Affaires
Polycliniques : Ce que prévoit d’en faire la CNSS…
Le conseil d’administration de la Caisse devra se prononcer, en décembre prochain, sur les propositions de mise à niveau des unités de soins. Filialisation de la gestion et réalisation d’un plan de redressement qui s’étalera de 2023 à 2026. Les détails.

Le prochain conseil d’administration de la Caisse nationale de sécurité sociale, qui se tiendra en décembre prochain, sera décisif pour le sort de ses treize polycliniques. Il devrait normalement, ou pas, valider les propositions soumises par la CNSS pour la mise en conformité juridique de ses unités sanitaires avec l’article 44 de la loi 65-00 relative à l’Assurance maladie obligatoire. Article qui, rappelons-le, stipule qu’un gestionnaire de l’AMO ne pourrait plus être également prestataire de soins.
Ainsi, la décision du conseil d’administration devrait mettre fin, après plusieurs années, à une situation d’incompatibilité juridique que la caisse a essayé, à deux reprises en 2007 et 2012, de dépasser en lançant des appels d’offres pour la gestion déléguée des polycliniques (voir encadré). Après ces deux tentatives avortées, la crise sanitaire a également suspendu le projet, «mais en 2021, nous avons décidé de prendre le taureau par les cornes pour résoudre cette problématique juridique à laquelle les polycliniques sont confrontées. Nous avons alors élaboré un plan d’action qui a été soumis au conseil d’administration du 5 janvier 2022. Un plan d’action en trois axes : Etude juridique, étude économique et l’élaboration d’un plan d’investissement. Les résultats de ce travail seront soumis à la prochaine session du conseil d’administration pour validation», explique Redwan Frej, le directeur du Pôle des Unités médicales à la CNSS. Que prévoit ce plan et quel sera le nouveau statut des treize unités médicales ?
Selon le directeur du Pôle médical, et comme précisé plus haut, le plan est axé sur trois points : Une étude juridique, une étude économique et un plan d’investissement pour la mise à niveau et le redressement des unités médicales. L’étude juridique apporte des réponses pour la mise en conformité à l’article 44 de la loi 65-00 et précise les préalables et prérequis à la mise en place du nouveau schéma de gestion des polycliniques. Contrairement à ce qui a été recommandé par l’étude stratégique de 2012, cette fois-ci un seul scénario est proposé : La filialisation des polycliniques. Ainsi est prévue la création d’une société d’exploitation qui sera détenue à 100% par la CNSS.
Un investissement de 349 MDH
En ce qui concerne le volet économique, l’étude a porté sur l’élaboration d’un business plan qui permettra le redressement des polycliniques. «Nous sommes accompagnés par une banque d’affaires. Il s’agit d’Upline Securities qui a procédé à l’évaluation du plan, à l’élaboration d’une cartographie des risques et enfin à une feuille de route pour l’amélioration de la gestion. Une gestion, il faut le préciser, que l’on souhaite moderne en vue d’une exploitation équilibrée de ces unités», souligne M.Frej. Enfin, le plan d’investissement, qui serait entamé dès la validation des propositions par le conseil d’administration, commencera d’abord par une mise à niveau des bâtiments, des plateaux techniques et du mobilier. Dans un second temps, il est prévu la mise en place d’un nouveau système d’information plus moderne.
Le cahier des charges est en cours d’élaboration et un appel d’offres sera lancé à la fin de ce mois de septembre pour la réalisation de ce chantier dont le coût s’élève à 30 MDH. Globalement, ce seront 349 MDH qui seront alloués à la mise à niveau des unités médicales de la CNSS dont 191 MDH en matériel, 49 MDH pour l’aménagement des bâtiments, 41 MDH pour les installations techniques, 18 MDH en matériel d’hébergement et enfin 6 MDH pour le mobilier de bureau.
Schéma de gestion
Le modèle économique proposé, s’il est validé en décembre prochain, s’étalera sur quatre années. L’année prochaine sera une année d’amorçage et les trois années suivantes permettront d’atteindre à l’horizon 2026 les objectifs que la CNSS s’est assignés, notamment la mise en conformité juridique, l’amélioration de la santé financière des polycliniques pour ne plus recourir à la subvention et enfin renforcer le rôle citoyen des polycliniques. «Rôle que les polycliniques ont parfaitement assuré pendant la crise sanitaire. Nous avons consacré quatre de nos unités, Ziraoui, Marrakech, Tanger et Inara à la prise en charge des personnes atteintes de Covid. Ce qui nous a coûté 160 MDH», indique Redwan Frej. Et d’ajouter : «Les polycliniques sont des établissements citoyens dans la mesure où elles respectent la Tarification nationale de référence et appliquent une facturation totalement transparente au profit des 600000 patients traités annuellement et dont 50% sont des assurés de la CNSS».
Par ailleurs, la mise à niveau des polycliniques permettra d’atteindre, selon les prévisions de la CNSS, un chiffre d’affaires de 825 MDH en 2026 et une réduction jusqu’à disparition de la subvention annuellement accordée aux unités de soins depuis plusieurs années pour couvrir leur déficit récurrent.
Le nouveau schéma de gestion des polycliniques est ainsi ficelé et n’attend plus que l’aval du conseil d’administration. Et l’on peut espérer que cette fois-ci sera la bonne pour changer le statut des polycliniques. En tout cas, deux arguments sont favorables à son adoption, puisque la proposition de la CNSS arrive à point nommé et coïncide avec la généralisation de la protection sociale, ce qui permettrait à ces structures de jouer un rôle social dans le nouveau schéma du secteur de la santé. D’autre part, la proposition de filialisation de la gestion des polycliniques répond à la principale et historique exigence des syndicats, à savoir que les polycliniques sont la propriété des assurés et doivent pour ainsi dire demeurer dans le giron de la CNSS. Il est toutefois à préciser que l’entrée en vigueur de ce plan, outre l’accord du CA, devra attendre la publication des décrets du gouvernement et l’octroi des 13 autorisations d’exploitation que devra leur délivrer le ministère de la Santé.
Flash-back…
Les polycliniques, crées en 1973 par la Caisse nationale de sécurité sociale, assurent des soins médicaux et jouent un rôle social important. Cependant, depuis la mise en place de l’AMO en 2005, la CNSS n’est plus autorisée, selon la loi 65-00, à être à la fois gestionnaire de l’AMO et prestataire de soins. Une problématique juridique que l’organisme de prévoyance devait résoudre à la fin d’une période transitoire de trois ans. En effet, en 2008, la caisse lance un appel d’offres pour une gestion déléguée des treize unités médicales. L’appel d’offres a été infructueux et le projet a été abandonné pour être relancé quatre ans plus tard. Mais une fois encore, la gestion déléguée a été suspendue à la demande du Chef de gouvernement qui «souhaitant avoir une meilleure visibilité sur le dossier a décidé de lancer une étude stratégique qui a été réalisée et une commission a même été créée pour suivre le dossier», rappelle Redwan Frej, directeur du Pôle des Unités Médicales à la CNSS.
