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Communication financière : pour une information plus fréquente…
Certaines sociétés n’ont pas respecté les délais de publication des comptes trimestriels. La majorité des sociétés cotées ne se conforme pas aux standards internationaux. Les émetteurs sont tenus de publier au moins 5 indicateurs de leurs activités.

Longuement revendiquée par les investisseurs et les opérateurs du marché financier, la publication des comptes trimestriels est désormais obligatoire. Une disposition de la nouvelle circulaire de l’AMMC n°03/19 relative aux opérations et informations financières, exigible depuis le 7 juin 2019. N’ayant pas fixé de temps de latence entre la publication de ladite circulaire et la première publication, les émetteurs ont dû publier leurs comptes relatifs au 2e trimestre avant le 31 août (date limite de publication). Dans ce contexte, une cinquantaine d’entreprises a publié dans le rush, à moins d’une semaine de la date butoir, et une demi-dizaine n’a pas respecté le délai légal fixé. «Beaucoup d’émetteurs ont publié le strict minimum. Les communiqués tiennent sur une page, au moment où d’autres groupes plus habitués à l’exercice de communication financière produisent des communiqués bien plus fournis d’une dizaine de pages», confie Anass Radi, président de l’Association marocaine des consolideurs financiers (AMCF). Il faut dire que jusqu’ici, seules les banques, Maroc Telecom, Mutandis, Ennakl et quelques émetteurs sont entraînés à cet exercice de publication trimestrielle. Le reste, des entreprises familiales pour la plupart, est toujours dans une phase embryonnaire en matière de communication.
Obliger les émetteurs à publier trimestriellement leurs comptes va-t-il systématiquement améliorer la guidance du marché et sa transparence ?
Théoriquement, oui. «La publication trimestrielle permet de mieux anticiper les résultats, en outre, participe à l’accélération de la production comptable et financière et donne un signal fort sur l’organisation structurelle des services financiers et donc de la gouvernance de l’entreprise», atteste Laila El Andaloussi, expert-comptable.
Une information peu qualitative n’aura pas d’impact sur la transparence du marché
Pour M. Radi, l’amélioration de la transparence n’est pas systématique. «Le cadre de la communication financière au Maroc a du retard à rattraper par rapport aux autres marchés développés. Ceci dit, la circulaire de l’AMMC constitue un grand pas en avant. L’objectif étant d’offrir une matière à analyser sur la place boursière, par séquence trimestrielle». Dans un premier temps, il est nécessaire que les émetteurs s’habituent à cet exercice de publications trimestrielles, avant de s’intéresser au volet de l’amélioration de l’information. «Le travail à faire aujourd’hui est de convaincre les émetteurs quant à l’importance de l’information financière qui représente un levier de création de valeur pour l’entreprise. Il faudrait donc les sensibiliser quant aux avantages d’une bonne communication financière, dont les plus importantes sont la fidélisation des investisseurs réels (les actionnaires engagés), et l’attractivité des investisseurs potentiels», enchaîne M.Radi.
Une fois cette habitude instaurée, il faudra par la suite se pencher sur la qualité de l’information diffusée. Une démarche logique et progressive qui se fera dans la continuité, puisant sa force d’un arsenal réglementaire enrichi et d’une volonté de transparence de la part des acteurs et une vraie implication de la part des émetteurs.
«Quand bien même la fréquence de la communication financière serait renforcée, il faudra impérativement que l’information soit de qualité, qu’elle réponde à des normes internationales. Sinon son impact ne sera pas significatif», affirme l’expert.
Notons dans ce sillage que la plupart des émetteurs appliquent toujours des normes de comptabilisation nationales. Le nombre de sociétés qui publient en IFRS demeure limité : les banques, par obligation, les filiales de multinationales, les sociétés doublement cotées et une petite minorité qui le fait par choix… La comparabilité des sociétés de la cote est donc quasi impossible, puisqu’elles parlent “deux langages différents”.
Le Maroc est nettement en retard par rapport à l’obligation (au moins sur le marché boursier) de diffusion de l’information financière selon les normes internationales. «Il faut savoir que plus de 70% des places boursières étrangères communiquent en IFRS. Même les pays d’Afrique subsaharienne détiennent un référentiel comptable commun, qui tend depuis 2018 à une convergence quasi totale vers les normes IFRS», explique M.Radi.
In fine, les sociétés devront se conformer aux normes internationales. Il sera question d’opter pour l’une de ces deux voies «Imposer ces normes (à l’instar du secteur bancaire en 2008) ou plutôt opter pour une démarche d’adoption progressive, en convergeant le référentiel comptable national vers le référentiel international à l’exemple de plusieurs pays (Qatar, Chine, Japon…)» enchaîne l’expert.
Un dernier point primordial pour l’accélération de l’impact de l’information financière, c’est celui de son accessibilité. Plusieurs entreprises cotées n’ont pas de sites web, elles devraient pourtant avoir le réflexe d’utiliser les nouvelles technologies d’information pour communiquer avec les tiers.
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[tab title= »Quels sont les indicateurs clés (trimestriels) que doivent communiquer les sociétés aux investisseurs pour que ces derniers aient une visibilité continue de l’activité ? » id= » »]Le contenu des comptes trimestriels est régi par l’annexe III.2.H de la circulaire n°03/19 de l’AMMC. L’autorité a prévu, par secteur d’activité, un certain nombre d’indicateurs qui doivent obligatoirement être publiés, avec un niveau de comparabilité raisonnable pour avoir une idée de l’évolution de l’activité. «Sans arriver au résultat final, puisque celui-ci peut être impacté par des faits exceptionnels», explique une source de l’AMMC.
Tout émetteur doit publier dans les deux mois suivant la clôture de chaque trimestre, des indicateurs trimestriels d’activité et financiers qui doivent contenir au minimum :
– un commentaire sur l’activité avec un descriptif de la situation financière du trimestre mettant en relief dans une description narrative les éléments phares de la période, avec leur incidence sur les comptes ;
– des indicateurs d’activité, à savoir le volume de production et des ventes, le chiffre d’affaires net du trimestre, les informations sur les investissements, et désinvestissements, les modalités d’endettement financier à long et court terme, ainsi que la variation du périmètre de consolidation (pour les groupes).
Ces informations devraient être présentées comparativement à l’exercice précédent.
Les émetteurs peuvent également publier d’autres indicateurs de leur choix spécifiques à leur activité, qu’ils jugeraient utiles.
Si ces indicateurs ont été contrôlés par un commissaire aux comptes il y a lieu de le mentionner.
Notre source affirme par ailleurs que «les publications trimestrielles sont évidemment contrôlées au même titre que les comptes semestriels et annuels. Ils ne sont pas accompagnés de rapports de commissaires aux comptes mais l’autorité s’assurera de la pertinence de l’information et le conseil de surveillance sera responsable de toute information publiée».[/tab]
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[tab title= »En général, les sociétés cotées ne devraient-elles pas plutôt adapter leur communication financière en fonction de la nature des investisseurs (petits porteurs/institutionnels) ? » id= » »]«La communication actuelle financière préconisée porte sur des agrégats essentiels et simples pour cerner et suivre l’évolution financière et surveiller aussi certains paramètres clés comme l’endettement qui peuvent alerter les investisseurs. Ce sont des informations pertinentes lisibles et claires. Du fait qu’elles sont publiées sur le site internet, et classées par type d’information dans une rubrique dédiée a l’information des investisseurs, elles sont donc accessibles par les petits porteurs.
Ces derniers devraient également améliorer progressivement leur culture financière afin qu’ils puissent utiliser et évaluer correctement toutes ces données», déclare Laila El Andaloussi
Pour Anass Radi, «les émetteurs ont la liberté de personnaliser leur communication en fonction de l’investisseur ciblé, puisque l’AMMC n’a pas limité la liste à cinq indicateurs. Les sociétés ont le libre arbitre d’ajouter d’autres indicateurs jugés pertinents. A condition de fournir une définition claire de ces derniers (formules de calcul), et d’avoir une permanence des méthodes (veiller à publier ces indicateurs lors des prochaines publications)».[/tab]
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