Affaires
Assurance : les contours du futur contrat-programme
Les réunions et pourparlers entre les différentes parties prenantes se poursuivent. Le précédent contrat programme a été jugé trop ambitieux. La poursuite de l’extension de la couverture médicale et retraite, l’accélération de la mise en vigueur de l’obligation d’assurance pour de nouveaux segments, la modernisation du réseau de distribution et la digitalisation sont parmi les principaux volets du nouveau projet.

Le nouveau contrat-programme des assurances se fait encore attendre. Auprès de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (Acaps) et de la profession, rien d’officiel ne filtre sur cette nouvelle feuille de route censée remplacer, ou corriger, la première arrivée à échéance en 2015. Nos sources dans le secteur informent que quelques réunions et pourparlers ont eu lieu entre les différentes parties prenantes du dossier et se poursuivent avec une fréquence non régulière. La dernière en date aurait eu lieu à la fin de l’année. Il y était question des défis du secteur, des axes stratégiques et mesures opérationnelles pour les relever et de l’échéancier pour y parvenir. «Cette fois, il semble que le secteur a appris de l’ancien contrat-programme jugé trop ambitieux, et ne veut pas se précipiter pour adopter hâtivement un nouveau document», confie un professionnel. Un cadre d’un grand cabinet en charge des assurances estime, de son côté, que face au bilan très timide en réalisations de l’ancien contrat, il est nécessaire pour le secteur de convenir d’un cadre global pour les années à venir à travers de grandes mesures, mais tout en retenant des objectifs réalistes.
Dans le secteur, l’on parle d’un nouveau contrat quinquennal «qui retiendrait moins de mesures que l’ancien mais serait porté sur des actions réalisables sur une période de cinq ans», précise une source proche du dossier.
A ce titre, rappelons que le contrat-programme 2011-2015 a prévu 5 axes stratégiques déclinés en 72 mesures. Il visait principalement l’élargissement de la couverture des populations et des actifs économiques (notamment les indépendants et les étudiants, ainsi que les PME et TPE), le renforcement du secteur des assurances sur le plan financier et technique, l’amélioration des procédures d’indemnisation et la mise en place de dispositifs de prévention. En outre, il ambitionnait de mettre en valeur le secteur sur le plan régional, notamment en Afrique subsaharienne et sa convergence vers les meilleurs standards internationaux en matière de gestion des risques. En termes chiffrés, l’ancienne feuille de route visait le doublement du chiffre d’affaires, pour le porter dans une fourchette de 40 à 50 milliards de DH, le relèvement du niveau des placements du secteur à 200 milliards de DH et la couverture de la population à hauteur de 90% par l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et à 50% par l’assurance maladie des indépendants. Cela, notamment, à travers l’extension de l’obligation de certaines couvertures optionnelles.
La barre des 40 milliards de DH de chiffre d’affaires franchie avec trois ans de retard
Auprès des officiels, des professionnels et des observateurs, les avis divergent quant au bilan des réalisations du contrat 2011-2015. Chacun y va de sa propre évaluation, souvent influencée par sa position et son appartenance. Une chose est sûre : au vu de ce qui a été annoncé et ce qui est aujourd’hui acté dans le secteur, le bilan est assez maigre ! A en juger déjà par les chiffres, alors que le contrat visait 40 à 50 milliards de DH de primes émises en 2015 déjà, les assureurs viennent tout juste, en 2018, d’entrer dans cette fourchette avec trois pleines années de retard (le secteur a réalisé un chiffre d’affaires de 41,6 milliards de DH, selon les chiffres provisoires de l’Acaps). Les placements affectés à la couverture des engagements réglementaires frôlent les 140 milliards de DH sur un objectif de 200 milliards fixé en…2015 ! Pour ce qui est de l’AMO, l’objectif de 90% semble encore loin: pas plus de 9 millions de personnes soit environ 66% de la population ciblée sont couverts par cette assurance médicale de base selon les données de l’Acaps. Plus parlant encore, sur un objectif de 50% des indépendants à couvrir par une assurance maladie, aujourd’hui personne n’en bénéficie dans le cadre annoncé par le contrat-programme 11-15. La loi est déjà promulguée mais ses textes d’application se font encore attendre. S’agissant du régime de l’AMO des étudiants, sur près de 400000 étudiants qui devaient être assurés au démarrage du régime, l’effectif ne dépasse pas actuellement 75 000 couverts, dont 99,6% relèvent d’établissements du secteur public et 56,9% de l’effectif total représentent les étudiants d’établissements de formation professionnelle (publics et privés).
Sur les aspects structurants (voir encadré), qui nécessitent pour leur mise en marche des textes de loi, pratiquement rien n’est encore effectif ! Des textes sont encore dans le circuit d’adoption alors que d’autres attendent décrets, circulaires et arrêtés pour en voir l’effet sur le secteur. Il en est ainsi du cadre de la couverture sociale (santé et retraite) des indépendants, la loi sur les catastrophes naturelles, la Responsabilité civile décennale et la tous risques chantiers (dont les textes sont actuellement en gestation), l’amendement du livre IV du code des assurances, etc. «Si le contrat n’a pas réussi à atteindre tous les objectifs qu’il s’est assigné c’est moins à cause de la volonté des acteurs, mais surtout en raison d’un agenda législatif bien rempli de texte jugés plus prioritaires que ceux de l’assurance», avance-t-on auprès des officiels pour justifier le retard.
De grands enjeux pour le nouveau contrat-programme
Entretemps, il y a eu bien de changements ! «Le métier a connu des évolutions considérables qui ont fini par changer irréversiblement le business model, les stratégies et process des compagnies, les assurés et tout l’écosystème des intervenants gravitant autour de l’assurance», explique le patron d’une grande compagnie. Les assureurs estiment que si contrat-programme il y aura, il se doit de tenir compte de ce changement de paradigme et de cette petite révolution en cours dans le secteur au niveau local et international depuis le début des années 2010.
L’ancienne feuille de route serait revue et réactualisée en fonction de l’évolution du secteur, la reconfiguration du business des compagnies et l’internationalisation progressive des assureurs marocains notamment en Afrique. Ce nouveau pacte tant attendu devrait reprendre les mesures restées lettre morte de l’ancien et y ajoutera les nouveaux défis du secteur.
D’après les assureurs, en tête de ces grands chantiers figurent la poursuite des efforts pour l’extension de la couverture médicale et retraite, l’accélération de la mise en vigueur de l’obligation d’assurance pour de nouveaux segments (la RCD pour les habitations, et la tous risques chantiers pour les constructions), la modernisation du réseau de distribution, la digitalisation du métier et de ses process, le relèvement de la qualité du circuit d’indemnisation, l’adaptation de l’offre des assureurs pour la prise en charge des nouveaux risques émergents (cybernétiques, terrorisme, catastrophes, réputation et image,..), la refonte des modalités de la cession de risques de clients marocains en réassurance, les dispositifs de support pour l’internationalisation des compagnies marocaines, la gouvernance du secteur, et les nouvelles normes prudentielles pour la gestion de risque ( désormais basée sur la solvabilité),…
En attendant, une source officielle explique que la tutelle travaille d’arrache-pied en concert avec la profession sur plusieurs chantiers structurants pour le secteur. Ce travail est fait au quotidien de manière continue avec un suivi des réalisations même s’il n’y pas encore de nouveau contrat-programme. «Les avancées que nous réalisons dans ce travail sont de taille sans que cela soit obligatoirement mis dans un moule de contrat», conclut-elle.
[tabs][tab title = »Quelques timides avancées »]Il y a eu des avancées sur des points qui ont surtout trait à l’opérationnel et à la chaîne logistique des compagnies dans leur relation à l’assuré. A ce titre, l’on recense l’entrée en vigueur de la convention d’indemnisation corporelle automobile directe des accidents corporels (un dispositif simple et rapide permettant de procéder à l’indemnisation des dommages corporels causés par un véhicule), l’encadrement de la relation entre compagnies et intermédiaire sur le plan financier (paiement des primes) via une circulaire, la mise en place de la médiation, et l’accélération des circuits et des délais d’indemnisation dans tous les segments, notamment automobile et maladie, etc.[/tab][/tabs]
