Affaires
Notaires stagiaires : après le calvaire des examens, celui du nombre limité de passages de test
Le nouveau projet de loi relatif à la profession limite à deux les possibilités de passer l’examen de notariat pour les clercs.
Ces derniers pointent du doigt le très faible taux de réussite qui laisserait beaucoup d’entre eux sans avenir.

Le projet de loi 32-09 relatif à l’organisation des notaires fait couler beaucoup d’encre. Après les notaires qui se sont élevés contre les «superpouvoirs» concédés par le projet aux procureurs généraux du Roi près les cours d’appel du Royaume (cf . www. lavieeco.com), c’est au tour des notaires stagiaires de monter au créneau pour dénoncer le texte. Et c’est précisément à l’article 128 du projet que les 3 000 stagiaires exerçant actuellement dans les quelque 800 études du Royaume opposent une fin de non recevoir. Selon le dernier alinéa de cette disposition, «(…) Les stagiaires ayant qualité de premier ou de deuxième clerc ne peuvent participer à cet examen [de notariat] que deux fois au maximum». Et c’est justement ce dernier alinéa que redoutent les notaires stagiaires (également appelés clercs). «Si ce projet est adopté en l’état, qu’adviendrait-il des clercs qui réussissent à l’écrit et échouent à l’oral et qui en sont à leur 6e ou 7e tentative ?», s’alarme un stagiaire basé à Fès. Selon lui, les examens oraux du notariat sont passés devant le procureur du Roi près la Cour d’appel, assisté par deux notaires de Rabat et de Casablanca. «Les examens écrits sont durs mais pas insurmontables. Les oraux sont, en revanche, très difficiles et obéissent généralement à des critères plutôt subjectifs. Au final, il est presque impossible d’obtenir un bon résultat à l’oral, dès le premier test», ajoute ce stagiaire. Il faut dire que l’accès à la profession est extrêmement sélectif et les accusations de corporatisme ressortent souvent au sein de ce métier. Chaque année, ce sont entre 400 et 600 notaires stagiaires qui passent l’examen pour qu’au final seulement 10% maximum soient retenus. Les autres tentent à nouveau leur chance, et plusieurs ont même laissé tomber après des années d’essais infructueux.
Faute d’une association, ils protestent à travers les forums internet
Me Mohamed Alami, notaire à Casablanca et président délégué du tout nouveau Conseil national des notaires (qui a vu le jour en janvier dernier), est du même avis que les stagiaires. Pour lui, l’article 128, à l’instar de plusieurs autres dispositions de ce projet de loi, a besoin d’être amendé. «Cet article pousse tout simplement les stagiaires qui ne réussissent pas leurs examens à la deuxième tentative à refaire toutes leurs études pour pouvoir se présenter à nouveau. Eu égard à la difficulté liée aux examens oraux, une telle disposition doit être révisée», explique-t-il.
D’ailleurs, le Conseil national des notaires a proposé un amendement relatif aux examens écrits afin de permettre aux clercs qui ne réussissent pas à l’oral de conserver leurs résultats d’écrits pour le deuxième passage. Mais est-ce suffisant ? Non, répondent les clercs qui multiplient les forums et les groupes de protestation notamment sur internet.
«Nous avons entamé la procédure de création d’une association des clercs pour défendre notre position, mais la démarche n’a pas abouti puisque plusieurs de nos confrères craignent une mauvaise réaction des notaires qui les acceptent dans leurs études», confie un clerc qui en est à sa 4e année de stage chez un notaire de Casablanca.
Au-delà de l’article 128, les clercs dénoncent une situation financière précaire puisque les notaires n’ont aucune obligation légale de les rémunérer pendant leurs années de stage. «Il y a bien évidemment quelques notaires qui le font, mais rares sont ceux qui accordent plus de 3 000 DH par mois», ajoute le clerc de Casablanca. Dans un dossier consacré aux conditions de vie de ces notaires stagiaires, en 2007, La Vie éco avait recueilli les témoignages de plusieurs d’entre eux, qui, lassés de percevoir 1 000 DH par mois, dans l’attente d’une réussite aux tests qui tardaient à venir, s’étaient reconvertis dans un autre métier pour pouvoir enfin commencer une vie de famille. «Aujourd’hui, pour pouvoir espérer gagner un peu plus, les clercs doivent jouer aux commerciaux pour pouvoir prétendre à une commission sur les contrats apportés à l’étude, alors que ce sont eux qui font tout le travail administratif et juridique», conclut, désabusé, le notaire stagiaire de la métropole.
