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Carrière

Comment donner une légitimité à la démarche de l’outplacement

Accompagner ses anciens salariés dans le cadre d’un nouvel élan, l’outplacement reste une alternative pour les entreprises qui veulent gagner en image de marque. Le code du travail marocain reste encore muet vis-à-vis de ce type d’activité.

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Reclassement, replacement ou tout simplement outplacement, cette pratique continue de prendre son chemin, bien qu’elle soit encore timide au Maroc. Avec la crise sanitaire, bien des entreprises peuvent être tentées de la proposer à certains collaborateurs pour dégraisser les effectifs. Sauf qu’il a un coût non négligeable supporté entièrement par l’entreprise. Pour Abderrahim Chouffai, consultant expert en GRH et droit social ex-DRH de groupes nationaux et internationaux, la pratique reste bénéfique pour les entreprises qui sont dans une logique de climat social constructif, responsable et permanent. Explications.

• L’outplacement suscite-t-il toujours de l’intérêt auprès des salariés et des entreprises ?

Essayons d’abord de définir ce qu’est l’outplacement qui est un terme anglais traduit par «reclassement externe» et parfois par «replacement externe». Il s’agit d’une activité qui est apparue en France au milieu des années 1970, bien qu’elle ait existé auparavant aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Le cabinet de reclassement externe qui est tenu par un objectif de moyens et non de résultats, fera en sorte de reclasser les salariés mis à sa disposition par l’entreprise pour les accompagner à trouver un nouvel emploi correspondant à leurs savoirs, savoir-faire et savoir-être.

D’ailleurs, une entreprise qui est dans une démarche de RSE doit, lorsque la conjoncture ne lui est pas favorable, faire appel à un cabinet externe pour qu’il l’accompagne dans le reclassement de ses salariés.

Déjà dans les années 1970, le fondateur du Groupe Danone, Antoine Riboud, utilisait cette démarche d’outplacement en créant un département qu’il avait appelé le CREAN (Création d’Activités Nouvelles) et qui avait pour rôle de reclasser le personnel en sureffectif au sein du Groupe Danone.

Si le code du travail marocain est muet pour ce type d’activité, par contre, en France, lorsqu’une entreprise procède au licenciement d’un salarié pour raison économique, elle est tenue de lui trouver un poste de reclassement conformément à l’article L1233-4 du code du travail français.

Quant à savoir si l’outplacement est demandé actuellement, il faut noter qu’il a un coût non négligeable supporté entièrement par l’entreprise au profit du cabinet externe. Cela dit, la crise sanitaire, la digitalisation et l’intelligence artificielle font que certaines entreprises évoluant dans des secteurs d’activité divers sont amenées à réduire leurs effectifs si elles veulent rester compétitives.

A mon avis, ce ne sont pas toutes les entreprises qui font appel à l’outplacement mais plutôt celles qui ont une capacité financière, et qui sont conscientes qu’elles doivent être dans une logique de climat social constructif, responsable et permanent. C’est aussi une façon de consolider les relations sociales sur des bases saines avec les partenaires sociaux.

• Pouvez-vous expliquer les avantages ou les bénéfices pour les salariés ?

Il faut noter que l’outplacement est utilisé par l’entreprise lorsqu’elle est appelée à se séparer de son personnel, soit dans le cadre d’un plan social (appelé aussi «plan de sauvegarde d’emploi»), soit dans le cadre de départs négociés. Il en résulte qu’il n’existe plus de lien de subordination juridique entre l’entreprise et les salariés concernés. J’ajoute également qu’il ne va y avoir aucun lien juridique entre le cabinet de reclassement et le salarié concerné, puisque le contrat de «reclassement externe» est signé entre l’entreprise et le cabinet externe. Autrement dit, le salarié ne peut en aucun cas se retourner contre son ex-employeur et/ou le cabinet externe.

Ayant moi-même pratiqué l’outplacement dans ma carrière de Directeur des Ressources Humaines, je tiens à préciser qu’un salarié victime d’un licenciement pour raison économique ou autre va traverser une période de souffrance, de deuil psychologique. Et c’est là où l’outplacement va permettre au salarié de ne pas se sentir abandonné ou livré à lui-même, puisqu’il bénéficiera d’une assistance psychologique ainsi que d’un soutien logistique et administratif du cabinet externe. De plus, cela aidera le salarié à ne pas dépenser inutilement l’indemnité de départ qu’il aurait perçue, mais plutôt l’investir, par exemple, dans un bien durable. Et puis, le salarié pourra se repositionner sur le marché du travail et se projeter plus rapidement dans le futur.

 

• Dans quels cas devrait-on recourir à la démarche ?

Comme je viens de le préciser, toute entreprise qui se veut être socialement responsable doit recourir à ce genre de démarche lorsqu’elle est appelée à se séparer de certains de ses collaborateurs. Je pense que l’entreprise va gagner d’abord en image de marque. C’est aussi une façon de rassurer les salariés «rescapés» de tout plan de départ à venir puisqu’ils sauront que leur entreprise ne les laissera pas «tomber» en cas de conjoncture économique difficile.

 

• Les salariés bénéficiant d’un outplacement sont-ils réceptifs à la démarche ?

Faut-il d’abord les mettre au courant de cette démarche et leur expliquer les avantages qu’ils peuvent en tirer. Il faut que l’entreprise communique sur ce type de démarche en mettant en exergue les bénéfices pour les salariés. Par exemple, leur préciser que tous les frais d’accompagnement seront à la charge de l’entreprise et qu’ils n’auront aucun centime à débourser. Au début, le salarié ne va pas percevoir véritablement l’intérêt de cette démarche, mais c’est par la communication et la transparence qu’ils y croiront. Lorsque j’avais pratiqué l’outplacement en étant DRH, j’avais réuni les membres du comité d’entreprise pour leur présenter l’intérêt de la démarche. En même temps, j’avais accompagné le cabinet externe sur le site concerné par les départs, ceci pour donner une légitimité à la démarche auprès des salariés et au cabinet externe. Le capital-confiance est important dans ce genre de démarche.

 

• A qui s’adresser quand on entreprend la démarche ? Faut-il faire appel à des experts de l’outplacement ?

Je ne crois pas à un outplacement «interne», c’est-à-dire directement géré par l’entreprise elle-même. L’outplacement ne s’improvise pas. C’est avant tout un métier d’experts en ressources humaines et relations sociales. Les consultants du cabinet externe doivent avoir une grande capacité d’écoute, de l’empathie, de la patience, le sens des relations humaines. Ils doivent aussi avoir un bon carnet d’adresses, notamment dans le bassin d’emploi concerné par le reclassement.

 

• Quel rôle peut jouer la direction RH dans le processus de reclassement ?

Regardez ce qui s’est passé au début de la crise sanitaire. C’est la Fonction ressources humaines «FRH» qui a été mise en avant au sein des entreprises. Sans elle, les entreprises n’auraient pas réussi la transition, si difficile soit-elle. En plus de son rôle habituel, la FRH a fourni un effort considérable pour assurer le bien-être et la sécurité des salariés tout en organisant le télétravail et le travail à temps partiel. Comme le rappelait Dave Ulrich, un des ténors des ressources humaines aux Etats-Unis, le DRH est l’avocat des salariés. Il ne faut pas entendre l’expression «avocat des salariés» dans un sens syndical du terme mais plutôt comme un rôle de facilitateur et de communicateur au sein de l’entreprise. Donc à charge pour le DRH d’expliquer et de mieux «vendre» la démarche d’outplacement.