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Culture

Marrakech fête le cinéma

Cent dix films, une immersion dans le cinéma égyptien, un zoom sur les films marocains et des hommages aux grands disparus, tel est le menu, tantôt savoureux, tantôt nostalgique, que nous propose la VIIe édition du Festival international du film de Marrakech (du 7 au 15 décembre).
Un festival qui prend des galons à  chaque prestation.

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Cent dix films à  voir ! De quoi mettre à  rude épreuve les yeux les plus boulimiques. A la lecture du programme de la VIIe édition du FIFM, le spectateur s’essouffle déjà  à  l’idée de parcourir en tous sens Marrakech, devenue un écran géant, pendant neuf jours. Le cinéphile marathonien ne saurait bouder son plaisir. Multiples styles de diverses cinématographies défileront en accéléré, le mettant en situation de comprendre le monde.

Dix-neuf pays dans la sélection officielle, dont le Maroc
Depuis sa naissance, le FIFM qui refuse d’être une course aux palmes et aux prix se veut essentiellement une fête du 7e art. C’est pourquoi, cette année encore, il se présente comme une flânerie à  travers les continents cinématographiques. Certains, parce que lointains ou méconnus, étaient inattendus à  pareil banquet des rois. Ainsi l’Estonie (Sugisball, de Veiko Ounpuu), les Philippines (Tirador, de Brillante Ma Mendoza) ou le Tchad (D P 75-Tartina City, de Issa Serge Coelo). Ce qui permettra aux amateurs de cinéma d’arpenter des territoires encore en friche et de faire connaissance avec des cinéastes qui font du cinéma dans des pays o๠il n’existe pas.

De Nashid Al Amal à  Heya Fawda, cent ans de cinéma égyptien arpentés
Dix-neuf pays sont représentés dans la sélection officielle (films en et hors compétition). Avec un égal bonheur, puisque, mis à  part le Japon et les Etats-Unis (deux films chacun), le reste joue une seule partition (Estonie, Algérie, Tchéquie, Maroc, Finlande, Philippines, Russie, Chine, Serbie, Mexique, Corée du Sud, Pays-Bas, Royaume-Uni, Italie, Canada, France, Egypte). A noter l’absence de l’Allemagne, pourtant assidue au FIFM. Et l’on ne manquera pas de se réjouir de la présence du Maroc dans les films en compétition. Sauf que ces Jardins de Samira, taillés par le producteur, producteur délégué, réalisateur, monteur et documentariste Latif Lahlou, ne comblent pas d’aise la plupart des connaisseurs. Non que le film soit au ras des pâquerettes, mais il ne s’élève pas, estime-t-on, à  la hauteur requise par une manifestation de ce genre.
Sur les quatorze films en compétition, six sont des premières Å“uvres : Sugisball (Estonie); L’envers du miroir (Algérie) ; Funuke show some love (Japon) ; Kremen (Russie) ; The Red Awn (Chine) ; Partes Usadas (Mexique). Ils sont autant inédits que les huit autres, en vertu d’une règle établie par le FIFM. Tous sont l’Å“uvre de cinéastes indépendants. Ce qui confirme le mépris des concepteurs du festival envers des superproductions aussi coûteuses que prétentieuses, et leur prédilection pour un cinéma créatif, tissé par des talents émergents, voire inconnus, qui inventent ou redonnent des couleurs inédites aux schémas convenus.
On ne saurait se prononcer sur la qualité des films proposés, faute de les avoir visionnés auparavant. Mais force est de reconnaà®tre que le FIFM a toujours eu le nez creux et le jugement heureux. Qui n’a pas applaudi, en 2006, à  Der Rote Kakadu, de Dominik Gaf ; Hirtia Va Fi Albastra, de Radu Muntean ou Un dimanche à  Kigali, de Robert Favreau. Trois Å“uvres de débutants, autant de pépites ?
C’était devenu une habitude, on a fini par s’en lasser : Bollywood s’invitait chaque saison à  Marrakech. Cette fois, changement de cap : le Maroc est à  l’honneur. Un film en compétition (voir supra), un autre, En attendant Pasolini, signé Daoud Aoulad-Syad, figurant dans la rubrique «Coups de cÅ“ur», en plus de quatorze créations puisées dans la cuvée 2007. Pas enivrant du tout. Juste pour se rendre compte que si le cinéma de chez nous arbore une santé enviable (vingt films réalisés en 2007), il n’est pas au mieux de sa forme. Cependant, tout n’est pas à  jeter au rebut. Du lot constitué de navetons clinquants, se détachent quelques opus qui, sans atteindre les sommets, se révèlent agréables à  voir : La Beauté éparpillée (Lahcen Zinoun), Le jeu de l’amour (Driss Chouika), O๠vas-tu Moshé ? (Hassan Benjelloun).
Du Maroc, nous ferons voile vers l’Egypte, sur une gondole nommée «Cent ans de cinéma égyptien» . Un bail décliné en quarante odes, depuis Nashid Al Amal (1937) de Ahmed Badrakhan, et Azima (1939), de Kamal Selim, à  Emaret Yacoubian, de Marwan Hamed et Heya Fawda (2007), de Youssef Chahine, en passant par Sira’Al Abtal (1962) de Tawfik Salah et Al Ard (1969), de Youssef Chahine. Précieuse occasion de redécouvir ce cinéma, aujourd’hui en berne, peuplé de cinéastes majeurs (Ahmed Badrakhan, Salah Abou Seif, Youssef Chahine, Atef El Tayeb, Yousry Nasrallah, Marwan HamedÂ…) et d’étoiles indécrochables (Oum Kalsoum, Emad Hamdi, Youssef Wahby, Hind Rostom, Rochdi Abada, Omar Sharif, Faten Hamama, Souad Housni, Nour Sharif, Adil Imam, Leila IlouiÂ…)
Aux morts glorieux, le FIFM reconnaissant. En 2007, les réalisateurs Michelangelo Antonioni et Ingmar Bergman, ainsi que le producteur Ahmed Baha Attia, ont rejoint le paradis des faiseurs de rêves. Un hommage leur sera rendu, à  travers les bijoux qu’ils ont sertis : L’aventura, L’Eclipse, Profession reporter (Antonioni) ; L’homme des cendres, Halfaouine, Les Silences du palais (Attia) ; les Fraises sauvages, Persona, Sarabande (Bergman). Voilà  pour la séquence émotion du VIIe FIFM.
Mais le FIFM ne serait pas le Cannes d’Afrique s’il ne nous agrémentait de paillettes et de risettes. Il faut s’attendre donc à  une pluie de vedettes rivalisant d’éclat. Sont annoncés une centaine de cinéastes et de comédiens égyptiens en vue, plus le dessus du panier du cinéma marocain et l’habituel gratin du cinéma français. On murmure aussi que Leonardo Di Caprio serait de la partie. Tant mieux pour les collectionneurs d’autographes. Les vrais cinéphiles, eux, ne cherchent qu’à  se rincer l’Å“il de belles séquences, et il y en aura à  foison.