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Yasmina Baddou : La vaccination contre le virus A/H1N1 commencera à la mi-octobre
Le Maroc ne connaît pas encore de transmission intercommunautaire active et la forme de la grippe porcine observée jusque-là est assez bénigne.
Le stock de traitement disponible est suffisant et d’autres quantités sont commandées, sans compter la possibilité de faire fabriquer rapidement des génériques au niveau local, en cas de besoin.
Médecins, pharmaciens, enseignants, corps de sécurité : tout le monde a été sensibilisé.

Dans une de vos récentes déclarations à la presse vous affirmiez que la situation au Maroc n’est pas inquiétante, à l’heure où nos voisins européens semblent être fébriles quant à la propagation du virus A/H1N1 !
La situation épidémiologique de la grippe A/H1N1 au Maroc se caractérise par la notification de cas importés de l’étranger sans transmission communautaire active. Le virus n’étant pas encore adapté à l’environnement marocain, l’intervention est axée essentiellement sur la surveillance et la détection des cas possibles en provenance de pays infectés et la préparation à une recrudescence automnale avec transmission communautaire avérée. Nous avons adapté notre stratégie à l’évolution de la situation épidémiologique, et, par conséquent, à l’augmentation du nombre de cas, d’autant plus que dans notre pays les formes de la grippe A/H1N1 observées jusqu’ici sont essentiellement bénignes. Au Maroc, nous n’avons pas eu de décès. Toutes les personnes qui ont contracté le virus ont été prises en charge, ainsi que leur entourage. Nous n’avons eu que peu de cas et pas de transmission intercommunautaire active.
Dès l’apparition du virus dans notre pays et jusqu’au jour d’aujourd’hui, la logique que nous avons adoptée se caractérise par l’hospitalisation systématique des personnes concernées. Deux exigences ont guidé ce choix : ralentir au maximum la pénétration du virus sur le territoire et acquérir une meilleure connaissance du virus et de son impact sur la santé.
On ne peut pas nier le fait que nous sommes aussi fébriles que les Européens quant à la propagation du virus A/H1N1, mais, actuellement, nous nous préparons à toutes les éventualités, autant que ces derniers.
En Afrique, de tous les pays concernés, aucun n’a encore atteint son pic de diffusion de la maladie, le pire n’est-il pas devant nous ?
Personne ne peut répondre à une telle question. Mais pour une action efficace, il faut se préparer à toutes les éventualités et c’est ce que le Maroc fait à l’heure actuelle.
La situation épidémiologique va certainement vers une transmission communautaire active dans les pays ayant enregistré des cas confirmés. La dynamique de la maladie est évolutive : plus il y a des cas, plus le virus acquiert la capacité de se transmettre d’homme à homme. Les experts mondiaux avancent que la virulence de la grippe A/H1N1 va augmenter à l’automne. En ce qui concerne notre pays, le ministère de la santé s’est entouré des meilleurs experts. Nous nous réunissons quotidiennement pour faire le point sur leur expertise de la situation actuelle et sur l’évolution à laquelle il faut s’attendre.
Le Maroc annonce officiellement 124 cas détectés dont 114 ont pu être traités avec succès. Quel est selon la norme mondiale et les estimations de la Santé, le nombre de cas non détectés par rapport aux 124 ?
Le système de surveillance mis en place par notre pays permet une couverture large et exhaustive du territoire. Notre système sanitaire qui a été mis à l’épreuve tout au long de ces derniers mois a démontré et a prouvé sa capacité de réactivité et d’efficacité face à cette maladie.
Toutefois, même si la maladie peut se présenter sous une forme asymptomatique, aucun cas n’a été négligé ou ignoré par nos services.
Vous avez récemment annoncé la mise en place d’une stratégie régionale…
La stratégie régionale est une déclinaison du plan sectoriel national de riposte au niveau des régions, provinces et préfectures. Celle-ci s’articule autour des axes principaux suivants : la surveillance épidémiologique, la prise en charge rapide des cas, la prévention et la communication. Elle sera appliquée avec rigueur et réactivité.
Le Maroc dispose actuellement de 2 millions de traitements. Est-ce suffisant au regard de la propagation actuelle du fléau dans notre pays et quelle proportion de la population ce stock permet-il de traiter ?
Les mesures de prévention et de prise en charge des malades ne se limitent pas seulement aux traitements par les antiviraux. Outre les médicaments, les mesures non pharmaceutiques (mesures de protection individuelle et collective) peuvent contribuer à réduire le nombre d’infections et par conséquent le recours aux médicaments.
Il faut préciser que ce stock n’est pas définitif et que des dispositions et actions sont prévues pour élargir l’accès au traitement à une large frange de la population.
Le Maroc dispose aujourd’hui de la possibilité de fabriquer les quantités nécessaires et suffisantes du générique du traitement antiviral actuellement disponible et en stock. Ce dernier a subi tous les contrôles de qualité, efficacité et sécurité effectués par le Laboratoire national de contrôle du médicament, relevant de la direction du médicament et de la pharmacie.
Et si la pandémie s’emballait, avons-nous la garantie de trouver suffisamment de vaccins ?
Le Maroc s’est engagé dans un processus d’acquisition de vaccins dans les meilleurs délais. La capacité de production mondiale de vaccin étant limitée, il est évident que les Etats dans l’élaboration de leurs stratégies de vaccination vont recourir à une hiérarchisation des populations cibles. Dans notre pays, un groupe d’experts s’est penché sur la hiérarchisation de la vaccination et a préparé un plan d’action qui est aujourd’hui validé.
Peut-on compter sur des laboratoires locaux pour la production de doses en cas de besoin ?
Des experts de l’OMS sont venus au début du mois dernier au Maroc pour examiner cette question. Le potentiel existe, les compétences et les technologies ne manquent pas pour un pareil projet. Même si aucun vaccin n’est fabriqué actuellement au Maroc, l’idée est réalisable et l’avis des experts est positif. Nous pouvons dire que nous avons les moyens pour y arriver.
Concrètement, prévoit-on, de manière préventive, une vaccination à grande échelle au cours des jours à venir ? Quelles seraient les catégories de population concernées, en premier lieu ?
Le vaccin sera disponible à partir du mois d’octobre et la vaccination commencera à compter de la mi-octobre. Un comité d’experts a été désigné pour définir les populations à vacciner ainsi que leur hiérarchisation en tenant compte des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et des données épidémiologiques. Grosso modo, le personnel stratégique, notamment celui de la santé, les femmes enceintes, les personnes âgées et les personnes souffrant d’autres maladies sont prioritaires.
Prévenir c’est également former, sensibiliser et mettre en place des procédures. Qu’est-ce qui a été fait jusqu’à présent aussi bien avec le corps médical que les autres acteurs ?
Pour guider l’intervention des professionnels de santé aussi bien publics que privés, le ministère de la santé a élaboré et diffusé un manuel qui définit les procédures et les protocoles à suivre en matière de surveillance et de prise en charge des malades pendant la phase actuelle. Pour adapter ces procédures aux besoins de la pandémie, un plan de riposte a été préparé et validé, et des recommandations de bonnes pratiques ont été élaborées par les sociétés savantes.
Quant à la qualification des différents acteurs, un plan de formation a été établi et des sessions de formation sont en cours et concernent toutes les régions du Royaume…
Au-delà des mesures de protection, nous avons également conçu et mis en œuvre des programmes de prévention et de communication auprès du grand public ainsi que des actions de formation et d’information des professionnels de santé. Ces programmes sont indispensables pour renforcer l’efficacité de l’action des pouvoirs publics. La lutte contre la pandémie passera par la mobilisation de l’ensemble des professionnels de santé et l’adoption par l’ensemble de la population des gestes nécessaires, dans le but de limiter la propagation du virus.
Quel est le processus d’urgence en cas de propagation rapide de la maladie : Quelles structures formées, quels acteurs mobilisés, quel mode opératoire choisi ? Peut-on avoir des chiffres, un schéma d’action ?
Le plan de riposte mis en place par le ministère de la santé pour la phase pandémique définit l’organisation et les modalités de la prise en charge impliquant les deux réseaux de soins ambulatoires et hospitaliers, ainsi que les deux secteurs public et privé. Sa mise en œuvre est déjà déployée.
En situation de pandémie, l’hospitalisation des malades sera réservée aux cas présentant des signes de gravité. Ce qui est certain, c’est que nous devons profiter des semaines à venir pour continuer de toujours mieux adapter notre dispositif.
L’un des facteurs de propagation les plus dangereux est l’école. Or il semble que l’Education nationale n’ait pas encore prévu de plan de riposte…
Le plan du ministère de l’éducation nationale a été préparé. Le ministère de la santé a mis en place un programme d’accompagnement des autres départements ministériels pour l’élaboration de leur plan de continuité. C’est le cas pour le ministère de l’éducation nationale qui a élaboré son plan articulé sur des axes pédagogiques et sanitaires. Il ne faut pas oublier que l’ensemble des actions entreprises pour se préparer à lutter contre cette pandémie sont discutées, orientées et décidées en concertation au niveau du poste de coordination central dans lequel sont présents l’ensemble des départements ministériels, notamment l’Education nationale, ce qui confère une certaine complémentarité aux différents plans de riposte de l’ensemble des départements. L’implication de tous est totale et primordiale depuis l’apparition de ce virus.
Des réunions quotidiennes se tiennent au ministère de la santé et au poste de coordination central, en plus de toutes les autres réunions auxquelles participent des experts et des sociétés savantes pour donner leur avis.
Un autre problème a trait à la propension des Marocains à l’automédication et le recours direct aux conseils de pharmaciens d’officine, ou même des techniciens y travaillant. Comment le ministère de la santé compte t-il agir dans ce cas ?
Les actions d’information et de sensibilisation prévues dans le plan de riposte concernent aussi les pharmaciens et le personnel des pharmacies. Le rôle de ces derniers se limite uniquement au conseil et à l’orientation des patients vers les structures de soins de proximité dédiées à la prise en charge et à la dispensation des traitements sur prescription médicale obligatoire.
Dans son appel à l’action du 17 août, l’Organisation mondiale de la santé recommande de maintenir les services essentiels et se préparer au pire en stockant notamment 8 à 12 semaines de médicaments de base pour assurer la continuité du traitement des problèmes de santé préexistants. Sommes-nous préparés au pire ?
Pour ce qui est des médicaments de base et autres, le ministère de la santé dispose d’un stock suffisant, déjà disponible au niveau des hôpitaux, et qui pourra l’être à la demande, en fonction des besoins.
Toutes les mesures ont été prises pour assurer la continuité des services de santé et de l’approvisionnement en médicaments nécessaires pour répondre aux besoins des programmes de santé prioritaires.
Notre veille est constante et nous nous donnons, et donnerons, au maximum les moyens d’être prêts à faire face à différents cas de figure.
