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Les banques participatives sont toujours en quête de ressource

Le décalage entre les emplois et les dépôts engendre un coefficient d’emploi dépassant 200%. Le besoin de liquidité n’est comblé qu’avec la wakala bil istithmar. La gestion de la trésorerie pose un réel problème. Les sukuks de financement et d’investissement toujours en attente.

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Les banques participatives poursuivent leur activité, sans grande contrainte, à première vue. En effet, au niveau commercial, le financement s’inscrit toujours en hausse avec un encours de près de 20 milliards de DH à fin février, en hausse de 3,2% par rapport au début de l’année et de 40% sur l’année 2021. Dans cet encours, la mourabaha immobilière continue à accaparer la part du lion, avec 84% de l’encours global, soit une progression de 3% depuis début 2022 (+41% en 2021). Pour leur part, les financements participatifs à la consommation et à l’équipement continuent d’évoluer également. Au moment où le 1er a augmenté de 1,5% à 1,17 milliard de DH, le 2nd, lui, a progressé de 5,2% à 1,7 milliard.

Si l’activité financement n’affiche aucune turbulence, qu’il y ait crise ou non, la collecte des dépôts, elle, pâtit encore de la jeunesse du secteur et de la perception des clients vis-à-vis de ces banques, comme étant un établissement de financement, plutôt qu’une banque à part entière. Ainsi, l’encours des dépôts à vue s’est établi à 5,5 milliards de DH, en augmentation de 2,1%, contre un fléchissement des dépôts d’investissement de 2,1%, à 1,6 milliard de DH. Et c’est justement à ce niveau que le bât blesse pour ce secteur. Autrement dit, ce décalage flagrant entre les emplois et les ressources bancaires propulse le coefficient d’emploi à plus de 250%, alors qu’il n’atteint même pas 100% pour les banques conventionnelles. Ce qui rend les banques participatives obligées de dealer avec cette donne, compte tenu du manque de moyens de refinancement. «Le seul refinancement qui existe actuellement est celui de la wakala bil istithmar dont Bank Assafa était le précurseur», a souligné Abdelaziz Elouadrhiri, directeur développement commercial chez Bank Al Yousr, lors d’un webinaire, organisé par l’AMFP (Association marocaine des professionnels de la finance participatice) sur la problématique de refinancement et gestion de liquidité par les banques participatives. L’encours de ces Wakala a atteint 6,8 milliards de DH sur les deux premiers mois de l’année, en croissance de 2,6% en 2022 et de 37% sur l’exercice 2021. Alors que ce contrat était réservé aux maisons mères des banques participatives, il a été étendu à tous les institutionnels de la place (caisse de retraite, compagnies d’assurance, OPCVM …). Toutefois, «comme ces institutionnels ne sont toujours pas familiarisés avec ce type de convention, cela a, entre autres, rendu le coût de la ressources plus cher, impactant de facto le taux de marge», explique M.Elouadrhiri. Il surenchérit : «Malgré la cherté du coût de la ressource, les banques participatives sont restées compétitives par rapport aux banques classiques, pour la simple raison que des efforts sont fournis pour comprimer les marges et demeurer ainsi compétitif».

L’assurance Takaful, dont le lancement effectif est attendu incessamment devra donner une bonne bouffée d’oxygène au profit de cette quête vers les ressources. Actuellement, trois types de produit seront lancés :
le décès, la multirisque habitation et l’épargne. «Nous comptons travailler ensemble avec les entreprises Takaful pour élargir les produits d’épargne au logement, l’éducation et la retraite, en vue de mettre en place d’autres moyens pour diversifier nos moyens de refinancement», prévoit M.Elouadrhiri.

Si la problématique de liquidité est fortement décriée, Mohamed El Haitami, directeur financier de Bank Assafa et membre du directoire, estime que s’il ne s’agit que de la liquidité, la wakala bil istithmar répond parfaitement aux besoins de financement des emplois. Là où le bât blesse, c’est au niveau de la gestion de trésorerie que ces contrats seuls ne peuvent satisfaire. Selon lui : «Les banques participatives doivent mener une réflexion d’ensemble sur la manière d’utiliser ces contrats, ainsi que les dépôts à vue des clients, pour les adapter aux contraintes de leur trésorerie». D’un autre côté, si excédent il y a, aucun produit de placement n’est disponible pour y être placé. Il est ainsi nécessaire ou même urgent de créer un marché interbancaire participatif, dans lequel la wakala bil istithmar, produit déjà mis en place, peut être adaptée, ou encore des OPCVM monétaires conformes à la Shariaa. Reste la contrainte de financement d’emplois longs, à travers des ressources de court terme. D’où l’intérêt de se tourner vers la clientèle des entreprises et des professionnels dont le besoin de financement est généralement de court terme. Encore faut-il qu’il y ait un ensemble de produits adaptés à tous les besoins de cette catégorie d’entreprises.

En attendant, les sukuks d’investissement et de financement restent la solution la mieux adaptée à cette quête vers la ressource, car ils permettent de mobiliser une ressource dont la duration est longue pour des besoins de financement de longue maturité également. «C’est le moment d’émettre des sukuks pour placer les excédents éventuellement dégagés de l’activité ; cela, sachant que le sukuk souverain émis en 2018 d’un montant de 1 milliard de DH, est amorti à plus de 50%», conclut Fouad Bendi, expert en sukuks. L’on espère une publication imminente des textes réglementant ces sukuks !