Carrière
Conflits entre collaborateurs : comment désamorcer les crises
Incompatibilité d’humeur et défense des intérêts personnels sont souvent à l’origine des conflits interpersonnels.
Le rappel des principes qui régissent la vie de l’entreprise doit permettre à chacun de revenir à de meilleurs sentiments.
Un médiateur extérieur est parfois nécessaire pour rapprocher les positions.

«Un manager passe généralement 30% de son temps à régler des problèmes interpersonnels ». Ce constat fait par Jamal Amrani, psychologue du travail et DG du cabinet Jadh, qui a eu à gérer les ressources humaines dans de grandes entreprises de la place, montre l’immensité des problèmes que peuvent poser les rapports individuels en milieu professionnel. L’entreprise étant un corps social, il est difficile d’éviter les affrontements plus ou moins violents des membres qui le constituent. D’ailleurs, nombreux sont les spécialistes en relations sociales qui défendent l’idée que, dans un groupe, le conflit est un signe de dynamique. Il stimule le progrès parce qu’il engendre l’autocritique ou la remise en question de situations et de méthodes jugées dépassées et pourtant défendues par une partie du groupe. On se bat pour des idées dont on croit que la mise en œuvre sera bénéfique pour tous. Dans ce cas, il s’agit plutôt de mésentente, d’autant que les relations redeviennent normales une fois qu’une démarche partagée est trouvée.
Le plus grave pour une entreprise réside dans les conflits d’ordre subjectif qui se manifestent par la jalousie, la rivalité, l’évitement que l’on peut aussi traduire par le refus de communiquer. D’après les spécialistes du travail, l’essentiel des problèmes de ce type découlent souvent d’une incompatibilité d’humeur. Dans ce cas, la tension est souvent latente et toute divergence peut alors mettre le feu aux poudres. Il peut aussi arriver que deux personnes s’observent, se surveillent de loin quand leurs intérêts personnels sont en jeu sans qu’il n’y ait eu auparavant des problèmes relationnels. En effet, quand deux collaborateurs convoitent le même poste ou le même territoire, ils deviennent forcément des adversaires, voire des ennemis, et chacun cherchera à neutraliser l’autre.
Toujours s’appuyer sur des faits pour bien arbitrer
Le risque pour un manager est de croire qu’une telle tension se résorbera d’elle-même, alors que son rôle est de monter au créneau à chaque fois que l’intérêt commun, celui du groupe, de l’entreprise par ricochet, est menacé. La démarche est simple : trouver les motifs de désaccord et chercher ensemble (avec les deux parties en conflit) des solutions appropriées. Le manager doit écouter chaque partie lors d’entretiens individuels pour évaluer la situation.
L’incompatibilité d’humeur est sans doute l’aspect le plus délicat à gérer. Quand deux personnes ne peuvent cohabiter, la meilleure des solutions, sinon l’unique, c’est de les affecter à deux entités différentes et de faire en sorte que leurs relations professionnelles directes soient réduites au strict nécessaire. Dans toute entreprise, il y a des règles opposables à tous les salariés et dont la violation appelle à des sanctions. Le rappel de ces principes élémentaires doit permettre à chacun de se retenir, tout au moins sur les lieux de travail.
Le conflit peut également découler d’une organisation floue du travail et des relations, d’une mauvaise définition des postes ou d’une répartition hasardeuse des tâches. Là, il s’agit surtout de questions techniques. Il suffit alors d’une clarification des rôles et missions des uns et des autres pour ramener le calme.
Dans tous les cas, «il ne faut surtout pas afficher ses affinités avec une des parties en conflit», prévient Ali Zarhali, DG du cabinet MCRM Consulting. Il est aussi important de s’appuyer sur des faits et des données précises pour expliquer une décision.
De même, une critique constructive donne souvent de bons résultats. «Il faut rester ferme sans être blessant car certains comportements sont parfois dictés par une mauvaise passe», indique M. Zarhali. Mais, parfois, il vaut mieux faire appel à une personne extérieure, un médiateur, qui peut mieux faire valoir sa neutralité. Les conflits peuvent par ailleurs dépasser le cadre purement personnel et toucher des services ou des départements. Généralement, les préjugés sont fréquents. Les uns ont une mauvaise connaissance des contraintes des autres, se sentent moins avantagés ou trouvent que leur contribution est sous-estimée. Dans ce cas, il faut amener les équipes à prendre conscience de ce qui les différencient et à apprécier l’apport de chacun. Cela se fait par des réunions, des séances d’immersion dans les différents services, de la sensibilisation. Toutefois, il faut éviter les confrontations ou les accusations collectives qui peuvent laisser des séquelles durables.
Chercher à souder son équipe par des activités extraprofessionnelles
Les conflits peuvent survenir enfin dans une situation d’incertitude, la préparation d’un plan social par exemple. On est ici dans le contexte d’un conflit entre les managers ou décideurs et le reste de l’entreprise. Traditionnellement, il s’agit de conflit social. Mais, aujourd’hui, notamment dans les pays les plus avancés, on n’en est plus seulement au stade de la défense des droits sociaux. C’est une catégorie de salariés, qui affronte une autre, les managers.
Cela peut aussi être le cas en période de changement souvent perçu comme imposé. D’où le sentiment d’insécurité et d’incertitude qui s’installe. Pour Yann Dolleans, DG du cabinet TMC, qui a vécu une expérience de ce genre, «il faut montrer les gains qu’on peut réaliser en changeant de comportement. Là aussi, la communication joue un rôle déterminant mais il faut aussi savoir impliquer les personnes». Il reste que le meilleur moyen de s’en prémunir est la prévention. D’abord par l’écoute. Etre proche de ses collaborateurs permet de connaître leurs difficultés, leurs craintes face à une situation donnée et la qualité des relations au sein du groupe. Il faut également favoriser les rencontres en dehors du cadre professionnel : team building, déjeuner collectif, participation à des compétitions sportives inter-entreprises… S’ils ne garantissent pas l’élimination de toute hostilité, ce genre d’événement permet au moins de favoriser le respect mutuel.
