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Médicaments : Générique local pour immuniser une filière prometteuse

La refonte du système de santé dopera les besoins en soins et le marché pharmaceutique. Un accompagnement étatique est alors nécessaire pour les laboratoires locaux.

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Plus de 60 années de savoir-faire, une cinquantaine d’usines opérationnelles, 1,25 million de boîtes de médicaments produites chaque jour en moyenne… Le Maroc dispose d’une industrie pharmaceutique qui lui permet de couvrir 78% de ses besoins en médicaments. Et au Royaume, on sait fabriquer de tout. Au-delà des formes galéniques standards (liquides, pâteux, formes sèches et injectables), de nouvelles formes sont actuellement produites localement : médicaments de chimiothérapie, produits hormonaux, insuline, seringues pré-remplies, aérosols…
Cette diversification de la production a été rendue possible grâce à un effort d’investissement, régulier et soutenu, mené par les laboratoires nationaux. «Depuis 2013, nous investissons chaque année en moyenne quelque 800 millions de dirhams, aussi bien dans l’équipement industriel que dans l’innovation, la recherche et le contrôle qualité», affirme Mohamed El Bouhmadi, président de la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIP).

Consolider la souveraineté sanitaire et l’accès aux soins
Ce regroupement de 33 laboratoires fabrique 90% des génériques commercialisés sur le marché, concentre 80% de la valeur ajoutée du secteur et détient 75% de parts de marché. Le tout dans un secteur qui affiche bonne mine, avec 6,6% de croissance en 2021. Et les ambitions sont encore plus grandes : la vision stratégique de la FMIP est de doubler le nombre d’établissements pharmaceutiques industriels (EPI) pour atteindre les 110 unités. La fédération table également sur un triplement des effectifs pour arriver à 150.000 emplois, suite à des investissements de 8 milliards de dirhams dans l’innovation et la R&D. Autre objectif affiché : exporter 45% de la production nationale. «Il y a une mobilisation de tout notre secteur pour contribuer à cette réforme globale du système de santé de manière à consolider la souveraineté sanitaire du pays et surtout garantir l’accès du citoyen aux médicaments à des prix étudiés et appropriés», explique El Bouhmadi.

Favoriser le «Made In Morocco» et la préférence nationale
Cette vision stratégique s’articule néanmoins autour d’un point vital : favoriser le «Made In Morocco» et la préférence nationale. La production locale peut et doit même, estiment les industriels, devenir un véritable catalyseur du développement du secteur. Cela passe par la promotion du générique et le développement d’un écosystème de formation. La FMIP envisage dans ce sens la création d’un institut dédié aux nouveaux métiers de la pharmacie industrielle, ainsi que le financement de projets pharmaceutiques. Quant à la promotion du générique, chantier stratégique pour un accès généralisé aux médicaments, les industriels estiment qu’elle doit être favorisée par certaines mesures, notamment la révision des prix publics de vente et des incitations fiscales. Les membres de la FMIP considèrent que la baisse des prix (enclenchée en 2011) a conduit à la disparition de plusieurs médicaments à petits prix souvent inférieurs à 30 dirhams. «L’abandon de la fabrication et la distribution de ces produits abordables ont fait inévitablement basculer les prescriptions vers des produits plus chers. Ce qui ne répond pas du tout aux impératifs du moment, à savoir la généralisation de la couverture médicale et donc de l’élargissement de l’accès aux soins !», avance un industriel de la place. Aujourd’hui, la FMIP recommande une «discrimination positive. «Il faut faire la dichotomie entre le médicament fabriqué localement et celui importé», avance notre source. Et d’ajouter : «L’instauration d’une préférence nationale en faveur des produits fabriqués localement est également nécessaire».
D’ailleurs, le décret, très attendu pour la révision des prix, préoccupe sérieusement les professionnels. Les industriels craignent en effet que celui-ci ne tienne pas compte de leurs impératifs d’équilibre financier. La corporation professionnelle qui se positionne comme force de proposition recommande la correction des effets négatifs de ce décret non encore adopté. «Dans la fixation des prix, il faut annuler la marge de 10% accordée aux médicaments importés, afin de limiter les importations», souligne le président de la FMIP.
La Fédération appelle aussi à la mise en place d’un dispositif contre les pratiques anticoncurrentielles des princeps par la baisse intempestive des prix dès la sortie du générique et du biosimilaire fabriqués localement. «Ces recommandations de la Fédération restent conformes aux objectifs du contrat-programme 2022-2027, signé en septembre dernier, qui vise le renforcement de la substitution des importations par la fabrication locale», tient à rappeler la FMIP.

 

De grandes opportunités à l’export

Réalisant un chiffre d’affaires global de 15 milliards de dirhams, le secteur pharmaceutique a encore de beaux jours devant lui. Outre le développement assuré par une plus grande accessibilité aux soins, les performances de la filière doivent dépasser les frontières du Royaume. Le déploiement du médicament «Made In Morocco» vise à permettre d’exporter jusqu’à 45% de la fabrication locale. Les expéditions marocaines de médicaments enregistrent déjà une croissance de 18,6% en 2021. Et les partenariats de co-développement avec les pays de l’Afrique subsaharienne faciliteront encore plus l’installation des laboratoires marocains dans les pays du continent.