Carrière
La formation dans l’hôtellerie-restauration : Entretien avec Abdelhak MOUHTAJ, Directeur de l’ISIT
La qualité des formations doit devenir une culture.

Elaboration et mise en œuvre d’outils de management opérationnel de l’offre de formation dans le secteur, extension du dispositif et création de nouveaux établissements, réingénierie de la formation selon l’approche par compétence, renforcement des compétences des formateurs…, le chantier de la formation dans le domaine hôtelier est immense. Pour Abdelhak Mouhtaj, directeur de l’Institut supérieur international de Tanger (ISIT), la question de la qualité des prestations de services, qu’elle soit dans le domaine de l’enseignement (pédagogie) ou dans le domaine professionnel, est d’abord un état d’esprit, une démarche, une culture.
Comment se porte la formation hôtelière au Maroc actuellement ? Les établissements existants arrivent-ils à répondre aux attentes ?
Aujourd’hui, la problématique de la formation hôtelière et touristique au Maroc se trouve dans une phase historique.
Pour ce secteur qui est une locomotive de développement économique et social, le facteur humain est capital. Et la Vision 2010 l’a d’ailleurs révélé. Autrement dit, pour satisfaire l’ensemble des besoins de cette nouvelle stratégie, le dispositif de formation devait multiplier par quatre son rendement. Les différents opérateurs, publics et privés, ont été amenés à revoir leurs propres stratégies afin de positionner leurs offres en fonction de ces besoins.
S’il y a lieu de faire une première lecture aujourd’hui, on peut observer que le dispositif actuel de formation est passé d’une offre de 2 000 lauréats par an en 2001 à plus de 8 000 en 2009. Pour atteindre un tel objectif, plusieurs leviers ont été actionnés.
Lesquels ?
Nous pouvons en citer six :
– l’élaboration et la mise en œuvre d’outils de management opérationnel de l’offre de formation dans le secteur (Plan de développement intégré-PDI/ Contrat Ressources humaines en hôtellerie 2008-2012) ;
– l’extension du dispositif et la création de nouveaux établissements de formation ;
– la réingénierie de la formation selon l’approche par compétence. Aujourd’hui, le Maroc est un des rares pays à disposer de plus de 18 référentiels de formation ;
– la mise en œuvre d’outils de management des ressources humaines et de développement de compétences (référentiels des emplois et des compétences/supports techniques pour la gestion des ressources humaines …) ;
– le développement et la diversification des modes formation (formation par apprentissage/par alternance/formation qualifiante…) ;
– le renforcement des compétences des formateurs (formation continue/perfectionnement/ …).
Il est clairement admis aujourd’hui que notre pays a un potentiel en ressources et de moyens qui devraient permettre au secteur d’améliorer significativement les conditions matérielles de son offre de prestations.
Par ailleurs, nous sommes conscients que de tous les investissements qu’on peut faire, celui qui concerne le capital humain reste la plaque tournante. C’est le chantier par excellence pour lequel l’ensemble des acteurs est mobilisé. Les professionnels ont un rôle fondamental à jouer auprès des jeunes, des stagiaires et des lauréats pour l’attractivité du secteur. La professionnalisation des métiers de ce secteur ne saurait avoir de sens, encore moins d’écho, si les perspectives en termes de gestion de carrière, de visibilité, de lisibilité et de sécurisation des parcours professionnels ne sont pas clairement valorisées.
On parle également d’un déficit de qualité des enseignements, comment y remédier ?
La question de la qualité des prestations de services, qu’elle soit dans le domaine de l’enseignement (pédagogie) ou dans le domaine professionnel, est d’abord un état d’esprit, une démarche et une culture… C’est aussi et surtout une volonté politico-stratégique pour le développement et le retour sur investissement.
Les acteurs du système de formation hôtelière et touristique ont toujours été préoccupés par la question de la qualité de la formation dispensée. Plusieurs expériences pilotes ont été conduites pour l’introduction de la démarche qualité dans des établissements relevant des différents opérateurs de formation. Ce qui est certain, c’est qu’une telle démarche nécessite la mobilisation de l’ensemble des ressources humaines impliquées dans l’acte de former, tant au niveau stratégique (instances de décision) qu’au niveau opérationnel (établissements de formation). L’important étant d’avoir un système de pilotage et de tableaux de bord qui puissent renseigner sur le degré d’adéquation entre les stratégies initiées et les actions opérationnelles mises en œuvre. La nécessité, à ce stade, d’un «système d’alerte» s’avère primordiale pour toute action d’ajustement-réajustement.
Votre établissement connaît une refonte de son système d’enseignement. Quelles sont les principales nouveautés ?
Inscrit dans une dynamique de repositionnement de son offre de formation, l’ISIT est, en effet, engagé dans un processus de professionnalisation managériale. Cette nouvelle dynamique a été dictée par deux impératifs. Le premier est lié aux besoins du secteur en ressources humaines hautement qualifiées (cadres moyens et supérieurs) et avec une forte valeur ajoutée sur le plan «opérationnalité». Le second est en relation avec la réforme de l’enseignement supérieur et la nouvelle architecture pédagogique.
C’est ainsi que l’ISIT a développé une première offre de formation pour le cycle normal (bac+3) dans deux nouvelles filières : «Management opérationnel de l’hôtellerie et de la restauration» et «Management touristique». L’approche qui a été préconisée est celle qui fait valoir les compétences opérationnelles liées au métier. L’objectif étant que le lauréat de l’ISIT sera un futur manager dont les bases techniques du métier, les pratiques et les outils managériaux pour conduire une équipe lui sont familiers. Durant sa formation à l’ISIT, l’étudiant est constamment mis devant des situations professionnelles tant au niveau de l’enseignement qui lui est dispensé qu’au niveau des formations en milieu professionnel (stages en entreprise..).
Les choix stratégiques que nous avons opérés ont été dictés, aussi, par les écarts observés par les anciens lauréats, devenus de grands professionnels, réduisant ainsi leur degré d’intégration et limitant le rythme de l’évolution de leur carrière.
Pour relever un tel défi, le département du tourisme a mobilisé des moyens à la hauteur des enjeux. Plusieurs expertises ont été mobilisées pour accompagner l’ISIT dans ses différents chantiers. En particulier celle qui concerne la filière «Management opérationnel de l’hôtellerie et de la restauration» pour laquelle l’Institut Paul Bocuse en France) a été sélectionnée.
D’autres composantes principales font partie du projet intégré de repositionnement de l’ISIT :
– la formation initiale des formateurs en hôtellerie restauration ;
– la formation continue et initiale des guides ;
– le partenariat entre l’ISIT et certaines universités qui ont développé, ou envisagé de développer, une offre de formation en tourisme (Université Mohammed V/ Université Abdelmalek Essaadi/Université Cadi Ayyad/Université Ibn Zohr…).
– le développement d’une offre de formation continue au profit de la profession.
