Au Royaume
Il réussit là où d’autres auraient vite jeté l’éponge
Il rate son bac et se présente en candidat libre. 5 ans plus tard, il sera ingénieur informatique et télécoms. Il rentre au pays en 1996 et crée IB Maroc. En 2001, il l’introduit en Bourse. La chute du cours à 50 DH lui donne des insomnies. Il se reprend en main et décide de partir à la conquête de l’international.

Difficile d’imaginer qu’un jeune Khouribgui désargenté, issu d’une famille aussi pauvre que nombreuse (une fratrie de 15 enfants) dont le chef subvenait avec peine aux besoins vitaux, puisse connaître la réussite. Abdellatif Hadef, PDG d’IB Maroc, c’est de lui qu’il s’agit, y est pourtant parvenu.
Cet enfant du Maroc profond se rappelle que son père, simple mineur à l’OCP, lui avait dit un jour : «Mon fils, je vendrais ma chemise pour que tu fasses des études». Est-ce cela qui l’a motivé ? En partie certainement.
Pourtant, le jeune Abdellatif, né en 1963, n’a pas tout de suite compris que seules les études pouvaient lui permettre d’échapper au destin qui a failli être le sien, comme celui de nombre de ses congénères.
Il sera en effet un élève moyen, qui prendra conscience de ses dons de matheux assez tardivement. Il ratera même son bac et c’est grâce aux efforts de son père, qui l’inscrira dans un lycée privé de Casablanca, qu’il devra de pouvoir poursuivre ses études. A partir de là, il se reprend en main et s’applique si bien que ses notes du bac «maths», qu’il passe en candidat libre, lui ouvrent les portes des prépas. Il les poursuivra à Toulon, entre 1985 et 1987.
Abdellatif Hadef choisit alors l’Ecole supérieure d’informatique et génie des télécommunications de Fontainebleau, dont il sortira ingénieur en 1990. Il ne rentre pas tout de suite au pays et se fait recruter par une filiale de la Générale des eaux, d’abord comme informaticien, puis pour conduire un projet d’équipement d’une centaine de sites de la maison mère.
Son premier salaire, il s’en souvient bien : 2 200 euros, dont une bonne partie s’envolait vers Khouribga pour aider la famille.
Un local de 100 m2 pour commencer et un an sans salaire
Entre 1991 et 1996, il est si absorbé par ses fonctions qu’il ne voit pas le temps passer et c’est la rencontre avec un des fournisseurs de son employeur qui va lui révéler ses ambitions d’homme d’affaires, mises en stand-by en attendant le moment opportun. Au cours d’un déjeuner, son futur associé et lui vont ficeler un projet en un rien de temps : ils ont en effet décidé de monter une société pour vendre des applications et du matériel informatique au Maroc.
Elle sera baptisée IB Maroc. Quinze jours plus tard, raconte-t-il, il démissionne de son poste, fait ses valises et atterrit à Casablanca où il s’installe dans un local de 100 m2, loué à 5 000 DH, pour faire d’abord de la distribution de matériel informatique. Avec son associé, ils investissent 600 000 DH dans IB Maroc pour faire démarrer l’affaire. Les temps sont si durs qu’il se prive de salaire la première année et vit sur ses économies pendant toute l’année 1997.
Mais, dès l’année suivante, la chance lui sourit. La société s’ouvre sur le monde des solutions informatiques et de la sécurité, qu’elle n’avait fait que survoler durant le premier exercice. Le chiffre d’affaires atteint aussitôt 10 MDH. Une autre chance va s’offrir à Abdellatif Hadef et à son associé français : une société spécialisée dans le même business, Digitem, est en difficulté.
Ils n’hésitent pas à y injecter 16 MDH pour en prendre le contrôle. IB Maroc ne compte alors qu’un effectif de quatre personnes et deux années d’exercice à son compteur, alors que l’entreprise rachetée en compte 35 et fait un chiffre d’affaires de 25 MDH.
Dès la première réunion avec les administrateurs, le jeune Abdellatif Hadef annonce d’emblée un objectif de 60 MDH devant ses nouveaux associés – partis depuis -, qui le prennent carrément pour un illuminé. La suite lui donnera pourtant raison : les deux sociétés vont réaliser 64 MDH.
Depuis, le business va aller comme sur des roulettes. IB Maroc, qui compte aujourd’hui 110 salariés, dont 50 ingénieurs, ira de succès en succès et, progressivement, se spécialisera dans les solutions, l’architecture, la maintenance et la sécurité informatiques. L’entreprise réalise un chiffre d’affaires de 127 MDH en 2000 et de 170 millions une année plus tard.
Il vient de créer une filiale en Libye et compte s’installer en Algérie et au Sénégal
En 2001, IB Maroc va aborder un tournant qui ne sera pas facile à négocier : son introduction en Bourse. Le jeune entrepreneur raconte : «Au départ, l’opération se déroulait sans problème et elle m’a permis de racheter pour 40 MDH les 57 % de parts de mon associé, un accord que nous avions tacitement passé dès le départ et qu’il a respecté.
Puis, tout à coup, les cours ont commencé à chuter pour atteindre 50 DH alors que l’introduction s’était faite sur la base de 494 DH. Je dois dire que j’ai eu beaucoup de nuits blanches. Puis, j’ai compris qu’il fallait que je me remette à travailler en oubliant la Bourse et sa valse. Aujourd’hui, notre action est à 360 DH et j’estime que nous restons en deçà de notre performance réelle, mais cela ne m’empêche absolument plus de dormir».
En effet, Abdellatif Hadef a de quoi s’occuper. Il a d’autres projets dont certains très avancés. Il vient de créer une filiale en Libye et compte s’installer également en Algérie et au Sénégal. Preuve que sa ténacité et sa foi en ses capacités ont été payantes.
C’est avec le sourire de quelqu’un qui a réussi à franchir bien des écueils qu’il commente son parcours : «Et dire qu’au moment de mon arrivée au Maroc, on me disait que, sans capital ni piston, il est impossible de réussir». Depuis, IB Maroc a fait bien du chemin. Pour l’exercice en cours, Abdellatif Hadef et ses collaborateurs tablent sur un chiffre d’affaires de 224 MDH.
