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Élections 2021 : faut-il s’inquiéter des listes indépendantes ?

• C’est une tactique envisagée par le PJD pour contrer la chute de la popularité de ses ténors et les effets du réajustement des lois électorales. Les chances qu’un mandataire d’une liste indépendante puisse devenir président de commune ou de région sont quasi inexistantes. Pour accéder au Parlement, c’est un véritable chemin de croix.

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S’il est un indicateur à retenir des dernières élections professionnelles, en plus de la chute de la popularité du syndicat islamiste (UNTM), c’est bien le nombre des élus indépendants. Les élus qui n’appartiennent à aucun syndicat représentent en effet plus de 51%, de près de 47 000 délégués des travailleurs et membres des commissions paritaires. C’est un indicateur d’autant plus inquiétant qu’il est en progression par rapport aux dernières élections de 2015. Il retient également l’attention du fait que cette possibilité de se présenter en tant que candidats indépendants (ou liste indépendante selon les cas) est prévue pour les élections locales mais aussi législatives. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau. En remontant loin dans l’histoire du Maroc et en épluchant les résultats des élections locales, professionnelles et législatives, on pourrait situer l’apparition des candidatures indépendantes au lendemain de l’indépendance. Cette particularité est d’abord apparue comme un phénomène exceptionnel, qui a commencé petit à petit à s’élargir pour finir par marquer la vie politique nationale. Faut-il rappeler en ce sens qu’en 2009 par exemple, lors des élections des membres des conseils préfectoraux et provinciaux, les listes indépendantes ont raflé 325 sièges sur 1 289, soit 25,21%. Une grande majorité avait été élue sous une étiquette partisane et n’a recouru à ce stratagème que pour remporter le maximum de sièges. Aussi, ce phénomène n’a-t-il pas manqué de soulever certaines questions de fond sur la mission des partis politiques, leur rôle dans l’exercice du pouvoir et dans le contrôle du gouvernement. Le législateur s’est rendu à l’évidence qu’il fallait, non pas interdire les candidatures indépendantes –ce qui serait contraire à la Constitution- mais, du moins, réguler cette pratique. Ainsi, a priori pour les élections locales et régionales aucune restriction n’est prévue, sauf bien sûr l’obligation de suivre les procédures administratives de rigueur. Toute personne ou groupe de personnes éligibles peuvent se présenter en indépendant, soit individuellement soit comme mandataire d’une liste et se faire élire au conseil de la commune ou de la région. A titre d’indication, lors des élections locales de 2015, quelque 1232 candidats se sont présentés en tant qu’indépendants pour les élections communales, soit 0,94% et 23 candidats SAP se sont présentés pour les élections régionales (3,39%). En gros, il y a eu trois catégories de candidats SAP. Ceux qui n’ont aucune expérience politique et qui n’ont jamais appartenu à un parti, mais qui ont voulu tenter l’expérience de représenter leurs concitoyens dans les assemblées locales. La deuxième catégorie est composée de notables locaux qui disposent d’une confortable base électorale et n’ont donc plus besoin des «services» d’un parti. En dernier, on retrouve tous ceux qui n’ont pu obtenir, pour une raison ou une autre, l’accréditation de leur parti et qui ont donc préféré aller tenter leur chance en solo. Rappelons que plusieurs listes électorales avaient été présentées par d’anciens militants de l’USFP appartenant au courant de feu Ahmed Zaidi. Cette année, et c’est le sujet d’actualité dans plusieurs villes, ce sont d’anciens encartés du PJD qui s’apprêteraient à tenter cette expérience. Un peu partout, des cadres du parti font état de leur mécontentement quant à la manière avec laquelle le parti gère l’opération de sélection des candidats. Il n’est pas à écarter qu’ils fassent cavalier seul à la tête de listes indépendantes. En fait, d’après certaines indiscrétions, ce serait même le parti qui aurait décidé d’adopter cette stratégie et de la déployer dans les villes où il compte une base électorale assez importante et où le nouveau quotient électoral bride considérablement ses ambitions. En gros, des anciens militants, qui officiellement ont rompu toute attache avec le parti, s’apprêtent à se présenter et, une fois élus, ils pourraient constituer un appoint pour le parti lors de la formation des bureaux dans les assemblées locales et régionales, voire au moment des tractations de formation du gouvernement. C’est d’ailleurs le seul enjeu de cette tactique, puisqu’un candidat indépendant ne pourra jamais briguer le poste de président de commune ou de région. Ce poste est réservé, selon la loi, aux candidats appartenant aux cinq partis arrivés premiers aux élections. C’est ce que prévoient d’ailleurs l’article 9 de la loi organique 111-14 relative aux communes et l’article 11 de la loi organique 111-14 relative aux régions. Ce qui fait dire à certaines analystes politiques que, quand bien même le PJD compterait sur ce stratagème pour limiter les dégâts, il ne lui sera certainement pas de grande utilité. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit des élections des membres de la première Chambre. Encore heureux que le législateur ait anticipé ce cas de figure où un parti politique se hasarderait à instrumentaliser ce mécanisme pour contourner les contraintes qu’imposent les lois électorales. En effet, sur ce point, l’article 23 de la loi organique relative à la Chambre des représentants, est très explicite. Les listes de candidatures présentées par des candidats sans appartenance politique doivent être accompagnées de leur programme, de l’indication de l’origine du financement de leur campagne électorale et surtout d’une liste des signatures. Cette liste doit comporter 200 signatures au moins, par siège attribué à la circonscription électorale locale, dont 80% de signatures d’électeurs de ladite circonscription et 20% de signatures d’élus de la région dont relève la circonscription électorale concernée, parmi les membres des deux Chambres du Parlement et/ou des conseils des collectivités territoriales et/ou des Chambres professionnelles, lorsqu’il s’agit des candidatures présentées au titre des circonscriptions électorales locales. Ainsi, si les intentions que l’on attribue au PJD s’avéraient exactes, il lui serait difficile de compenser le manque à gagner en sièges qu’engendre le changement de certains paramètres de l’opération électorale. Cela d’autant que selon la Constitution, seules les sièges obtenus effectivement par un parti donné sont comptabilisés au moment de nommer un chef de gouvernement.