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L’économie marocaine continue de faire face à une croissance pauvre en emplois

Le sous-emploi est plus fréquent dans le secteur du BTP. La probabilité d’être en sous-emploi décroît progressivement avec l’âge. Être une femme augmente la probabilité d’être sous-employée de 4%.

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Le marché du travail souffre encore de quelques dysfonctionnements d’ordres quantitatif, qualitatif et de gouvernance. C’est ce qui ressort de la dernière étude de la DEPF, relevant du ministère de l’économie et des finances, sur le sous-emploi au Maroc. En effet, l’économie marocaine continue de faire face à une croissance pauvre en emplois. L’élasticité croissance-emploi est relativement faible au Maroc, se situant à 0,3 pendant 2000 à 2007 et avoisinant 0,2 pour la période 2008-2020 (12 550 emplois créés, en moyenne, pour chaque point de PIB durant la période 2008-2020 contre 32 264 emplois créés entre 2000-2007). Sur la base des données du HCP, l’effectif de la population sous-employée a atteint, au niveau national, plus d’un million de personnes en 2021, soit un taux de sous-emploi de 9,3% contre 14,6% en 2000. Malgré sa tendance baissière, le niveau du sous-emploi reste élevé au Maroc.

Par secteur d’activité, le sous-emploi est plus fréquent dans le secteur du BTP avec un taux moyen de 17,3% durant la période 2007-2021. Les actifs occupés exerçant dans le secteur de l’agriculture, forêt et pêche, sont touchés à hauteur de 10,3%, contre 7,1% pour le secteur de l’industrie (y compris l’artisanat) et 8,9% pour les services. Il est à savoir que la part du sous-emploi liée à la durée de travail est de 44%, alors que celle liée à l’insuffisance du salaire ou du revenu ou bien à l’inadéquation entre l’emploi exercé et la formation académique représente 56%. Par milieu de résidence, le taux de sous-emploi reste presque le même, qu’il s’agisse du milieu urbain (10,7%) ou rural (10,4%). De plus, le sous-emploi est massif pour certains travailleurs spécifiques tels que les jeunes travailleurs âgés entre 15 et 29 ans avec moins d’expérience professionnelle (14,4%). Selon le genre, les femmes sont beaucoup plus touchées par ce phénomène, avec un taux de sous-emploi qui a atteint 17,8% contre 9,8% pour les hommes en 2019. Dans le même sens, les diplômés techniciens, techniciens supérieurs et cadres enregistrent le taux de sous-emploi le plus élevé (19,8%) contre 11,6% pour les sans diplôme.

Dans le détail, la dimension genre a une incidence sur le risque de se retrouver en sous-emploi. Être une femme augmente la probabilité d’être sous-employée de 4%, en raison de son recours au travail à temps partiel pour concilier entre la vie professionnelle et familiale et par sa position vulnérable en termes d’accès au marché du travail. De plus, la probabilité d’être en sous-emploi décroît progressivement avec l’âge, se situant à 27%, 39% et 71% respectivement pour les tranches d’âges de 30-44 ans, 45-59 ans et 60 ans et plus. D’autant que le statut matrimonial constitue également un facteur déterminant du sous-emploi. L’estimation montre qu’être veuf (ve) ou divorcé(e) augmente la probabilité d’être sous-employé de 4% comparé au statut de célibataire. Par contre, les personnes mariées ont un risque réduit de 5,5% d’être sous-employées. Par ailleurs, la possession d’un contrat de travail diminue le risque de tomber en sous-emploi de 9,2% par rapport au fait de ne pas en avoir.

Sur le volet lié au milieu de résidence, les personnes habitant dans le milieu rural sont plus susceptibles d’être sous-employées avec une probabilité supérieure de 21% à celles des résidentes dans le milieu urbain. L’effet lié au type de diplôme obtenu est particulièrement important dans la qualité de l’emploi. Ainsi, les personnes ayant un diplôme ont moins de risque d’être sous-employées. Ce risque est davantage amoindri lorsqu’il s’agit d’études supérieures avec une probabilité en baisse de 62%. De même, les diplômés de l’enseignement fondamental (primaire, collégial et secondaire), des techniciens supérieurs et cadres et des diplômés de la formation professionnelle ont un risque plus faible d’être exposés au sous-emploi de 18%, 13% et 17% respectivement.

Enfin, les travailleurs exerçant dans le secteur ménages (jardinage, travailleuses domestiques…) voient leur probabilité d’être sous-employés 4 fois plus importante par rapport aux personnes engagées dans le secteur public et semi public. De plus, être employé dans l’économie sociale et solidaire et dans le secteur agricole a eu une incidence importante sur le risque d’être en sous-emploi, en augmentant ce risque de 2 fois en comparaison avec le secteur référentiel.

De la nécessité d’adapter les politiques publiques

Les données sur le sous-emploi sont un intrant pertinent pour la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques et programmes d’emploi. Les mesures qui découlent de ces politiques d’emploi dépendront des institutions et d’autres facteurs spécifiques, notamment les systèmes de protection sociale et les politiques d’activation, les services publics de l’emploi, le dialogue social, la législation sur le marché du travail et le développement des compétences et de la formation. L’adoption d’une nouvelle approche intégrée devrait être développée pour renforcer la croissance, encourager une plus grande création d’emplois de qualité et pour s’attaquer aux obstacles structurels sur le marché du travail qui empêchent les individus de trouver des emplois productifs. Aussi, les développements technologiques, les changements dans les besoins en compétences et les mutations démographiques pourraient-ils également influencer le sous-emploi, et nécessiteraient une anticipation et une réponse adéquate dans la mise-en-œuvre des politiques publiques.