurait sans doute été plus important n’eût été la stagnation des dépenses de personnel (+0,9% à 25,37 milliards de DH), la baisse des dépenses des intérêts de la dette (-12,4% à 6,46 milliards de DH) et encore une baisse des dépenses d’investissement (-4,9% à 17,9 milliards de DH). Notons enfin que le besoin de financement (déficit budgétaire + les arriérés de paiement) a été couvert en totalité par des financements locaux.