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Affaires

Textile : les industriels doutent de la reprise des exportations

Ils doutent de la baisse de 2% comptabilisée par l’Office des changes et mettent en avant la baisse des importations d’intrants, le recul des emplois et celui des heures travaillées
La reprise en Europe n’est pas encore confirmée et la déprime profite aux marchés asiatiques, plus compétitifs en termes de coût.

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Alors qu’elle était de l’ordre de 18% à fin janvier 2009, la baisse des exportations textiles a finalement été ramenée à 2% à fin octobre dernier par rapport  aux performances enregistrées au cours des 10 derniers mois de l’année précédente. Les chiffres les plus récents de l’Office des changes laissent, en effet, apparaître que les exportations de vêtements confectionnés ont enregistré une baisse de 1,9%, à 15,6 milliards de DH. Pour la même période, les ventes à l’étranger d’articles de bonneterie ont, elles, reculé seulement de 0,7%, à 5,5 milliards de DH.

Aucune visibilité au-delà de janvier
Une bonne nouvelle ? Pas pour tout le monde, semble-t-il. Si certains industriels se disent satisfaits de la remontée, plusieurs, par contre, contestent la fiabilité des chiffres. «Il y a un problème au niveau des données publiées par l’administration et nous l’avons fait savoir. Nous estimons que la baisse des exportations est beaucoup plus importante. A preuve, les importations d’intrants enregistrent un important recul qui se situe entre 15 et 16%. On peut également retenir la baisse de 5 à 6% des emplois et de la réduction du nombre d’heures travaillées. Comment alors, avec quelle matière, quel temps et quelles ressources humaines avoir réussi à baisser de 2% seulement ?», s’étonne l’un d’entre eux. Des confrères sont aussi catégoriques : «L’année 2009 a été difficile et continue à l’être car nous avons une visibilité trop courte. Aujourd’hui, la préférence pour les pays compétitifs en termes de coût est évidente et tous les pays du bassin méditerranéen en pâtissent. Même l’Egypte dont les exportations avaient connu un boom au début de l’année enregistre maintenant un recul de 10%».
Dans le secteur, la tendance générale est donc au pessimisme. «Sur les marchés traditionnels comme la France ou l’Espagne, la reprise de la consommation attendue n’a pas encore eu lieu. Cela compromet nos exportations sur ces marchés. Il reste l’alternative de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne», nuance Karim Tazi, patron de Marwa, qui précise que les filières ont été inégalement touchées. Ainsi, selon lui, ce sont les exportations de pull-overs et de manteaux qui ont enregistré un taux d’écoulement beaucoup moins important dans la mesure où en Europe il a fait chaud jusqu’à la mi-novembre. Ce qui explique «l’importance des stockes chez les distributeurs dont la plupart n’avaient même pas, début décembre, mis en boutique les nouvelles collections d’hiver», ajoute-t-il
Cette situation explique, d’après le patron de Marwa, le manque de visibilité des industriels. Un point de vue que partage Hammami Amahzoune, patron de Cristal Martin, fabricant et exportateur de lingerie et de maille fine. «Aujourd’hui, il y a une visibilité courte qui ne dépasse guère fin janvier. Et contrairement à ce qu’avance l’administration, la baisse de nos exportations est plus importante que ce que révèlent les chiffres. Je pense que la crise n’est pas dépassée, nous sommes encore en plein dedans. Pour mon entreprise, le chiffre d’affaires des 10 premiers mois est passé de 112 MDH en 2008 à 50 millions en 2009 !», se plaint M. Amahzoune dont l’entreprise a fait l’objet d’une restructuration pour faire face à la crise. «Nous avons dû réduire notre effectif de 1 400 à 400 personnes ce qui nous a coûté 11 MDH au titre de l’indemnisation et nous avons aussi été dans l’obligation d’arrêter la production de lingerie, notre métier de base, pour faire de la maille pour femmes et du sportswear», poursuit M. Amahzoune. Il tient à préciser que son cas n’est pas isolé puisque dans la zone Rabat-Salé, assure-t-il, au moins une trentaine d’entreprises ont mis la clé sous le paillasson en 2009. Toujours est-il que les difficultés des industriels de cette région n’ont pas commencé avec la crise mais bien avant en raison de la chute de la livre sterling dont la contrevaleur est tombée de 16,50 à 12,50 DH. Mais le tableau n’est pas totalement noir, selon des exportateurs, certaines entreprises ont pu sortir la tête de l’eau grâce aux mesures de soutien. Toutefois, les industriels sont nombreux à souhaiter que les remboursements de certaines dépenses comme les charges sociales ne se fassent plus par tranches afin de permettre aux opérateurs de prendre les décisions stratégiques pour leurs activités.  
La crise est donc, à en croire les industriels, toujours là et les entreprises demeurent attentives au comportement des marchés étrangers. C’est dans cet objectif que l’Amith, l’Association des textiliens, a récemment commandé à l’Institut français de mode une étude pour évaluer la perception du Maroc par les donneurs d’ordre. Les résultats qui ont été présentés, il y a quelques jours, sont mi-figue, mi-raisin : les donneurs d’ordre préfèrent aujourd’hui, pour des raisons évidentes de prix, les pays asiatiques. Toutefois, le Maroc reste toujours une zone de sourcing intéressante en raison de sa proximité de l’Europe.