Affaires
MEDLOG : Une offre et une demande logistique à deux vitesses
L’offre logistique est dominée par des prestataires internationaux.
Peu d’entreprises opèrent dans le segment des produits à température dirigée.
Les prestations logistiques sont demandées par les multinationales tandis que les entreprises marocaines n’ont recours qu’au transport ou au stockage.

«Quand vous vous retrouvez avec un coût direct de 10 et que l’on vous propose une prestation à 12, vous ne voyez pas vraiment l’intérêt d’externaliser votre logistique». Ce constat de Ali Lahlou, directeur général de l’entreprise de produits surgelés King Generation, explique en grande partie les réticences des entreprises marocaines à confier leurs coûts de logistique à des prestataires externes. L’opérateur sait de quoi il parle puisqu’il s’est lancé dans la logistique plus par nécessité que par vocation initiale «Nous avions pris conscience que la potentiel du marché des surgelés était prometteur et qu’il est nécessaire de s’adosser à une bonne prestation logistique pour accompagner notre activité. Le problème est que nous n’avons pas trouvé de prestataires pour externaliser notre logistique. Nous avons donc pensé que c’était l’occasion de développer un nouveau métier». Créée à la fin de l’année 1994, l’entreprise Fisher King, rebaptisée King Generation en 2004, a donc donné naissance en 2009 à Logicold, une filiale spécialisée à l’origine dans la logistique du producteur et distributeur de produits surgelés King génération, mais qui a rapidement trouvé d’autres marchés. Logicold compte aujourd’hui une quinzaine de producteurs et d’importateurs de produits alimentaires. «Dans une approche d’externalisation, quand vous faites une offre de prestation logistique à un grand groupe, il s’agit d’un coût global. Les entreprises oublient souvent que, dans un processus intégré, il y a des coûts cachés qu’un prestataire logistique peut faire économiser. Autant une multinationale parvient à bien maîtriser l’ensemble de ses coûts, autant une PME a plus de mal à faire ressortir l’ensemble de ses coûts cachés. Il est nécessaire que l’entreprise ait déjà une certaine maîtrise de ses coûts pour pouvoir évaluer et juger de l’intérêt d’une externalisation», indique M. Lahlou.
La logistique compatible avec le métier de commercial ?
Les entreprises offrant une large palette de services logistiques sont peu nombreuses: on en compte moins d’une dizaine sur tout le territoire marocain. En outre, ces mêmes sociétés sont pour la plupart affiliées à de grands groupes européens. «Les premières entreprises qui ont commencé à entreprendre l’externalisation de leur logistique ont été, sans conteste, les multinationales. Tout un métier s’est ensuite créé autour de cette activité. Généralement, ces sociétés internationales font appel à des prestataires internationaux afin d’externaliser leur logistique», explique M. Lahlou. Le marché de l’offre est encore plus restreint quand on en vient à la logistique externalisée des produits à température dirigée. «Il existe très peu d’opérateurs actifs, deux ou trois: Logismar, Logicold et une autre entreprise marocaine se situant à mi-chemin entre les deux», selon Ali Lahlou. Effectivement, Logismar est le premier opérateur historique de logistique au Maroc. Le groupe qui compte plusieurs filiales dans la distribution, le transport et le stockage, est l’un des acteurs de cette activité qui se développe à la faveur de l’expansion de la distribution moderne. Cet opérateur a eu l’opportunité de nouer un partenariat solide avec la chaîne de restauration Mac Donald’s lors de l’implantation de son premier restaurant au Maroc en 1992.
Exel, Geodis, Maersk Logistics, Graveleau, ID-Logistics… De grands prestataires logistiques européens sont présents sur le marché marocain de la logistique au travers de leurs filiales locales. Leurs principaux clients sont des entreprises industrielles. Le marché marocain de la logistique est double : les prestations logistiques sont exclusivement demandées par des entreprises étrangères tandis que les entreprises marocaines n’ont recours qu’au transport ou bien au stockage. D’un point de vue économique toujours, le second frein à la sous-traitance logistique au Maroc réside dans la nature même du métier de logisticien. «Au Maroc, le chauffeur livreur ne se contente pas seulement de livrer la marchandise d’un point à un autre, c’est également lui qui assume la tâche de vendeur, il encaisse les commandes auprès des clients», explique Michel Fender, spécialiste en logistique et auteur de nombreuses plublications en la matière. «Prenons l’exemple de Centrale Laitière, poursuit M. Fender. Les petits épiciers sont visités chaque jour par des chauffeurs-livreurs en camions. Le commerçant indique ses besoins quotidiennement au livreur qui le sert et encaisse directement le montant des marchandises». Ainsi donc, l’opération de distribution est intimement associée à l’opération de vente au Maroc. Un mode de fonctionnement qui semble encore promis à un bel avenir, à en voir la répartition des parts de marché de la distribution. Ce dernier reste largement détenu par le réseau du commerce traditionnel qui totalise 92% des parts de marché, contre 8% seulement qui reviennent à la grande distribution avec ses grandes et moyennes. Il faut dire que la distribution est complexe dans notre pays : entre le souk, les marchés ambulants, les épiceries, le réseau du commerce traditionnel affiche une grande diversité.
Les entreprises veulent de plus en plus se recentrer sur leur métier de base
«Aujourd’hui, des enseignes marocaines comme Marjane, Acima, Aswak Assalam, Label Vie ouvrent les unes après les autres, même dans des zones très populaires. Ces grandes et moyennes surfaces ont profité d’une réglementation favorisant leur développement. Ce nouveau mode de distribution et de consommation est porteur de toute une évolution, entamée depuis presque une décennie. Ces ouvertures se présentent comme les signes les plus visibles d’une évolution de fond de la société marocaine», note Mustapha El Khayat, président de l’Association marocaine pour la logistique. Ali Lahlou confirme la tendance. «Après un an d’activité, dit-il, nous constatons que les entreprises veulent évoluer vers des normes qualité et une amélioration de leurs prestations. Avec la présence des centrales d’achat, la distribution moderne va fortement contribuer à l’amélioration de la qualité de ces prestations. Ces dernières ont tendance à se recentrer sur leur corps business. Les grandes et moyennes surfaces (GMS) ont des besoins qui évoluent de manière rapide, et qui vont de pair avec les exigences du consommateur. On le voit très nettement par exemple au niveau du rayon frais. L’offre a considérablement évolué ces dix dernières années en terme d’assortiment et de qualité de produits, de normes aussi».
