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Anas Sefrioui : Addoha a un chiffre d’affaires sécurisé de 8,2 milliards de DH
Le résultat initialement prévu pour fin 2008 connaîtra un décalage de six mois en raison de contraintes administratives et non pas de marché.
L’immobilier de type économique et de moyen standing, des segments porteurs, représente 77% des volumes en cours de production.
Passage aux normes IFRS en 2009 et première tonne de ciment autoproduite dans deux ans.

Lundi 13 octobre. Le grand hall du siège d’Addoha ressemble à une ruche. Livraison de clés, formalités bancaires ou foncières…, on est loin de la crise mondiale. On est tout aussi loin de comprendre pourquoi le cours d’Addoha a dégringolé en Bourse. 16h30, Anas Sefrioui nous reçoit.
Tout au long d’un entretien qui aura duré deux heures, il démontre, chiffres et arguments à l’appui, la solidité des fondamentaux de son empire immobilier. Tour à tour indigné ou en colère, nous prenant à témoin, Anas Sefrioui ne perd pas le nord. «Addoha se porte bien et même très bien», soutient-il. Entretien.
La Vie éco : En six mois, la capitalisation boursière d’Addoha a fondu de 42%. Personnellement, vous voyez votre patrimoine chuter virtuellement de 17 milliards de DH… Est-ce que vous dormez bien, M. Sefrioui ?
Je dors très bien et je vous assure que je suis beaucoup plus serein que vous ne pouvez l’imaginer. Je vous rappellerai simplement que je n’ai absolument rien perdu puisque je ne suis absolument pas vendeur. Pour ce qui est de la baisse, si les cours ont régressé, ce n’est pas seulement ceux d’Addoha qui sont concernés mais tout le marché.
En agrégeant l’ensemble des valeurs marocaines, la régression moyenne a été de 35%. Cela étant, toute inquiétude est injustifiée vu que la baisse en elle-même est surtout alimentée par un effet de panique et de contamination psychologique par la crise internationale.
Revenons au cours d’Addoha. La débâcle actuelle du titre ne vous gêne pas ?
Absolument pas, parce que je constate une progression dans l’absolu. A voir nos fondamentaux, nous avons beaucoup plus de patrimoine, de projets et de commandes. Nous avançons…
Peut-être pas aussi rapidement que l’on ne s’y attend… Ne pensez vous pas que le marché a, à juste titre, sanctionné l’action Addoha pour des réalisations en deçà des prévisions ?
Cela n’est pas fondé pour deux raisons. D’abord, le cours boursier d’Addoha, à l’instar de plusieurs autres valeurs cotées, a entamé une phase de correction bien avant l’annonce des résultats semestriels.
Ensuite, à voir la démarche que suit tout investisseur de base pour arbitrer ses achats de titres, je ne pense pas que des considérations d’objectifs ou de linéarité des réalisations avec les promesses du business-plan soient pour quoi que ce soit dans la désaffection du marché pour le titre.
Il reste que le décalage entre objectifs et réalisations est bien là. Votre bénéfice au titre du 1er semestre 2008 ne réalise que 14,5% de votre objectif annuel. Comment justifiez-vous ce retard ?
Je tiens tout d’abord à relativiser la notion d’objectif semestriel pour une activité comme la nôtre.
S’agissant d’objectifs, nous préférons raisonner en termes annuels pour la simple raison que chiffre d’affaires et résultat ne sont pas concrétisés uniformément dans le temps sur un exercice donné. Preuve en est que, historiquement, jamais un résultat de 1er semestre n’est allé jusqu’à représenter 50% d’un résultat annuel.
Peut-être pas 50%, mais pas 14,5% non plus !
Il n’y a pas de règle absolue en la matière. Dans ce métier, les contraintes administratives peuvent occasionner des retards qui se chiffrent en mois. Lorsque nous achevons la construction d’appartements propres à la commercialisation, la comptabilisation en chiffres d’affaires n’intervient qu’après inscription effective du titre de propriété au nom de l’acquéreur.
Or, ce transfert suppose, lui-même, l’obtention préalable du permis d’habiter et l’obtention du titre foncier parcellaire du logement. Pour plusieurs motifs exogènes, ces formalités ont enregistré un décalage. Autre exemple, celui de la station balnéaire de Saïdia. Le chiffre d’affaires de 1,5 milliard de DH attendu de ce projet, et qui devait être comptabilisé au premier semestre 2008, ne l’a pas été à cause d’une petite piste qui traversait la station. Cette piste devait d’abord être déclassée par le ministère de l’équipement.
Le ministère des finances devait par la suite en faire l’acquisition pour nous la céder avec, au passage, une notification au Bulletin Officiel. A charge pour nous d’opérer la fusion du titre de la piste avec le titre mère pour, enfin, autoriser l’éclatement de tout le foncier… Nous avons accompli toutes ces démarches, sauf qu’elles nous ont pris 8 mois. La comptabilisation du chiffre d’affaires relative à cette opération n’interviendra donc qu’au 2e semestre.
J’évoquerai, enfin, une troisième transaction qui justifie un décalage de 4 à 6 mois au niveau de notre résultat. Lorsque nous avons fait l’acquisition de Biladi, cette dernière disposait de réserves de 260 millions de DH. Celles-ci devaient être affectées, à hauteur de 50%, représentant notre participation au capital de la société, au résultat consolidé du groupe, puisqu’elle porte sur des résultats en instance d’affectation. Mais, s’agissant de dividendes relatifs aux exercices antérieurs, ces capitaux sont plutôt venus renforcer nos fonds propres.
Dans une optique d’évaluation, notre résultat semestriel consolidé aurait intégré ces 130 millions de DH, ce qui l’aurait porté au total à 450 millions de DH, sans compter les ventes, comptablement décalées, de Saïdia. En tout cas, et entendons-nous bien, il n’y a pas de déperdition ni de chiffre d’affaires ni de résultat et Addoha reste sur son objectif. Nous accuserons juste un décalage dans le temps pour sa réalisation.
Enfin, je voudrais signaler que, si nous étions aux normes IFRS, les avances perçues de la part de nos clients auraient été comptabilisées en chiffre d’affaires et le résultat aurait été en phase avec les prévisions.
A quand donc des comptes aux normes IFRS ?
Nous y venons. Nous sommes en train d’étudier deux hypothèses. Si c’est l’exercice 2008 qui est consolidé en IFRS, la publication des résultats consolidés n’interviendra qu’en juillet 2009, avec l’exercice 2007 comme année de référence.
Si c’est l’exercice 2009 qui est consolidé en IFRS, 2008 sera adoptée comme année de référence. Des réunions sont actuellement en cours avec le cabinet d’audit international KPMG qui a la charge de ce chantier.
De quelle ampleur sera ce décalage et comment cela affecte-t-il votre business-plan?
Nos prévisions font état d’un décalage de 4 à 6 mois. Concrètement, le chiffre d’affaires initialement prévu pour fin 2008 devrait être atteint, pour une année glissante, en juin 2009. 2008, elle, sera bouclée avec un chiffre d’affaires de 4,5 milliards de DH. Je tiens par ailleurs à préciser que le glissement intervenant cette année ne va pas être rattrapé en 2009 et que le décalage devrait se réduire au fur et à mesure, pour être complètement résorbé dans 3 à 4 ans.
Si bien qu’à court terme vous allez boucler 2008 avec un bénéfice de…
Nous ne voulons pas retomber dans l’inflation d’annonces. Nous préférons capitaliser sur l’effet de surprise auprès de nos investisseurs. Mais nous sommes optimistes.
Parlons des projets qui ont été médiatisés au cours de ces deux dernières années. Quid de l’ensemble résidentiel qui devait remplacer le zoo de Rabat ?
Il est en cours de construction et de commercialisation. L’assiette foncière globale est de 50 hectares et nous en avons fait l’acquisition pour 420 millions de DH réglés en totalité. L’accord conclu avec les Eaux et Forêts était de récupérer une parcelle en attendant de libérer l’intégralité du terrain qui reste en partie occupé par des animaux. Pour l’heure, on nous a libéré 22 hectares sur lesquels les travaux vont bon train.
Et le projet de la Plage des Nations ?
Nous avons bouclé la phase d’étude et la première tranche est lancée. En rapport avec ce projet, je vous annonce que nous avons passé un accord avec le ministère des transport et avec Al Omrane pour engager les travaux de transformation d’une route secondaire en une route à double voie permettant, in fine, d’accéder directement à la Plage des Nations à partir d’une bretelle de l’autoroute située au niveau de l’aéroport de Rabat. Le protocole d’accord engage chacun des intervenants à hauteur du 1/3 des investissements, estimés globalement à 40 millions de DH environ.
Combien gérez-vous de projets actuellement ?
Nous sommes présents sur 12 villes. Parmi les projets les plus importants, il y a celui de Bouskoura, dont la commercialisation débute le 27 octobre. Le projet du champ de courses de Fès a également été lancé. Idem pour celui de l’Hivernage, à Marrakech, qui comprend un golf de 18 trous en plein cœur de la ville. Nous avons également 5 000 appartements en phase de commercialisation sur la ville de Tamesna. Sans oublier les villas semi-finies, qui sont très prisées. Pour 1 700 propriétés mises en vente, nous avons enregistré 7 000 demandes. A Tanger, enfin, nous avons mis en vente
15 000 logements dont une bonne partie est déjà pré-vendue. La surface plancher totale commercialisable au niveau du groupe Addoha et de ses filiales est de l’ordre de 30 millions de m2.
Cela donne quoi en chiffre d’affaires ?
Le «stock» actuel des compromis de vente porte sur 24 000 logements, soit 8,2 milliards de DH de chiffre d’affaires sécurisé. Il s’agit d’engagements appuyés par des contrats signés conjointement avec des acheteurs et qui ont déjà donné lieu à des versements d’avances de 20, 25 ou 30%.
Et la réserve foncière ?
Valeur aujourd’hui, elle est de 5 764 ha. Comme je viens de l’indiquer, cela représente 30 millions de mètres carrés couverts commercialisables ou encore environ 7 ans d’activité. Et pas d’équivoque ! Il s’agit de terrains dont Addoha est effectivement propriétaire et qui ont été autorisés, pour la quasi-totalité, à accueillir des projets.
Mais encore ? Combien de logements avez-vous en cours de réalisation ?
En terme de répartition du chiffre d’affaires, 183 000 logements et lots sont en cours de réalisation et de commercialisation et 82 000 autres unités le seront d’ici fin 2008 et au cours des années suivantes.
Dans un marché que l’on dit essoufflé…
Un simple exemple va vous prouver le contraire. Un projet que nous supervisons dans la ville, «Les Portes de Marrakech», avait pour vocation première de fournir des logements économiques à 200 000 DH.
Lors de la phase de commercialisation, la pression de la demande nous a amenés à augmenter les prix. De 200 000 DH, nous sommes passés à 300 000 DH, puis à 450 000 DH. Et la demande était toujours au rendez-vous. Bien sûr, nous avons au préalable effectué les démarches auprès de la direction des impôts pour lui restituer les avantages fiscaux qu’elle nous avait accordés dans le cadre de la convention signée.
On vous reproche d’être favorisé par les dérogations qui vous sont accordées…
Tout projet intégré nécessite des dérogations. Il n’y a pas de favoritisme. Car lorsque l’Etat vous accorde une dérogation, il vous demande des contreparties, à savoir la construction de routes, de stations d’épuration, d’écoles, de centres de santé et d’autres équipements…
Pour notre projet à Bouskoura, par exemple, nous venons de créer, en collaboration avec les deux autres promoteurs du projet, CGI et le groupe de M. Abdelali Berrada, un groupement d’intérêt économique, sous la tutelle de la wilaya, qui porte sur 500 millions de DH de contribution destinée à financer l’infrastructure hors site. Pour «Les portes de Marrakech», nous avons concédé 220 millions de DH d’investissements hors site.
La suppression des avantages fiscaux accordés dans le cadre de la construction de logements à 200 000 DH a freiné le social. Aucune convention n’a été signée en 2008 !
Nous avons des conventions signées en 2007 dans le cadre de l’article 19 qui couvrent nos programmes de logements économiques jusqu’en 2013.
Et votre position sur la suppression des avantages fiscaux ?
Il va de soi qu’une fois les conventions apurées, nous ne pourrons plus vendre de logements à 200 000 DH. En l’absence d’incitation fiscale, et pour un logement respectant le même cahier des charges, c’est plutôt un prix de 300 000 à 400 000 DH qui sera pratiqué, valeur aujourd’hui, bien entendu.
Comptez-vous participer au programme des logements à 140 000 DH ?
Addoha ne s’est pas encore engagée sur le logement à 140 000 DH. Les négociations sont toujours en cours entre la FNPI [NDLR, Fédération nationale de la promotion immobilière] et l’Etat quant au taux de péréquation de 50% proposé par le ministère.
Qu’en est-il de Fadesa Maroc ? Quelle a été sa contribution au 1er semestre ?
Son impact dans les comptes consolidés au titre du 1er semestre est non significatif. Ce ne sera pas le cas au 2e semestre vu que cette filiale va permettre de booster chiffre d’affaires et résultat net.
A quand un ciment estampillé Addoha ?
L’investissement se monte à 5,6 milliards de DH et nous permettra de couvrir 30 à 40% des besoins propres d’Addoha en ciment. La 1ère tonne de ciment tombera le 24 octobre 2010.
