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Maroc-USA-Israël : un tournant historique

• En signant une déclaration conjointe avec les Etats-Unis et Israël, le Maroc obtient la reconnaissance américaine de sa souveraineté sur le Sahara. Il obtient également une aide au développement de 3 milliards de dollars, et signe six accords économiques dans plusieurs domaines. Tout cela sans que sa position sur la Palestine ne soit mise en cause.

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SM le Roi reçoit en audience une délégation américano israélienne de haut niveau

Ce mardi 22 décembre est une date à marquer d’une pierre blanche, pour reprendre l’expression consacrée. Tous les évènements qui se sont succédé ce jour revêtent une forte charge de symbolisme qui n’échappe à personne. C’est un événement aussi important qu’historique, dira plus tard le ministre des affaires étrangères Nacer Bourita. L’arrivée d’une délégation israélo-américaine à Rabat en début d’après-midi à bord d’un vol commercial, le premier depuis la suspension des relations entre le Maroc et Israël en 2002, le recueillement de cette délégation sur les tombes des défunts Rois, Mohammed V et Hassan II, et l’audience royale qui a été accordée à ses membres le soir même. Un autre détail qui n’échappe à personne et qui en dit long sur les liens particuliers entre le Maroc et la population israélienne, le chef de la délégation, côté israélien, Meir Ben-Shabbat, s’est exprimé à l’issue de cette audience en darija marocain. Un peu plus tôt, les propos tenus par le Conseiller à la sécurité nationale de l’État d’Israël devant le Souverain témoignent, sans nul conteste, des liens distingués unissant la diaspora marocaine en Israël à SM. Mohammed VI.
Nous sommes bien loin des années 90, plus précisément 1994, lorsque le Maroc avait décidé de normaliser ses relations avec l’Etat hébreu, ouvrant ainsi un bureau de liaison à Rabat et un autre à Tel Aviv. Aujourd’hui, le contexte est différent, quoique l’esprit soit resté le même, à savoir la recherche de la stabilité et d’une paix durable au Moyen-Orient. Ce qui a été signé, mardi à Rabat, et non à Washington comme c’est le cas des trois pays arabes qui ont normalisé leur relation avec Israël, est une déclaration tripartite qui engage les Etats-Unis, non seulement à reconnaître la marocanité pleine et entière du Sahara, mais également de lancer dans cette région un programme d’investissement de trois milliards de dollars. Bien sûr, ce ne sera qu’une entrée en matière, puisqu’en signant une déclaration d’entente relative à l’initiative américaine «Prosper Africa», le Maroc apporte son soutien à cette initiative américaine. Plus encore, une antenne de cette agence sera ouverte à Rabat afin de faciliter l’accès aux investisseurs américains et coopérer ensemble vers l’Afrique. Ce qui ouvre la porte aux capitaux privés américains d’investir au Maroc et par delà, en Afrique. Pour revenir sur le document signé, mardi, devant SM. le Roi, pour la partie marocaine par le chef du gouvernement qui est également secrétaire général du parti islamiste du PJD, certains observateurs noteront qu’il s’agit d’une déclaration conjointe. Ce qui, en droit international, n’a pas la même force qu’un traité ou une convention. Ainsi, selon la Convention de Vienne de 1969, le contenu d’une déclaration est l’objet d’une obligation morale, mais n’a pas de force juridique. Quant au traité, c’est un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international. Les Etats l’ayant signé sont tenus de le respecter. La convention est un accord passé entre Etats qui a, au même titre que le traité, une force juridique contraignante pour les Etats l’ayant ratifiée. Ce qui laisserait entendre que les USA qui, outre leur reconnaissance de la marocanité du Sahara, se sont également engagés à soutenir financièrement son développement et d’y ouvrir un consulat, à Dakhla, pourraient éventuellement se soustraire de cet engagement. Cela d’autant que la déclaration qu’ils ont signée, de surcroît, à la veille du changement de l’Administration, n’a qu’une force morale. Ce serait méconnaître les rouages du pouvoir dans ce pays, souligne un connaisseur en la matière. «Les Etats-Unis, quelle que soit l’Administration, ne prendront jamais le risque de mettre en cause les intérêts d’Israël», souligne la même source. Il est donc inimaginable, voire impossible que la nouvelle Administration qui prend le pouvoir le 20 janvier prochain revienne sur les engagements ainsi pris envers le Maroc. Autre détail, et non des moindres, que le Maroc ait signé une déclaration, cela le met de facto en dehors du «Deal du siècle» ou «l’accord d’Abraham». Ce n’est pas un tantième pays arabe à avoir normalisé ses relations avec Israël. C’est un cas à part.
Cela dit, même en n’ayant qu’une force morale, le texte est si verrouillé de manière à préserver les intérêts du Maroc dans un premier lieu et ceux d’Israël. Il faut dire que depuis le 10 décembre, date de l’entretien téléphonique entre SM le Roi et le Président Donald Trump, les Etats-Unis ont entamé des démarches officielles pour la concrétisation de leur engagement. La Proclamation du Président concernant le Sahara a été publiée dans le registre fédéral, une sorte de B.O, quelques jours plus tard, la représentante permanente du pays au Conseil de Sécurité a informé de son contenu, par lettre officielle, les autres membres ainsi que le Secrétaire général de l’ONU. Pas plus tard que lundi dernier, et à l’occasion d’une réunion du Conseil de sécurité, sur initiative de l’Allemagne, les Etats-Unis ont exposé, pour la première fois devant cette instance, le bien-fondé et la justesse de la Proclamation américaine du 10 décembre 2020, reconnaissant la pleine et entière souveraineté du Maroc sur son Sahara. Nul besoin de souligner que cette présentation de la part d’un membre permanent du Conseil de sécurité, a une portée historique et une importance fondamentale pour la consécration politico-juridique de la marocanité du Sahara au sein de l’Organisation des Nations Unies. Cela dit, la déclaration conjointe pourrait certainement avoir une incidence notable sur le plan de la politique nationale. Ne parlons pas des contradictions de certains, c’est un fait. Il s’agit plutôt de la question du vote des MRE aux prochaines élections de 2021. Si les propositions présentées en ce sens par la plupart des partis politiques sont adoptées, on devrait certainement se retrouver devant une situation où plusieurs centaines de milliers d’Israéliens qui gardent toujours leur passeport marocain pourront logiquement voter aux élections. Pour cela il suffit de quelques réglages techniques.


Six accords et trois milliards de dollars, pour commencer…

Le Royaume du Maroc et l’Etat d’Israël ont signé quatre accords dans plusieurs domaines lors de la visite de la délégation américano-israélienne de haut niveau.
Il s’agit, en premier, d’un accord sur l’exemption de formalités de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de service. Ensuite, un mémorandum d’entente dans le domaine de l’Aviation civile a été signé entre les deux parties.
En reconnaissant l’importance d’assurer des vols directs entre Israël et le Maroc, les deux parties s’engagent à mener des discussions pour la conclusion d’un accord sur les services aériens.
En outre, un mémorandum d’entente sur l’innovation et le développement des ressources en eau qui prévoit la coopération technique en matière de gestion et d’aménagement de l’eau, a été signé entre la Direction générale de l’eau au ministère de l’équipement et la Direction générale du ministère israélien des ressources en eaux.
Quant au mémorandum d’entente de coopération dans le domaine des finances et d’investissement également signé entre les deux pays, il annonce la promotion des relations économiques entre les deux pays à travers le commerce et l’investissement.
Ce MoU prévoit la négociation d’autres accords devant régir ces relations : «Convention de non-double imposition, accord sur la promotion et la protection des investissements et accord sur l’assistance douanière».
Par ailleurs, le Maroc et les Etats-Unis d’Amérique ont signé deux accords de coopération destinés à promouvoir les investissements au Maroc et en Afrique lors de la visite de la délégation américano-israélienne de haut niveau.
Le premier accord, un mémorandum d’entente, a été signé entre le gouvernement marocain et la Société américaine de financement du développement international (United States International Development Finance Corporation-DFC). Ce mémorandum d’entente prévoit de fournir un soutien financier et technique à des projets d’investissement privés, d’un montant de 3 milliards de dollars, au Maroc et dans les pays d’Afrique subsaharienne, en coordination avec des partenaires marocains.
Le deuxième accord est une lettre d’intention entre le gouvernement du Royaume du Maroc et le gouvernement des États-Unis, représenté par la Société américaine de financement du développement international concernant l’initiative américaine «Prosper Africa».
A travers cette lettre d’intention, le gouvernement marocain exprime son soutien à l’initiative américaine Prosper Africa. Une antenne de cette agence sera ouverte à l’ambassade des États-Unis à Rabat afin de faciliter l’accès aux investisseurs américains et coopérer ensemble vers l’Afrique.