Affaires
Des «malentendus» entachent la profession d’architecte
La régulation de la commande privée à 7 dossiers par mois déplaît aux architectes. Le CNOA compte mettre en place un modèle type de contrat, malléable en fonction des régions.

La profession des architectes connaît un certain chamboulement ces derniers temps. Le Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA), qui veut mettre de l’ordre dans le secteur, s’est attelé au phénomène des signatures de complaisance, surtout après la loi 66-12 relative à la répression des fraudes en matière d’urbanisme. Des décisions ont été mises en place comme la limitation du nombre de dossiers à 7 par mois dans la région du Centre et 5 à Casablanca. A Meknès, et selon un document interne dont La Vie éco dispose d’une copie, il a été fixé un seuil de 7 projets dans le ressort territorial et de 3 par mois à l’échelle nationale. «Cette régulation a pour but l’amélioration de l’exercice professionnel (amélioration du cadre bâti, suivi des travaux et revalorisation des missions de l’architecte en rapport avec les lois en vigueur…)» apprend-on du document.
Les architectes d’ici et d’ailleurs ne semblent pas ravis de cette décision. «Aucun texte de loi concernant la profession ne délimite le nombre de dossiers à accepter pour un architecte», se plaint un professionnel. Un architecte qui travaille en collaboration avec 2 ou 3 autres dans son cabinet peut se permettre de dépasser ce nombre… Pourquoi donc le limiter ?
«Il s’agit d’un accord interne et voté à l’unanimité lors d’une AG et attesté par un huissier de justice à laquelle avait pris part une majorité d’architectes privés de la Région et 5 présidents des autres conseils régionaux de l’ordre des architectes», explique Mohammed El Haddadi, président du Conseil régional des architectes de Meknès.
De son côté, Azeddine Nekmouche, président du CNOA, précise qu’aucun quota n’a été instauré dans l’une des villes du pays. «Nous avons juste donné des consignes aux présidents des Conseils régionaux pour vérifier et suivre les architectes qui cumulent plusieurs dossiers par mois afin de constater leur degré d’implication dans les chantiers».
Un malentendu à régler d’urgence… et pas le seul. Une autre proposition mécontente les architectes. Il s’agit du changement de la base de calcul de leurs honoraires d’un pourcentage du coût du projet à un prix au m2, en fonction du type de logement.
«A titre d’exemple, alors qu’un logement économique en R+2 ou R+3 coûte au client entre 3 000 et 5 000 DH, il devra revenir entre 15000 et 20 000 DH selon ce nouveau barème», illustre Aze-eddine Chahdi, architecte à Meknès. Cette mesure a pour conséquence de faire fuir les clients, puisque le coût de revient sera plus élevé, d’autant qu’il sera répercuté sur le client final, déjà que le secteur immobilier pâtit d’une stagnation des transactions.
D’ailleurs, plusieurs promoteurs et architectes boycottent le marché et sont allés même jusqu’à retirer leurs dossiers du circuit d’approbation. D’autres continuent à opérer en imposant leurs honoraires de base. «Cette décision n’a aucune base légale», rétorque Chaouki Mesbahi, président de l’Association des lotisseurs et des promoteurs immobiliers à Meknès, en argumentant par l’article 2 de la loi sur la libre concurrence. Celui-ci stipule: «Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, des produits et des services sont déterminés par le jeu de la libre concurrence».
La région de Meknès n’est pas la seule concernée. A Rabat et Casablanca, certains architectes commencent à imposer d’autres honoraires sur «ordre» du Conseil régional dont ils font partie. «Si cela se généralise, ce sont les bureaux d’études et d’ingénierie et l’ordre des géomètres-topographes qui devraient adopter le même système», craint notre promoteur. Ceci constitue un danger pour le secteur immobilier dans la mesure où les prix à la vente devraient se renchérir davantage.
M.El Haddadi, réfutant toute augmentation de charge, explique : «Le barème de la commande publique est instauré par décret promulgué au Bulletin officiel et le fixe entre 4 et 5% du coût des travaux car il n’y a pas d’exercice architectural destiné au secteur public et un autre au privé». En vue de palier les problèmes de rémunération de l’architecte, M.Nekmouche précise : «Nous sommes en train de mettre en place un modèle de contrat-type à communiquer à tous les présidents des Conseils régionaux. Il comprendra un barème spécifique qui sera adapté aux spécificités de chaque région du pays». L’objectif, selon lui, est d’améliorer le résultat final et la qualité architecturale, de répondre aux besoins des citoyens et de pousser les architectes à mener leurs missions convenablement.
