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Communes. «La gestion du service public sera mutualisée de manière globale»

La loi organique relative aux communes, dans son article 134, énumère les services autour desquels les communes peuvent se regrouper et mutualiser leurs compétences. Même si l’arsenal juridique est prêt pour encadrer la transition vers un nouveau système, certains réajustements peuvent s’avérer nécessaires. La dotation fournie par les bailleurs de fonds sera dédiée à l’investissement dans les services aux citoyens.

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Brahim Bachirat

Brahim Bachirat, chargé de la division de la promotion de la gouvernance des collectivités territoriales au sein de la DGCL, nous livre dans cet entretien les détails de ce nouveau programme. Il tient surtout à préciser que le budget de financement global de ce programme n’est pas encore finalisé, les négociations avec les bailleurs de fonds étant toujours en cours. Cela étant dit, ce projet est mis, dans les lignes qui suivent, dans son contexte global, à savoir celui de la régionalisation avancée et de la transformation de l’administration.

Un montant de 7,4 milliards de DH a été avancé par des sources différentes. Quel est le budget exact du programme ?
Le budget est en cours de négociation avec la Banque Mondiale et l’Agence française de développement. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a une partie fournie par nos bailleurs de fonds, et une deuxième qui constitue un effet de levier du ministère de l’intérieur. Il n’y a pas encore de montant définitif.

Quel est le but global de ce programme ?
Le Programme d’amélioration de la performance des communes vise cinq principaux objectifs. Il s’agit de l’amélioration de la qualité de service rendue aux citoyens, de l’amélioration du climat des affaires pour les entreprises, du renforcement des mécanismes de la démocratie participative, du renforcement des capacités des communes cibles à travers la formation, l’assistance technique et les systèmes d’information et, enfin, de la structuration des ECI afin de renforcer la mutualisation et la rationalisation des moyens des communes sur le sol national.

Pourquoi cherche-t-on à développer les ECI ?
L’idée de regrouper les communes autour d’une ou plusieurs missions rendant des services aux citoyens. La loi organique relative aux communes, dans son article 134, énumère les services autour desquels les communes peuvent se regrouper et mutualiser leurs compétences. En effet, nous avons ressenti un besoin réel en matière d’intercommunalité, ce vers quoi nos bailleurs de fonds essaient de nous orienter d’ailleurs.

En pratique, qu’est-ce qui sera mutualisé ? S’agira-t-il des ressources, des méthodes de travail ou des prérogatives ?
La gestion du service public sera mutualisée de manière globale, y compris les moyens humains et financiers. Si on prend l’exemple de la capitale, qui a déjà connu la création du groupement intercommunal Al Assima, le transport public est géré par ce dernier et le principe de la mutualisation est déjà appliqué entre les communes qui constituent le groupement.

Qu’en est-il du Programme d’appui à la performance des communes en relation avec la régionalisation avancée ?
La régionalisation avancée (le transfert des compétences de l’Etat aux collectivités territoriales), un des grands chantiers du Royaume se base sur le principe de la subsidiarité qui permet une répartition des compétences entre les trois niveaux (régions, provinces & préfectures et communes). Ce principe est simple. Chaque compétence est exercée au niveau le plus adéquat. Ainsi, le transport public urbain est du ressort des communes alors que le transport public inter-régional est une attribution des régions. Si on renforce ce principe de subsidiarité, on renforce par la même occasion la régionalisation avancée. Par ailleurs, il y a un autre chantier tout aussi important qui est celui de la déconcentration. Ce chantier, qui consiste à transférer des compétences de l’Etat à ses représentants déconcentrés au niveau local, contribuera au développement des compétences des communes. Ce sont deux projets parallèles et complémentaires.

Cela crée une certaine complémentarité des compétences au sein des collectivités territoriales, n’est-ce pas ?
Tout à fait. La Région s’occupera de tout ce qui est développement intégré et durable, dans le cadre d’une mission de développement économique global. Le niveau intermédiaire des provinces et des préfectures est chargé du développement social, notamment dans le milieu rural. Le troisième niveau, les communes, est chargé des services de proximité.

Dans le cadre du PAPC, les décaissements se feront selon le modèle dit Programme pour les résultats (PPR). Cela ne privilégiera-t-il pas les communes qui réussissent au détriment des autres ?
Le programme comprend deux composantes, une composante Indicateurs de décaissement et une composante Indicateurs de performance. Le PPR consiste en l’octroi de soutiens financiers aux communes cibles, sur la base de l’évaluation de leur performance. Ces dotations dédiées à l’investissement viendront s’ajouter aux dotations actuellement allouées aux communes. Pour chaque commune cible, ces dotations comprendront une dotation de base conditionnée par l’atteinte de cinq conditions minimales obligatoires (CMO) qui correspondent au respect de certaines dispositions légales, ainsi qu’une dotation additionnelle proportionnelle au score obtenu (sur 100 points) par rapport aux 24 indicateurs de performance (IDP), répartis en 6 thèmes. Ces thèmes sont la gouvernance et transparence (5 IDP), la gestion de la dépense (4 IDP), la gestion des ressources (4 IDP), les ressources humaines (2 IDP), la gestion environnementale et sociale (4 IDP) et la qualité des services communaux (5 IDP). Pour répondre à votre question, c’est le ministère qui sera responsable du monitoring des indicateurs en tant que structure d’accompagnement.
Ce système va créer une émulation entre les communes et le niveau de performance de chacune sera publié et partagé.

En quoi le troisième sous-programme relatif au renforcement des capacités est-il considéré comme le nerf de la guerre de tout le programme ?
Le renforcement des capacités des communes est un chantier que l’Etat a commencé depuis plusieurs années. Le PAPC permettra de lui insuffler plus d’élan et d’entrain. Au sein de la DGCL, il existe une structure dédiée à la formation des collectivités territoriales: la direction de la formation des cadres administratifs et techniques, qui gère un SEGMA (service d’Etat géré de manière autonome) dédié au renforcement des capacités des collectivités territoriales. Cette structure va veiller à la réalisation de la mission de ce sous-programme, au même titre que tout le programme d’appui.
Actuellement, nous attendons les résultats d’un test à blanc d’évaluation de la performance des communes cibles que nous venons de lancer en collaboration avec nos bailleurs de fonds. Sur la base de ses résultats, nous effectuons un plan annuel de renforcement des capacités, un canevas qui permet aux communes d’énoncer leurs besoins en la matière afin d’atteindre les objectifs tracés par le programme qui leur a été envoyé.D’autre part, nos bailleurs de fonds insistent énormément sur les ressources humaines, et sur le budget qui leur est alloué. Quelque part, ce programme nous permettra de fédérer nos besoins par rapport aux offres potentielles de l’assistance technique dans le cadre de la coopération internationale.

Donc ce volet de renforcement des capacités accaparera une grande partie du budget de ce programme…
Effectivement. Mais il faut faire une précision. La dotation fournie par les bailleurs de fonds sera dédiée à l’investissement (services aux citoyens) et non au fonctionnement, y compris la formation et le recrutement. Une partie conséquente du budget mise en place par le ministère est orientée, elle, vers le renforcement des capacités.

Est-ce que l’arsenal juridique est adapté à cette évolution des collectivités territoriales ?
L’arsenal juridique est déjà prêt. Mais il est probable que nous aurions besoin de certains réajustements, notamment en ce qui concerne l’intercommunalité.

Quelles sont les activités qui seront touchées directement par le programme ?
La finalité du PAPC est d’améliorer la qualité du service au citoyen et le climat des affaires pour les entreprises. Cela est sa raison d’être. Les indicateurs de performance sont là pour le garantir. Au niveau des communes, elles doivent mettre en place des moyens pour mesurer la satisfaction au sein de la communauté. Cela concerne toutes les activités de proximité.

En matière de gestion, quelle est la différence entre les grandes communes et les petites communes ?
Au départ, nous nous sommes posé la question s’il était plus pertinent d’uniformiser ce système, ou de mettre en place un système différencié, afin de l’adapter à chaque catégorie de commune. Nous avons opté in fine pour la première option. Cela nous a réconfortés, car la pratique nous a montré que parfois certaines petites communes sont plus performantes que les grandes.

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